Dans l’esprit de la majorité des opinions publiques occidentales, non seulement la guerre en Ukraine n’a commencé qu’en 2022, mais l’entraînement de troupes et l’aide de l’OTAN n’aurait également commencé qu’en 2022. Or, ce soutien de l’OTAN et de pays de l’Alliance Atlantique a commencé de longue date en Ukraine. Les pays les plus impliqués ont été bien sûr les USA, mais aussi le Canada, la Grande-Bretagne ou la Suède. Le Canada fut certainement l’une des nations occidentales parmi les plus actives, et dès avril 2015, un contingent de 200 soldats des forces armées canadiennes fut envoyé en Ukraine pour former des soldats ukrainiens. A cette date, Jason Kenny, Ministre de la Défense du Canada, ainsi que Tom Lawson chef d’État-major des FAC déclaraient que « le Canada continue de soutenir le peuple de l’Ukraine face à l’agression en cours du régime de Poutine. La contribution de l’armée canadienne qui est annoncée aujourd’hui va aider les membres des forces ukrainiennes à mieux défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale du pays », comprendre mieux massacrer les Russes ethniques du Donbass (22 avril 2015). C’est un total cumulé connu, de plus de 78 000 soldats ukrainiens, qui furent formés par les USA, la Grande-Bretagne, le Canada et la Suède (entre 2015 et 2021), mais ce chiffre est certainement plus important, car nous ne connaissons pas l’implication d’autres nations qui participèrent sans doute en secret, comme la France, Israël ou l’Allemagne. Aujourd’hui le nombre de soldats ukrainiens entraînés, sans parler des salaires, de leur entretien pendant la formation et de leurs équipement, dépasserait les 100 000 hommes. Plus qu’un grand discours, voici un mini dictionnaire qui vous donnera quelques éléments pour comprendre.
Hervé Bléjean (1963-), originaire de Toulon, France, vice-amiral, agent et créature de l’OTAN, il fit des études supérieures à l’Académie Navale de la Marine Nationale (1984), et reçu ses premières affectations (1988). Il servit également sur l’USS Nicholson de la Marine US, reçu son premier commandement avec le destroyer Georges Leygues (années 90), avant d’être muté comme aide de camp à l’État-major de la Marine. Il fut affecté ensuite au Ministère de la Défense, directeur des ressources humaines (début années 2000), promu capitaine de vaisseau (2005), et chef du département des opérations navales du QG du centre d’opérations interarmées. Il commanda ensuite le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc (2007), et suivi diverses formations jusqu’à sa nomination au grade de contre-amiral (2013), commandant-adjoint du QG de la force maritime française de la base de Toulon. Il fut en charge des forces navales chargées de lutter contre la piraterie dans le golfe d’Aden, et sur les côtes de Somalie (2014), puis fut affecté aux relations internationales dans l’État-major général. Il a intégré le commandement de l’OTAN (2016), dont il est devenu l’un des agents les plus zélés, il participa notamment à des opérations en Méditerranée ou au Kosovo. Pour ses bons services, il fut nommé Commandant maritime de l’OTAN (décembre 2019), nommé au bureau du Directeur général de l’État-major de l’Union européenne. Il est depuis octobre 2022, le dirigeant de l’EUMAM.
Croatie, ce pays traditionnellement opposé à la Russie, avec son lourd passif oustachi, avait refusé de participer à l’entraînement de troupes ukrainiennes (décembre 2022), dans le cadre du programme de l’Union européenne, l’EUMAM Ukraine. Le Président Zoran Milanovic avait pris position contre cette participation en affirmant que cela conduirait la Croatie à participer à cette guerre. Son Premier ministre avait lui pris position en faveur de cette participation à l’EUMAN, mais un vote au parlement avait enterré pour l’instant le projet, par 97 voix pour, sur 151 députés, les deux tiers des voix étant requis pour avaliser la décision.
EPF (European Peace Facility), Fondation Européenne pour la Paix, avait créé un fonds extra budgétaire durant l’année 2021, bien avant le début de l’opération spéciale russe, pour « financer des initiatives dans le cadre de la politique générale de sécurité et de défense [de l’Europe] », qui avait pour but dixit « de prévenir les conflits et de renforcer la sécurité et la stabilité internationales ». L’EPF se mit à l’œuvre immédiatement en Ukraine, officiellement dans la création de projets militaires en Ukraine « mais ne participant pas à la fourniture d’armes létales ». Un pieux mensonge, car plusieurs pays anglo-saxons, dont le Canada, la Grande-Bretagne et les USA envoyèrent dans le courant du mois de février 2022 des stocks d’armes, notamment d’armes antichars qui avaient déjà été préparées et dont le transport avait déjà été planifié de longue date. On appréciera le rôle « pacifique » de cette organisation, en principe européenne mais pilotée en sous-main par les États-Unis et l’OTAN.
