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La France périphérique après les émeutes : la grande oubliée des indemnisations

Cité par Le Monde du 6 octobre, Emmanuel Macron aurait reproché à ses ministres, ce 26 juin : « Vous n’arrivez pas à bout de cinquante jeunes ? ». À ce degré de naïveté, on en reste pantois. L’homme, formé dans la banque, est pourtant réputé savoir compter. « Cinquante jeunes » ? Lors des émeutes de 2005, il semble qu’ils étaient un peu plus nombreux. Quant à celles de juillet dernier, ils devaient être aussi plus de « cinquante » ; ou alors nous n’habitons pas le même pays, hypothèse qui n’est pas à exclure.

Aujourd’hui, la facture se monte à « 750 millions d’euros », tel que rappelé hier. Mais pour résoudre un problème, quoi de mieux qu’un énième comité Théodule. Un CIV (Comité interministériel des villes) par exemple, dont la réunion, censée se tenir le jeudi 5 octobre dernier, a été annulée pour mieux laisser place au CNR (Conseil national de la refondation), pour cause d’injonction élyséenne. Vous suivez ? Nous, pas très bien.

L’effet « waouh » d’Emmanuel Macron

Motif de ce chambardement de calendrier, toujours selon Le Monde, Emmanuel Macron serait « insatisfait » de la « feuille de route » du CIV, loin de « l’effet waouh » qu’il escomptait. Soit des « mesures fortes en matière de “politique de peuplement”, ou comment éviter la concentration des plus pauvres aux mêmes endroits. » Par « pauvres », il convient évidemment de comprendre « immigrés », qu’ils soient de première, de deuxième ou de troisième génération.

Pourtant, ce qu’exigeait l’Élysée en la matière a déjà été accompli depuis longtemps, les dernières émeutes ayant frappé des villes jusque-là épargnées par les violences urbaines, puisque maintenant touchées par ces « pauvres » dont l’État entendait limiter la « concentration ». Ce que confirme par ailleurs le très officiel site Public Sénat : « La carte des émeutes ne correspond pas du tout à celle de 2005, où les émeutes avaient clairement lieu dans les quartiers les plus pauvres. » C’est-à-dire, une fois de plus, dans les quartiers à forte immigration. CQFD.

Résultat, des villes jadis aussi tranquilles que Montargis ont été frappées de plein fouet. Avec des millions d’euros de dégâts et un seul voyou interpellé et jugé. Et Benoît Digeon, maire LR, de déplorer : « En 2005, j’étais premier adjoint. Ces émeutes n’avaient pas atteint une telle extrémité. Elles ne touchaient qu’un seul quartier. Là, elles ont pénétré le centre-ville. »
 
Les maires de province désemparés…

Même son de cloche à Brie-Comte-Robert, ville de Seine-et-Marne, dont le nom fleure bon le terroir, mais dont le maire, le socialiste Jean Laviolette, déplore aujourd’hui que l’hôtel municipal n’ait pas été loin de partir en fumée. Désormais, il préside les conseils municipaux « avec une vue imprenable sur des vitres brisées, des planches de contreplaqué, des rideaux partiellement brûlés. » Et cet édile désemparé de déplorer : « Ça fait trois mois et je n’ai aucune nouvelle. C’est comme si on nous avait déjà oubliés. » De son côté, l’un des responsables de la police municipale se souvient de ces nuits de cauchemar : « Je me trouvais dans nos locaux quand plusieurs dizaines d’individus ont encerclé le bâtiment. Ils sont montés sur le toit, ont cassé le Velux et ont commencé à déverser de l’essence à l’intérieur. (…) À un moment, j’ai fini par appeler le directeur de la Sécurité publique. Je lui ai dit : “La situation est très simple. Il nous reste vingt balles de défense non létale. Ensuite, ce sont des armes létales”… »

Le temps que les assurances remboursent enfin et qu’arrivent les aides de l’État, il sera souvent trop tard pour que ces commerces puissent rouvrir, aggravant encore une désolation chronique. Il est vrai que ces petites villes de province sont les grandes oubliées de cette fameuse politique de la ville ayant une nouvelle fois montré ses limites. C’est la France des oubliés. Celle qui souffre en silence et dont la visibilité médiatique se limite aux blagues sur les « beaufs », ces « sans dents » naguère raillés par François Hollande. Celle qu’un écrivain, Gaspard Koenig, a tenté de remettre à l’honneur dans son livre, Notre vagabonde liberté (L’Observatoire), récit d’un périple de plus de deux mille kilomètres, effectué à cheval et dans nos campagnes.

À l’origine, ce garçon brillant, né avec une cuillère en argent dans la bouche avant de devenir l’une des plumes de Christine Lagarde, n’avait que faire de cette France d’en bas. Il en est désormais devenu l’un des hérauts. Il y avait « la France bien élevée » de la Manif pour tous, pour reprendre l’expression de Gabrielle Cluzel. Celle des Gilets jaunes, reléguée à la périphérie de nos grandes villes ou persistant à ne point quitter ses villages, l’est tout autant. Et vu le mépris et le délaissement qui sont devenus son quotidien, elle a encore plus de mérite à demeurer « bien élevée ».

Jusqu’à quand ?

Nicolas Gauthier

https://www.bvoltaire.fr/la-france-peripherique-apres-les-emeutes-la-grande-oubliee-des-indemnisations/

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