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[Point de vue] Marine Le Pen à l’Élysée, c’est pour quand ?, par François Bousquet

 

Marine Le Pen Présidente en 2027 ? La question turlupine Emmanuel Macron, qui ne voudrait pas quitter le pouvoir comme le bon vieux maréchal Hindenburg : en l’offrant à la petite-fille d’Eva Braun. « Crois-tu qu’elle puisse être élue présidente de la République ? » chuchote-t-il, vaguement terrifié, à ses proches. Nul besoin d’avoir fait l’ENA, comme lui, ni non plus de l’avoir sabordée, comme lui, pour deviner que le Rassemblement national sort renforcé de l’adoption aux forceps de la réforme des retraites. La preuve par le sondage IFOP/Fiducial pour le JDD : en cas de législatives anticipées, le RN virerait en tête, avec « un socle électoral attrape-tout, selon Frédéric Dabi, directeur général de l’IFOP. Il n’y a presque plus de catégorie où il est très faible, sauf chez les cadres supérieurs ».

« Attrape-tout », et puis quoi ! Le RN n’est pas une succursale de la Foir’Fouille. Du reste, Frédéric Dabi se trompe sur un point : le RN perce également chez les cadres supérieurs. Pour le comprendre, il suffit d’ouvrir un petit livre signé Luc Rouban, La vraie victoire du RN, synthèse exceptionnelle de la dernière présidentielle. Il est passé relativement inaperçu, peut-être parce que c’est une publication des presses de Science Po qui pâtissent du discrédit dans lequel a succombé la maison mère, devenue la citadelle de la grande bourgeoisie rouge comme le nez d’un clown (55 % des étudiants s’y déclarant mélenchoniens orthodoxes). Dommage. Luc Rouban, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (CEVIPOF), a épluché la série d’enquêtes adossées au Baromètre de la confiance politique dudit CEVIPOF : la meilleure banque de données sur les Français et la politique. C’est neutre, chirurgical, précis. Un baromètre ne fait pas d’idéologie, il la mesure. Ce à quoi s’emploie Luc Rouban.

Rien entre Le Pen et Macron

En refermant son livre, on en vient à se dire que Macron est en situation d’échec au roi et que, dans la configuration actuelle, il ne tient qu’au RN de le mettre, le moment venu, échec et mat. Isolé, ce n’est plus qu’un Roitelet-Soleil déclinant. Qui ose encore convoquer, dans son entourage, Jupiter ? Il gouverne avec des cabinets de conseil et des conseillers pléthoriques dans les cabinets ministériels en se contrefichant des corps intermédiaires. Le macronisme est une verticale du pouvoir hors-sol, sans base sociale, sinon les retraités et le 49.3. En tuant le PS et en ringardisant les LR, Macron a fait le vide. Tant et si bien qu’il n’y a plus rien entre lui et Marine, au sens où Malraux disait qu’il n’y avait rien entre les communistes et les gaullistes.

« Fillonisés » puis « pécressisés », les LR se sont laissé enfermer dans un libéralisme mortifère, sénatorial et contracyclique qui ne convainc plus qu’une poignée de nantis.

Jean-Luc Mélenchon ? À l’instar des syndicats, il feint d’organiser, comme dirait Cocteau, une opposition à la réforme des retraites qui le dépasse. Mais s’il avait lu Cocteau, il saurait que « le tact de l’audace, c’est de savoir jusqu’où on peut aller trop loin ». Lui va toujours trop loin, comme Louis Boyard ou Thomas Portes qui joue au ballon avec la tête d’Olivier Dussopt.

Et Zemmour ? Pourquoi s’entête-t-il à construire une synthèse baroque du maurrassisme et de l’orléanisme. Pour qui le connaît un peu, c’est une énigme : lui qui vient du gaullo-bonapartisme s’en éloigne toujours plus, pendant que Marine Le Pen, pourtant biberonnée à l’antigaullisme familial, s’en rapproche moyennant une offre « politique de droite, nationale, sociale, conservatoire, mais pas conservatrice, jouant le jeu des institutions sans chercher à restaurer le roi, à déclencher un coup d’État ou à prôner le néolibéralisme » (Luc Rouban).

Centralité du RN

Nul besoin de convoquer le gaucho-lepénisme. L’antilibéralisme du RN est biface : à la fois économique et culturel, formule gagnante qui explique sa percée dans toutes les CSP sur fond de déclassement. Car il ne s’adresse pas qu’aux classes populaires. De 2012 à 2022, le volume de ces dernières dans le vote Le Pen a même reculé (de 61 % à 49 %). Alors que celui des catégories moyennes a grimpé de 33 % à 40 %. Quant aux catégories supérieures, elles ont voté Marine à 21 % au premier tour (30 % pour les populaires) et à 36 % au second tour (contre 50 % pour les populaires). Le RN séduit désormais la fonction publique, un gain de 15 points dans la fonction publique hospitalière (Chiffres extraits du livre de Luc Rouban).

Plusieurs facteurs ont contribué à institutionnaliser le parti, l’entrée en nombre au Parlement n’étant pas le moindre. La désidéologisation d’un gros tiers de ses électeurs levant l’hypothèque du FN canal historique (Vichy, Algérie française, etc.). Le RN est perçu comme le parti le plus en phase avec le quotidien des électeurs – première demande, tous sondages confondus, des Français qui disent aux politiques : « Écoutez-nous ! » Et ce n’est pas parce que les députés de la NUPES ont tombé la cravate qu’ils les écoutent. Cela fait d’eux plus que jamais des cols blancs qui confondent le Parlement avec un espace de coworking ou une ZAS cradingue. Tout le contraire du RN, qui représente le mieux (baromètres du CEVIPOF à l’appui) la demande de justice sociale – celle qui fait les majorités.

François Bousquet

Tribune reprise de Boulevard Voltaire

https://fr.novopress.info/230521/point-de-vue-marine-le-pen-a-lelysee-cest-pour-quand-par-francois-bousquet/

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