La semaine qui s'ouvre pourrait se révéler décisive dans la bataille des retraites. Elle couvrira la journée de ce mardi 7 février et, plus encore peut-être celle du 11, un samedi. Cette dernière date a été choisie pour permettre aux syndicalistes du secteur privé de chercher à mobiliser dans les entreprises.
Rappelons à ce sujet la seule disposition notable des trois gouvernements successifs dirigés entre 2002 et 2005 par le misérable Raffarin : elle consista, en la suppression du remboursement des jours de grève... En semaine donc, en dehors certes des lycéens, des [trop nombreux] fonctionnaires de la ville de Paris ou ceux des municipalités communistes, les grévistes manifestent au détriment de leur fiche de paye ou aux frais de la caisse éventuelle de leur syndicat.
Déjà, les quelque 240 rassemblements de ce 31 janvier auront sans doute marqué en eux-mêmes un nouveau tournant dans l'histoire paradoxale du règne macronien. Comme d'habitude, le nombre des personnes ayant défilé sur tout l'Hexagone ou dans sa capitale reste toujours incertain. Cependant, le nombre même de ces manifestations aurait du être facile à comptabiliser. Annoncés 240, ils deviennent : "plus de 250", jusqu'à 268 selon "Sud-solidaires".
Et comme la loi républicaine prend en considération les attroupements de plus de 3 personnes, il eût été instructif et, au moins, pittoresque, pour prendre le pouls du pays réel, et pour s'en tenir à l'ordre alphabétique, de savoir combien de rendez-vous fantômes ont pu être donnés entre Aast la Basque et Zuytpeene la Flamande.
Tout le monde, aussi bien l'opposition de droite que le gouvernement Borne se veut attaché à la sauvegarde, bec et ongle, de la retraite par Répartition. Le mot s'écrit avec un grand R, d'autant plus grand qu'il ne veut rien dire. Le principe n'en a jamais été ni défini légalement ni discuté constitutionnellement. À partir de 1941 fut ainsi instituée, aux temps de la charte du travail et du corporatisme d'État, une pension versée aux vieux travailleurs. Elle fut à partir de cette date d'abord financée par le siphonage des réserves des caisses d'assurances. Confirmé par une ordonnance du gouvernement provisoire de 1944, le principe d'une retenue sur les salaires des actifs fait partie, nous dit-on, du sacro-saint modèle social français.
Pour toutes ces raisons, selon même l'ardeur que l'on met à sauvegarder le système, on exagère donc plus ou moins la taille de la légendaire sardine bouchant le port de Marseille.
Au nom du PCF, ce 15 janvier Fabien Roussel avait lancé le mot d'ordre, pour la journée du 19, du "million" de Français qu'il appelait "à déferler dans la rue". Plus mesurée, la Sécurité territoriale rapportait quatre jours plus tard la présence dans Paris de 78 000 piétons. Notre généreux préfet de police M. Nuñez l'arrondissait officiellement à 80 000. Au soir de la journée suivante, le 31, toujours dans la Capitale, les vieux staliniens de la CGT, n'hésitaient pas à risquer de se ridiculiser, se gargarisant faussement de 500 000 protestataires dans la seule vieille Lutèce, là où ils ne se sont renforcés que de quelques centaines de gauchistes.
L'incertitude se généralise donc à la démesure de ces écarts de chiffres.
La faute principale en revient à l'indécision d'un pouvoir exécutif technocratique s'arrogeant le quasi-monopole de la rédaction des projets de lois, alors qu'il se révèle incapable d'appliquer les textes existants. La médiocre révélation de Mme Borne au Journal du Dimanche daté de ce 5 janvier concède déjà "nous allons bouger" tout en déclarant d'emblée qu'elle se privera de sa principale arme de dissuasion, l'article 49-3.
Après plusieurs années de tentatives désespérées et désespérante d'union des contraires, marquée par la dérisoire formule du "en même temps" qui l'inspire depuis 2017, le président mal réélu est parvenu à se transformer en cible unique de toutes les oppositions, si diverses au départ.
Dans la plus pure tradition des radicaux-socialistes de la troisième république dont elle assume la réincarnation la Macronie s'appuie le plus fort possible sur les principes : ils finiront bien par céder.
Sa Majesté jupitérienne dispose certes encore de quelques fusibles ministériels, membres jetables d'un gouvernement hésitant, sans majorité véritable, ni dans l'assemblée, ni dans le pays. Nul ne saurait prédire, encore moins souhaiter, le printemps en février. Mais confronté à sa propre nullité, ce pouvoir ne doit pas s'étonner de la perte de son influence en Europe plus encore qu'en Afrique, et d'abord en France.
JG Malliarakis
https://www.insolent.fr/2023/02/un-pouvoir-face-%C3%A0-sa-propre-nullite.html