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Cet article a été publié le 21/09/2022.
Interrogé, le 20 septembre dernier, au sujet des élections italiennes, pour lesquelles le parti Fratelli d'Italia (FDI) était donné largement favori, notre inoxydable philosophe, phare de la pensée au Macronistan comme partout dans le monde, avait une nouvelle fois, donné un avis clair sur ce qu'est le Bien...
En dépit d'efforts louables, entrepris sous Montebourg et développés par Macron sous le label « Choose France », nous n'arrivons pas toujours à vendre à l'international ce que nous avons de meilleur. Voyez l'Italie, par exemple. Que vendrions-nous à ce peuple frère, avec qui nous avons tout en commun, et qui nous connaît depuis deux mille ans ? Nous avons une forme d'admiration mutuelle qui remonte à la Rome antique. César lui-même reconnaissait une certaine admiration pour les Gaulois ; il disait cependant que « les plus courageux [des Celtes] sont les Belges ». Il ne connaissait pas Molenbeek.
Bref, les Italiens, ces « Français de bonne humeur », disait Cocteau, ont pour la France une certaine sympathie. Ils ont donc invité un parangon du Made in France sur les ondes de la chaîne publique RAI : Bernard-Henri Lévy. L'inoxydable philosophe incarne, malheureusement, l'idée que les étrangers se font de l'intellectuel français : verbeux, chevelu, prétentiard, convaincu de porter une parole universelle. Interrogé, le 20 septembre, au sujet des élections italiennes, pour lesquelles le parti Fratelli d'Italia (FDI) était donné largement favori, il a, une nouvelle fois, donné un avis clair sur ce qu'est le Bien. La scène, partagée sur Twitter par Giorgia Meloni, leader de FDI, est particulièrement révélatrice.
Le présentateur lance BHL avec une phrase difficilement contestable : en démocratie, ne faut-il pas toujours respecter les électeurs ? Eh bien, figurez-vous que non. Pour notre ami germano-pratin, le choix du peuple n'est pas toujours respectable. On atteint le point Godwin dans la foulée, à la vitesse de la lumière : la démocratie, cela peut donner Mussolini ou Hitler. Ou même Vladimir Poutine, ajoute BHL, pour qui tout ça, c'est pareil : c'est des méchants. On enchaîne, presque sans reprendre haleine, sur un cours de caté : la démocratie, poursuit BHL, c'est une volonté populaire (semble-t-il regretter), mais c'est aussi un ensemble de principes et de valeurs (qu'au passage, comme d'habitude, il se garde bien de définir). Si le peuple vote mal, comme plaisantait Bertolt Brecht, que BHL a pourtant probablement lu, il n'y a qu'à dissoudre le peuple.
Le fait que BHL soit invité partout ne doit pas nous alerter. C'est plutôt bon signe, en fait : cela montre que les figures de propagande de la bien-pensance ne se comptent pas par millions. Il sera difficile de remplacer BHL quand il sera mort. Nulle part on ne retrouvera, dans notre beau pays de France, le même mélange d'imperméabilité totale à la critique et de médiocrité intellectuelle profonde. Je ne sais pas si on le mesure bien, en France, mais il n'y a, en effet, rien d'admirable dans la pensée de BHL. Ses peaux d'âne universitaires et son invraisemblable notoriété médiatique doivent être déconstruites, pour parler la langue d'aujourd'hui : si quelqu'un d'autre tenait les mêmes propos, ce serait probablement dans une réunion départementale d'En Marche - pardon, de Renaissance - ou un cours d'éducation civique de collège public, c'est-à-dire nulle part.
Que nos frères italiens ne nous tiennent pas trop rigueur de cette lamentable vignette de la culture française. À rebours des clichés injustes que nous entretenons sur eux, le fanfaron, l'histrion, celui qui parle fort et qui veut faire bella figura sur les écrans de la RAI, c'est un Français...
Arnaud Florac