EUCOM (United States European Command), il s’agit du GQG américain de leurs forces en Europe d’abord occidentale, qui fut formé en 1952. Les Américains n’ont depuis lors jamais cessé d’entretenir des forces militaires en Europe, poussant leurs troupes dans les nouveaux territoires intégrés à l’Union européenne, cheval de Troie américain sur le continent. Alors que la Guerre Froide était terminée et que l’URSS n’existait plus, les Américains conservaient encore un total de plus de 120 000 hommes en Europe en 1999. Une partie de ses forces furent redirigées vers les théâtres d’opérations où les USA intervinrent, notamment en Irak, en Syrie ou en Afghanistan (Ve Corps US). Cependant après la dissolution de ce corps d’armée (2013), ce dernier a été reformé en Pologne (2020), nouvelle base d’opération américaine, dont le QG est installé à Poznan. Des bases sont présentes encore nombreuses en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Turquie ou en Hongrie. Il est intéressant de penser que dans le même temps, il ne se trouvait plus aucune troupe russe dans les anciens pays membres du Pacte de Varsovie et que cette présence militaire quasiment d’occupation s’est prolongée dans le temps jusqu’à nos jours, plus de 30 ans après l’écroulement de l’URSS. Depuis la Seconde Guerre mondiale, et sa fin en 1945, les forces militaires américaines ne se sont jamais retirées continuant d’inquiéter la Russie et participant puissamment à diverses déstabilisations dans les Balkans et bien sûr en Ukraine. Depuis cette date, les USA affirment de manière comique, que ces forces participent « à la paix et à la stabilité de l’Europe ». Les forces américains de l’EUCOM ont participé à la formation d’au moins 23 000 soldats ukrainiens entre 2015 et 2021, sans parler d’entraînement à la pratique de la torture ou à la formation de la guerre psychologique, ou guerre de 5e génération (IPSO).
EUMAN (Mission de l’Union européenne pour l’aide militaire à l’Ukraine), opération et organisation qui avait été préparée de longue date et qui fut activée dès le 24 février 2022. Un total de 6 x 3 milliards d’euros ont été fournis à l’Ukraine entre février et octobre 2022, dont 2,82 milliards d’euros pour la fourniture d’armes, 180 millions pour du matériel, des médicaments, du carburant et d’autres fournitures. C’est par le biais de l’EPF et de son budget que ces fonds ont été envoyés à l’Ukraine, représentant tout de même plus de la moitié du budget prévu pour l’EPF pour la période 2021-2027. L’EUMAN a annoncé la formation de plus de 15 000 soldats ukrainiens (2022), programme étendu à 30 000 hommes (février 2023). Ces soldats sont ou seront formés essentiellement en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France, en Pologne, aux USA, ou au Canada, l’EUMAN annonça même une cadence accélérée en voulant former autour de 11 000 soldats ukrainiens dans le seul mois de mars 2023.
International Kyiv Week (depuis l’année 2001-à nos jours), semaines organisées par le Ministère de la Défense d’Ukraine et surtout par l’OTAN, afin de créer des liens entre l’Ukraine et l’OTAN, en vue de son intégration dans l’alliance atlantique, et d’échanger des contacts, approcher des officiers, recruter des agents, débattre sur des scénarios, des problématiques, préparer le futur terrain d’opérations. La première réunion se déroula en 2001, dix années après l’indépendance, et se tînt ensuite au rythme régulier d’une semaine internationale de Kiev par an. Parmi elles, citons celle de 2012, alors organisée dans l’Ukraine du Président Ianoukovitch, preuve que même sous un « président pro-russe », le ver était déjà depuis longtemps dans la pomme, et continuait à proliférer. Parmi les institutions recensées se trouvaient le Ministère ukrainien des situations d’urgences, le SBU, police politique d’Ukraine, le Ministère de l’Intérieur d’Ukraine, l’Académie et le Ministère des Affaires étrangères d’Ukraine, l’école de l’OTAN d’Oberammergau, l’Académie nationale de la Défense, et le collège OTAN de la Défense de Rome. La 19e réunion de ce genre a accueillit quantité d’invités de l’OTAN et d’Ukraine (2019), y compris hélas de France, avec parmi eux, le Dr. Thierry Tardy, un triste agent de l’OTAN, du NATO Defense College, chef de la division de recherche (octobre 2022), ou encore le lieutenant-colonel Pinczon du Sel, sans parler d’une myriade d’officiers de l’OTAN d’un grand nombre de pays, dominés toutefois par les Américains. Pinczon du Sel qui prit ensuite du grade, était à cette époque « chef du bureau OTAN de la branche des relations internationales militaires de l’État-major interarmées, division euroatlantique », lui aussi créature de l’OTAN lié au même collège et à l’école d’Oberammergau.
