Voici un texte qui traite de la dissolution de Civitas par Gérald Darmanin. Un texte publié par Régis de Castelnau sur son blog. Celui qui a été avocat du Parti communiste et de la CGT n’est évidemment pas un ami des catholiques de Civitas… Dans les lignes qui suivent, il le montre d’ailleurs de manière claire. Reste que son analyse de la dérive liberticide du ministre de l’Intérieur est excellente. Comme toujours sur Polémia, nous ne nous réclamons pas nécessairement de l’intégralité des propos des auteurs que nous reprenons mais ce texte est éminemment important car il recentre le débat sur le terrain que Gérald Darmanin a décidé de piétiner : le droit. Bonne lecture !
Polémia
L’épisode assez ridicule de la procédure de dissolution de l’association CIVITAS initiée par Gérald Darmanin sert une fois de plus de révélateur des passions liberticides qui animent la fausse gauche et en particulier Jean-Luc Mélenchon un de ses leaders les plus bruyants. Histoire de se refaire une beauté en matière de lutte contre l’antisémitisme, celui-ci approuve pour cette fois le garde-chiourme officiel du système Macron, préposé à la mise en place des dérives autocratiques qui deviennent la grande caractéristique de ce système.
Comprenons-nous bien, comme lorsqu’il dit que « l’avocat défend l’homme, pas le crime », l’auteur de ces lignes répète qu’il ne soutient aucune des 34 organisations dissoutes depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir. Mais qu’il défend des principes et constate que ces mesures de dissolution deviennent systématiques et constituent autant de précédents qui installent une pratique dangereuse. Et acclamer la dissolution d’un groupuscule inepte rassemblant quelques allumés pour des motifs juridiquement approximatifs, montre une fois de plus la validité de la fameuse citation du pasteur Niemoller. « Je n’étais pas membre de CIVITAS, alors quand on l’a interdite, je n’ai rien dit ». Mélenchon et ses amis font pire, et ont bien évidemment oublié que la liberté d’expression ne se divise pas, et ce que disait la communiste Rosa Luxembourg : « la liberté d’expression est d’abord celle de celui qui ne pense pas comme moi ».
Pour Darmanin, d’abord détruire la liberté de manifestation
Darmanin s’est fait une spécialité d’interdire des manifestations, alors qu’il s’agit d’une liberté fondamentale protégée par la Déclaration des droits de l’homme et par la Constitution de la République. La manifestation est une des modalités de l’exercice de la liberté d’expression, qui est absolue. Et dont les excès éventuels prévus par la loi doivent être appréciés a posteriori par le juge. Dès lors que la manifestation vise à occuper une partie de l’espace public, elle doit faire l’objet d’une déclaration préalable pour informer l’autorité administrative. Si elle se déroule dans un espace privé, cette déclaration n’est pas nécessaire. L’autorité administrative, en l’occurrence la préfecture, si elle considère qu’il y a un risque grave de trouble à l’ordre public, peut prendre une mesure d’interdiction.
S’agissant de la mise en cause d’une liberté fondamentale, les critères sont extrêmement stricts. Avec le soutien empressé des parlementaires LR, Emmanuel Macron a pu mettre en place toute une législation pénalisant lourdement « la participation à des manifestations interdites ». Pendant les mouvements sociaux liés à l’adoption de la loi sur les retraites, le ministère de l’Intérieur a multiplié les interdictions. Devant leur caractère arbitraire, beaucoup ont été annulées par les juridictions administratives.
Gérald Darmanin, pour contourner cette difficulté, et toujours soucieux de sa pratique liberticide du pouvoir, a trouvé trois astuces. Tout d’abord, la prise d’arrêtés d’interdiction de certaines manifestations de rue dès lors qu’elles avaient déjà débuté ! Ce qui permettait de verbaliser des participants venus de bonne foi à un rassemblement légal. C’est ce genre de pratique dont raffolait le préfet (de triste mémoire) Lallement. Ensuite, en s’attaquant aux manifestations organisées dans des lieux privés avec des arrêtés d’interdiction suffisamment tardifs pour empêcher la saisine du juge administratif à temps et contraindre à des annulations onéreuses. C’est ce qui est arrivé à Jean-Yves le Gallou pour son colloque sur Dominique Venner. Enfin, le ministre de l’Intérieur a produit une ahurissante circulaire adressée à ses préfets, leur demandant d’interdire systématiquement toutes les manifestations dès lors qu’elles étaient organisées par des gens qualifiés « d’extrême droite ». Cette décision invraisemblable non seulement porte atteinte à une liberté publique essentielle mais constitue la discrimination sanctionnée par l’article 225 –1 du code pénal !
