Breizh-info : La Ligue et Frères d’Italie sont tous les deux des partis patriotiques. Quelle est la différence entre ces deux formations politiques ?
Davide Quadri : La différence est avant tout historique, car chacun des partis représente d’abord une des deux parties de l’Italie. La Lega est historiquement libérale en économie et fédéraliste et autonomiste, alors que Fratelli d’Italia porte l’héritage historique et politique d’Alleanza nazionale (AN), mais aussi de Forza Italia autrefois dirigé par Silvio Berlusconi. Dans le passé, la Ligue et sa classe dirigeante étaient avant tout présentes et fortes dans le nord et Fratelli d’Italia était active principalement dans le centre et le sud du pays, d’où sont issus nombre de ses dirigeants. La Ligue dispose des gouverneurs de Vénétie, de Lombardie et du Trentin.
Breizh-info : La Ligue et Frères d’Italie peuvent-ils appartenir au même groupe au sein du Parlement européen à l’issue des élections de juin 2024 ?
Davide Quadri : Nous ne le savons pas encore. Cela est aussi difficile à cause du règlement du Parlement européen car, pour obtenir un groupe, nous devons réunir, au minimum, 25 députés européens issus de 7 pays. En conséquence, avoir deux partis provenant de la même nation dans un groupe ne constitue pas la configuration la plus intéressante pour les patriotes, car cela peut avoir pour conséquence qu’un autre groupe de cette tendance ne dispose pas de représentants de sept pays différents. La possibilité qu’un seul groupe existe à droite du Parti populaire européen (PPE) ne doit pas être ignorée. Différents partis ont travaillé en vue de réaliser cet objectif. Au niveau de la jeunesse, nous avons réuni des représentants de partis issus du groupe des Conservateurs et réformistes européens (ECR) et d’Identité et démocratie (ID) et aussi du Fidesz hongrois, du Likoud israélien et des Républicains des États-Unis. Nous étions ensemble, mais cela a eu lieu au sein de la jeunesse et il est plus facile de travailler à un niveau informel, qu’au niveau du Parlement européen et des groupes de cette institution avec les règles de cette dernière. Nous allons voir ce qui adviendra, mais j’espère que les partis italiens Fratelli d’Italia, Lega et Forza Italia seront ensemble.
Breizh-info : La question de la Russie est un facteur de division, alors que la guerre en Ukraine est toujours en cours. Certains pays sont contre la Russie et d’autres moins.
Davide Quadri : Oui, cela est vrai. Mais, dans la réalité, le fait que les écologistes allemands ont influé pour que leur pays quitte le nucléaire est plus pro-russe, que ne l’est Madame Le Pen ou l’Alternative pour l’Allemagne (AfD). Les écologistes de l’ensemble de l’Europe, en travaillant à la dissolution économique de celle dernière, font plus pour la Russie que les partis plutôt sceptiques face à la guerre. Il faut aussi reconnaître que les relations de différents pays avec la Russie émanent de leur histoire. Nous sommes patriotes et nous devons donc accepter ces disparités. Mais nous devons travailler ensemble afin d’avoir une Europe plus conservatrice et plus proche des États-membres.
Breizh-info : Bien que l’Italie dispose d’un gouvernement patriote, les migrants continuent à arriver. Cette situation est reprochée aux dirigeants du pays par de nombreuses personnes, tant en Italie qu’ailleurs en Europe.
Davide Quadri : Oui, en Italie nous recevons aussi ce reproche. Nous allons voir si les actions entreprises par le Premier ministre Giorgia Meloni avec la Tunisie portent leurs fruits. Nous espérons que l’Afrique du Nord sera stabilisée et que des élections auront lieu en Libye. Les accords passés avec l’Algérie poussent ce pays à travailler à fixer la situation de la région. Nous devons consolider cette zone afin que les migrants n’arrivent plus en Italie. Les électeurs se sont prononcés en faveur d’un arrêt de l’immigration et n’ont pas voté pour ce qui se passe en ce moment en terme d’immigration. Cela constitue un vrai problème.
Breizh-info : Le ministre de l’Agriculture, membre de Frères d’Italie, Francesco Lollobrigida a parlé, durant l’été 2023, de faire venir de la main d’œuvre étrangère en Italie.