Opération Interflex (juillet 2022, à nos jours), opération pilotée par l’OTAN, soutien de la Grande-Bretagne à l’Ukraine qui consiste à entraîner d’abord un premier contingent de 10 000 soldats sur le sol britannique durant une période de 120 jours, entièrement aux frais des Britanniques, puis renouvelable à l’infini. Il fut annoncé par la Grande-Bretagne que 7 400 soldats ukrainiens avaient été formés (11 novembre 2022). La Russie a accusé la Grande-Bretagne de ne pas seulement former des soldats, mais d’envoyer des commandos SAS sur le terrain, notamment par exemple dans l’attaque de la base navale de Sébastopol (29 octobre 2022).
Opération Orbital (février 2015- à nos jours), opération pilotée en sous-main par l’OTAN, soutien de la Grande-Bretagne à l’Ukraine dans sa guerre contre les insurgés républicains du Donbass, puis non officiellement contre la Russie. L’opération a permis l’envoi de 75 instructeurs britanniques, pendant 7 ans, par rotation tous les deux mois, afin de former des troupes ukrainiennes. Plus de 22 000 soldats furent formés en tout et pour tout durant la période. Quelques jours avant le déclenchement de l’opération spéciale russe, les Britanniques livrèrent dans le cadre de cette opération, plus de 2 000 armes antichars (17 février 2022), puis annoncèrent hypocritement que l’opération était suspendue, car l’Ukraine n’était pas un membre de l’OTAN. Cette annonce a été faite pour la forme, et pour l’opinion publique occidentale, en réalité l’opération Orbital fut renforcée, et se compléta de l’opération Interflex (juillet 2022). Le président Porochenko a remercié la Grande-Bretagne pour son aide précieuse et déclara : « je remercie chaque instructeur britannique qui a aidé à faire que l’Ukraine soit plus forte. Ce résultat qui pourrait stopper Poutine, n’est pas seulement de notre fait, mais celui des soldats et officiers britanniques, qui ont travaillé durs pour préparer avec nous les forces ukrainiennes, le résultat est impressionnant (19 mars 2022, dans le Times « Uk forces hailed by ex-president Poroshenko for preparing Ukraine to meet foe »).
Opération Unifier (2015 à nos jours), mission canadienne et suédoise pilotée en sous-main par l’OTAN, visant à apporter de l’aide à la formation militaire et technique des forces militaires de l’Ukraine. L’opération faisait suite à une aide au départ secrète, puis monta en puissance. D’abord le Canada livra par un convoi aérien du matériel militaire défini comme non létal (28 novembre 2014, CC-177 Globemaster de l’Aviation royale canadienne), comportant des uniformes, des pièces d’équipements, des gilets pare-balles et autres. Très vite, le Canada envoya un cargo entier de matériels (janvier 2015), puis trois autres bourrés d’approvisionnements, et d’équipements, bientôt suivi par le déploiement militaire de 200 soldats canadiens en Ukraine (avril). Ces hommes furent employés à former des soldats, notamment dans la base de Kamianets-Podolsky, officiellement pour les former au déminage (3 millions de dollars d’équipements dédiés). L’opération Unifier fut alors lancée officiellement avec un premier budget de 700 millions de dollars. Très vite, la formation et l’entraînement de militaires ukrainiens fut annoncé par le Ministère de la Défense du Canada (8 décembre 2015). L’opération Unifier fut ensuite reconduite tous les deux ans (2017, 2019, 2022), le dernier accord étant valable jusqu’en mars 2025. Pour éviter une confrontation directe avec les forces russes, le corps canadien fut rappelé (18 mars 2022), et l’opération en principe suspendue, mais en réalité se poursuivit. Les instructeurs canadiens furent en fait envoyés au Royaume-Uni, pour la formation annoncée de 10 000 soldats (août). La raison de ce soutien précoce était surtout la présence au Canada de la deuxième diaspora ukrainienne au monde. A ce jour, près d’1,5 million de personnes d’origines ukrainiennes vivent au Canada et ont été naturalisées, ou sont nées sur le sol canadien. Un Conseil représentatif ukrainien auprès du gouvernement canadien existe depuis des années. Enfin, le Canada, avec les USA fut la terre d’asile des bandéristes fuyant l’Europe par les lignes des rats. Simon Wiesenthal dénonçait en 1978, la présence de plus de 6 000 SS et collaborateurs ukrainiens criminels de guerre, qui avaient servi l’Allemagne nazie. Malgré les dénonciations du célèbre chasseur de nazis, grosso-modo ils coulèrent des jours tranquilles au Canada. L’opération permis la formation de 33 789 soldats ukrainiens (entre 2015 et 2021).
