Plus sérieusement, il y avait l'idée de doter la France de régions à taille européenne tout en réalisant des économies en évitant des doublons. Moins d'une décennie après, le bilan de ces grandes régions semble assez mitigé et les économies assez réduites, si l'on en croit Philippe Subra, professeur à l'Institut français de géopolitique de Paris VIII. Ce serait même tout le contraire : pour lui, « les dépenses de fonctionnement des régions françaises, loin de baisser, ont connu une croissance de près de deux milliards d’euros entre 2015 et 2018. Celles des régions fusionnées augmentant trois fois plus vite que celles des régions inchangées. » On touche là l'origine d'un des maux endémiques français : la croissance sans fin de la dépense publique, malgré la suppression théorique de certaines structures.
Cet échec du redécoupage Hollande justifie-t-il la palinodie d'Emmanuel Macron ? D'après les indiscrétions de la presse, il souhaiterait en effet revenir sur les quatre grandes régions que sont la Nouvelle-Aquitaine, l'Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et la région Grand Est. Si le cas de cette dernière qui avait absorbé l'Alsace malgré elle peut se discuter, le détricotage des autres laisse sceptique. Et d'abord les présidents de ces fortes baronnies. En Aquitaine, le président PS Alain Rousset, interrogé par Libé, est cash : « Surtout, qu’il ne se mêle pas de cela. Emmanuel Macron ne connaît pas l’action territoriale. » Même son de cloche chez sa collègue Carole Delga, présidente PS de la région Occitanie, pour qui il ne s'agit que d'une « diversion » alors que le pouvoir est dans une mauvaise passe.
Il y a dix ans, les arrière-pensées politiciennes n'étaient pas absentes de l'esprit de François Hollande : de grandes régions rendaient plus difficile une victoire du RN. Pour Emmanuel Macron, qui n'a réussi à imposer son parti dans aucune des nouvelles régions, un redécoupage pourrait s'avérer porteur. L'initiative est d'ailleurs ouvertement soutenue par Stéphane Séjourné, le chef du parti présidentiel. Dans une interview donnée au Figaro il y a un mois, il citait la « fin des grandes régions » avec la proportionnelle aux législatives et le retour du septennat.
La nouvelle lubie d'Emmanuel Macron laisse l'observateur politique circonspect : comment un gouvernement ne disposant à l'Assemblée que d'une majorité relative pourrait-il espérer mener à bien une réforme des institutions de cette ampleur ? En tout cas, du côté du RN, on lui souffle la solution, par la voix de la députée de Gironde Edwige Diaz, citée par Libé : « Je ne sais pas comment il fera, il n’a la majorité ni au Sénat ni à l’Assemblée nationale. Au Rassemblement national, nous souhaitons que cela passe par un référendum. »
N'est-ce pas le propre des Présidents à l'avenir compromis que de se lancer dans de grands projets institutionnels ? Et pour Alain Minc, son mentor, Emmanuel Macron est désormais « un roi en CDD ! ». Il lui conseillerait même de démissionner après une dissolution ratée. Ou un référendum perdu.
Frédéric Sirgant
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