C’est son dernier clip, « Paris saccagé », mis en ligne vendredi dernier sur YouTube, qui soulève une vague d’indignation chez ses amis de gauche. Pensez : en trois jours, il a passé le million de vues et se classe en tête devant les rappeurs du moment. Un scandale. Une offense que les censeurs de la gauche morale ne peuvent supporter.
C’est que, dans sa chanson, Pierre Perret désigne les coupables du saccage de feu la Ville Lumière : « Pauvre Paris devenu si cracra/On sait bien qui t’a fait ça/C’est les crânes de piaf dégourdis/Qui bouffent des graines à la mairie. » Et ça, c’est pas gentil du tout. Alors, devant l’incroyable succès de ce clip que tout le monde se renvoie, les bouffeurs de graines se mobilisent.
BFM TV titre sur « une chanson improbable », bien qu’on ne sache pas ce qu’il y a d’improbable là-dedans. Ils ne comprennent pas que le « chanteur engagé », qui « avait même chanté un texte très écolo qui s’appelait "Vert de colère" », ait pu commettre une telle trahison. « Sur ce sujet », celui de l’écologie donc, « il semble avoir changé d’avis… » nous dit BFM. Un mauvais esprit pourrait en déduire que, pour BFM – qui ne nie pas l’état déplorable de la capitale –, la transition écologique passe forcément par la crasse et les rats.
À L’Obs, on n’est pas content non plus : « La chanson d’actualité, c’est rarement une bonne idée », titre le magazine. Sauf qu’on apprend par France Info que les milliers de tonnes non ramassées ne sont qu’une chance de sortie car « ce titre n'a toutefois pas été écrit en réponse aux récents événements, mais il y a quatre ans ». Pierre Perret avait « même repoussé l'enregistrement de sa chanson après les municipales, pour ne pas viser Anne Hidalgo ». Il l’a même ménagée pour la présidentielle, ce qui ne l’a pas sauvée de la Bérézina.
Furieux qu’on s’en prenne à la reine des pistes cyclables, L’Obs dénonce « un exercice raté » et accuse : « Les immondices ne doivent pourtant guère déranger les narines du "Zizi", lui qui vit depuis de nombreuses années dans la campagne seine-et-marnaise. »
Même argument dans le papier le plus furibard du marché, celui de Libération : Pierre Perret aurait dû rester le nez dans la crasse.
« Pierre Perret, tu t’égares, mon p’tit loup », lance ainsi Sabrina Champenois. Il « a commis une chanson et un clip, ni l’un ni l’autre n’est jojo, et les deux ensemble sont affligeants », écrit-elle, lui reprochant le « fantasme d’un Paris non seulement figé dans le formol mais fantasmé » (bis repetita). Et dans un aveu dont elle ne semble même pas avoir conscience, elle explique : « Il faut n’avoir vécu que dans les "beaux quartiers" ou avoir plaqué Paname depuis un bail (quarante ans, minimum) pour ne l’avoir que vu rutilant et bien propre sur lui. » Et d’insister, elle aussi : « À notre connaissance, Pierre Perret vit d’ailleurs à Nangis, en Seine-et-Marne. »
Ben oui, comme 12.000 Parisiens qui s’enfuient de la capitale chaque année, Pierre Perret est allé respirer ailleurs. Dans son indignation, elle dit vrai, Mme Champenois : il faut vivre dans les beaux quartiers pour trouver une ville propre. Et encore… car en vingt et un ans de gestion socialiste (deux mandats Delanoë et deux mandats Hidalgo), la capitale est, en effet, devenue un « Paris dégoûtant » où « seuls les rats sont contents ».
Marie Delarue
https://www.bvoltaire.fr/pierre-perret-passe-du-cote-obscur-de-la-france/