Torture (programme d’entraînement à la torture de la CIA), ce programme qui fut dévoilé après les terribles exactions et tortures perpétrées par la CIA, notamment dans le cadre de la tristement célèbre prison de Guantanamo, avait été initié par la CIA qui enrôla le psychologue James Mitchell pour mettre en œuvre le programme de torture américain. Ce programme provoqua un énorme scandale aux USA et à l’international, des procès et des condamnations, mais malgré sa fin officielle, le programme fut poursuivi. En septembre 2015, je découvrais en personne un survivant des prisons secrètes du SBU, arrêté à Marioupol en juillet 2014, horriblement torturé et détenu ensuite dans une prison secrète à Zaporojie. L’homme me raconta avoir été arrêté par 5 officiers en uniforme du SBU, dont 4 ne parlaient que l’anglais… qui le torturèrent ensuite pendant plusieurs jours. Je découvrais ensuite en mars 2016, un autre témoin, Vitali, aussi de Marioupol, détenu dans une prison secrète du SBU à Kharkov, qui m’indiquant avoir entendu alors qu’il avait été torturé pendant plusieurs jours à Marioupol, et qu’il portait un sac sur la tête, une voix anglaise alors qu’on le sortait de prison pour une parodie de procès. Il n’y a pour moi, aucun doute, que la torture fut enseignée par des agents de la CIA et de l’armée américaine, aux sbires du SBU, la police politique d’Ukraine.
USA, les États-Unis ont entraîné également officiellement des milliers de soldats ukrainiens dès l’année 2015, mais fut un peu plus lente à réagir que le Canada, pour cause d’une énorme diaspora ukrainienne présente dans ce dernier pays. Dès le milieu de l’année 2015 (20 avril), 290 parachutistes US furent envoyés en Ukraine pour former 900 hommes de la Garde Nationale ukrainienne. Puis le général Ben Hodges, qui visita ensuite de nombreuses fois l’Ukraine, annonça l’entraînement d’unités ukrainiennes complètes : « nous aurons terminé d’ici le 15 novembre 2015 l’entraînement de trois bataillons du Ministère de l’Intérieur ukrainien au camp de Yavorov dans l’Ouest du pays, a expliqué le général qui dirige l’armée de terre américaine pour l’Europe […] Les États-Unis envisagent ensuite d’entraîner des militaires dépendant du Ministère de la Défense ukrainien mais la décision finale n’a pas été prise » (13 juillet 2015). Notons au passage que le bataillon Azov était un bataillon du Ministère de l’Intérieur et l’un des pires au niveau des crimes de guerre et massacres des populations russes ethniques, ainsi que Dniepr-1, ou encore Tornado, Shakhtarsk ou Sainte-Marie tous unités du Ministère de l’Intérieur. La décision de former des soldats ukrainiens fut finalement prise et la question se posa en 2022 de les évacuer comme l’annonça l’AFP. Ces hommes, des soldats de la Garde Nationale américaine effectuèrent 8 rotations de 9 mois entre 2015 et 2021, et formèrent plusieurs milliers de soldats ukrainiens « pour participer à une mission de formation et d’assistance à l’armée ukrainienne ». Toutefois, le financement de l’armée ukrainienne par les USA datait de plus longue date, Karine Bechet-Golovko dénonçait dès février 2015, par la publication de documents secrets, ces financements à coup de millions en 2014, et certainement bien avant cette date. Un autre article indiquait que l’ambition américaine avait été d’entraîner et financer la formation de 45 à 50 000 volontaires des bataillons de représailles devant s’attaquer au Donbass et liquider toute résistance. En réalité, de l’aveu d’un général américain en 2022, depuis 2015, les USA auraient formé un peu plus de 23 000 soldats ukrainiens.
Article de Laurent Brayard pour le Donbass Insider