Ensuite, la liberté d’association
Gérald Darmanin, avec l’approbation du Président de la République et le soutien hypocrite d’une partie du Parlement, a donc lourdement endommagé la liberté de manifestation. Mais soucieux de ne pas s’arrêter en si bon chemin dans ce travail de sape de nos principes fondamentaux, il a décidé de s’attaquer à la liberté d’association que la IIIe République avait organisé avec la fameuse loi de 1901. Le principe en est simple, quiconque souhaite créer une structure collective disposant de la personnalité morale peut le faire par simple déclaration auprès de l’administration. Il n’y a pas d’autorisation préalable. Et comme pour toutes les libertés, le juge dispose d’un contrôle a posteriori des excès illégaux éventuels de leur usage.
En 1936, pour lutter contre l’activisme des ligues factieuses qui s’étaient illustrées au moment du 6 février 1934, avait été adopté une loi permettant leur dissolution motivée. Après de nombreuses adaptations, c’est aujourd’hui l’article 121-1 du Code de la sécurité intérieure qui en organise l’utilisation. Après l’avoir utilisé contre l’extrême droite avec par exemple Génération Identitaire, l’islamisme avec entre autres le CCIF (Colectif contre l’islamophobie en France), le communautarisme avec la LDNA (Ligue de défense noire africaine), et plus récemment l’extrême gauche des « Soulèvements de la terre », voilà que Darmanin a décidé de s’attaquer à Civitas, un groupuscule de cathos illuminés. Ce n’est plus une habitude : cela devient une manie.
Une dissolution injustifiée signée Gérald Darmanin
L’association Civitas, qui s’est récemment constituée en parti politique, est une structure minuscule, un rassemblement gens passablement perturbés qui entretiennent avec la foi catholique des rapports que même le XVIIIe siècle avait abandonné. Cet intégrisme chrétien n’est pas nouveau, même si on atteint avec ce groupe une forme de paroxysme. À l’occasion de leur université d’été, un invité, l’essayiste Pierre Hillard, a tenu les propos suivants : « La naturalisation des juifs en septembre 1791 ouvre la porte à l’immigration […] Si on rétablit les lois de catholicité et qu’on fait du catholicisme traditionnel une religion d’État, peut-être faudrait-il retrouver la situation d’avant 1789 ». Ce qui constitue d’abord une imbécillité historique, avec le souhait de revenir à un paradis perdu, est-il une expression antisémite ? Parce qu’il faut rappeler que l’antisémitisme est une opinion et que celle-ci est protégée par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme, c’est son expression qui est, dans certaines conditions, interdite par la loi. Pour le savoir, il faut saisir le juge qui déterminera si l’intervenant a commis une infraction. Mais comme par hasard, polémique aidant, Darmanin s’est précipité pour annoncer la procédure de dissolution de Civitas. Quand il ne réclame pas l’impunité pour les policiers frappeurs, quand il ne porte pas atteinte à la liberté de manifestation, le ministre de l’Intérieur dissout.
Que nous dit l’article 121-1 du code de la sécurité intérieure à ce propos ? Il y a sept alinéas qui définissent les activités des associations permettant de justifier leur dissolution ? C’est simplement le sixième qui pourrait être utilisé et qui reprend en fait l’article 225-1 du Code pénal sur la discrimination : « 6° Ou qui, soit provoquent ou contribuent par leurs agissements à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, soit propagent des idées ou théories tendant à justifier ou encourager cette discrimination, cette haine ou cette violence ; ».
Il s’agit donc de prôner la discrimination, la haine ou la violence vis-à-vis de personnes. Et il faut que ces agissements pénalement répréhensibles soient habituels. Et évidemment aient été considérés comme tel par celui qui est le seul habilité à le décider, c’est-à-dire le juge judiciaire. Les gens de Civitas se sont opposés au mariage pour tous, voudraient probablement que le catholicisme redevienne religion d’État, prônent la messe en latin, ont fait des manifestations minuscules pour protester contre tel ou tel blasphème. Mais jusqu’à nouvel ordre, ils n’ont jamais été sanctionnés judiciairement.
Cette nouvelle manipulation démontre que Gérald Darmanin est un ministre de l’Intérieur dangereux pour les libertés publiques. Celles-ci ne se divisent pas et il faut s’opposer à ces dérives en sachant que ce genre de mesures est clairement destinée à en banaliser l’usage. Les véritables cibles ne sont pas des groupuscules ridicules et inoffensifs.
Régis de Castelnau 21/08/2023
Source : Vu du droit.com
https://www.polemia.com/darmanin-contre-les-libertes-publiques/