Davide Quadri : Pour les partis de centre droit, cette pratique n’est pas une solution. Il est vrai que des personnes, habitant en Roumanie, en Albanie et dans les pays des Balkans, travaillent, durant l’été, quelques semaines en Italie. Ces gens rentrent ensuite chez eux, dans leur pays. Ce ne sont pas des individus qui viennent d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne. Mais cela ne constitue pas une mesure permettant de lutter contre le déclin démographique en Italie.
Breizh-info : Giorgia Meloni avait parlé d’un blocus naval.
Davide Quadri : Oui, il doit être réalisé.
Breizh-info : Les juges peuvent poser des problèmes à ceux qui combattent l’immigration illégale. Matteo Salvini est dans ce cas. Il est inquiété pour des actes qu’il a effectués à l’époque au cours de laquelle il était ministre de l’Intérieur, en 2018-2019.
Davide Quadri : Faire de la politique, ce n’est pas seulement gérer, mais aussi prendre des risques. Nous espérons que le gouvernement repoussera cette immigration illégale car les électeurs le demandent tous les jours et ont voté pour nous pour cette raison.
Breizh-info : La Ligue était autrefois dans le nord et est désormais active dans le sud. Avez-vous rencontré des difficultés afin de trouver des candidats et de vous développer dans le sud ?
Davide Quadri : Dans le sud de l’Italie, de nombreuses personnes qui n’avaient appartenu à aucun parti politique ont rejoint la Ligue et cela constitue pour nous une opportunité incroyable de valoriser ces gens. Ils représentent la partie de la jeunesse du sud de l’Italie qui désire modifier la situation, car le sud du pays connaît une situation économique et sociale qui n’est pas agréable.
Breizh-info : La Ligue ou Frères d’Italie prendront-ils une partie des électeurs de Forza Italia, à la suite du décès du dirigeant de ce parti Silvio Berlusconi ?
Davide Quadri : Nous allons voir si Forza Italia siège toujours au Parlement européen à l’issue des élections européennes de 2024. Tout le monde au sein du centre droit espère que cela sera le cas, car Forza Italia est un parti historique de la droite italienne et un allié. Je pense que, dans le nord, les électeurs de Forza Italia seront tentés de rejoindre la Ligue, alors que, dans le sud, ceux-ci seront attirés par Frères d’Italie.
Breizh-info : La Toscane est un bastion de gauche.
Davide Quadri : Oui, mais des changements ont eu lieu. Florence et la région autour sont de gauche, mais, dans d’autres grandes villes, les mairies sont de droite. La situation est en train de se modifier. La gauche est devenue, avant tout, celle des bobos et n’est plus celle de la périphérie des villes et des travailleurs. La situation est la même en Émilie-Romagne. De plus, l’Ombrie et les Marches sont passées au centre droit, avec respectivement un gouverneur de la Lega et un de Fratelli d’Italia. La gauche reste forte à Milan et à Rome car ce sont de grandes villes aux mains de la bourgeoisie et des bobos, mais dans le reste du pays, la situation est favorable au centre droit.
Breizh-info : Quelle est l’attitude de la Ligue par rapport aux francophones du nord de l’Italie et Frères d’Italie n’a-t-il pas une position antagoniste à ce propos par rapport aux conceptions de la Ligue ?
Davide Quadri : Nous avons une ligne différente. La Lega est pour les autonomies. Nous prenons part au gouvernement du Tyrol du Sud/Haut-Adige et nous avons aussi un peu participé à la direction du Val d’Aoste. Nous sommes pour la défense des identités locales. Au Tyrol du Sud/Haut-Adige, les droits des italophones doivent être aussi défendus et la législation ne doit pas seulement protéger les germanophones. Les inscriptions publiques doivent être bilingues.
Breizh-info : L’écrivain du Val d’Aoste Bruno Salvadori (1942-1980) a-t-il encore de l’influence au sein de la Ligue ?
Davide Quadri : Bruno Salvadori était un des plus proches d’Umberto Bossi et une de ses inspirations. Nous avons aussi de bonnes relations avec l’Union valdôtaine, pas assez, mais la situation a changé car cette dernière est devenue plutôt une force de centre gauche et de nombreux scandales de corruption ont touché la région du Val d’Aoste.
Propos recueillis par Lionel Baland
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