Thierry Baudet : Il est clair, au vu des déplacements de voix et d’intentions de vote, que les électeurs néerlandais sont insatisfaits de la direction du pays et désirent un changement idéologique allant dans le sens du patriotisme. Mais, d’un autre côté, ceux-ci ont peur d’une véritable modification et craignent énormément de choisir quelque chose de radicalement différent. Parmi la population règne l’idée que cela doit changer tout en restant à l’intérieur de limites sûres. Pour cette raison, les électeurs choisissent des formations politiques qui sont presque du système et appartiennent presque au groupe des partis en place, comme Leefbaar Rotterdam (Rotterdam vivante), le Nieuw Sociaal Contract (Nouveau contrat social – NSC) de Pieter Omtzigt et le parti des agriculteurs BoerBurgerBeweging (Mouvement citoyen agriculteur – BBB), … Les Néerlandais ont l’impression que cela doit être décent, acceptable et ne doit pas faire tanguer trop fort le navire, … Aux États-Unis, la situation est différente. Les électeurs n’hésitent pas à choisir Donald Trump. Ils sont plus ouverts à l’aventure et au fait de ruer dans les brancards.
Breizh-info : Et vous, vous faites tanguer le bateau ?
Thierry Baudet : Oui.
Breizh-info : Vous êtes écrivain et, en tant que tel, vous tentez de décrire la réalité. D’autre part, vous êtes actif en tant que dirigeant de parti et député. Une sorte de contradiction entre ces deux activités ne voit-elle pas le jour ?
Thierry Baudet : Oui, la façon dont la politique est comprise pour le moment est en contradiction avec les activités d’un écrivain, car les politiciens disent aux gens ce qu’ils estiment que ces derniers désirent entendre. Je pense que cela constitue un élément important du problème car les gouvernants sont effrayés de dire la vérité. J’estime que mon grand atout est que je déclare ce que je pense et que cela peu apporter des changements.
Breizh-info : Les politiciens néerlandais du système ont indiqué envisager une limitation de la liberté d’expression des députés dans certains cas. Votre parti semble être implicitement visé.
Thierry Baudet : Oui, cela fait partie du combat.
Breizh-info : Quelles sont vos relations avec les autres partis patriotiques représentés au sein du Parlement néerlandais : PVV, JA21, BVNL ?
Thierry Baudet : Nous n’entretenons pas réellement de relations. Sur certains points, nous partageons les mêmes vues. Mais, fondamentalement, le Forum voor Democratie est le seul parti qui dispose d’un spectre complet d’idées d’opposition. Geert Wilders, le président du PVV, était favorable à la vaccination complète. Il est pour l’appartenance à l’OTAN. Il ne parle pas de la monnaie digitale et de l’agenda mondialiste. JA21 est complètement conservateur. Il ne dénonce pas la supercherie climatique et prétend qu’il n’est pas climato-sceptique. Il est pour la vaccination, pour l’Union européenne, n’est plus en faveur de la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne (Nexit) et est pour l’Ukraine. Le BVNL est devenu très libéral et individualiste et n’a pas une idéologie reconnaissable lorsque nous abordons la question fondamentale, selon moi, de savoir de quelle manière la gauche a transformé la Seconde Guerre mondiale en une arme visant à détruire l’Europe et notre confiance en nous-mêmes. Et cela a été la raison pour laquelle ce parti a vu le jour d’une scission du Forum voor Democratie car notre formation politique désire aussi célébrer, à côté du 5 mai, jour de la Libération [en 1945], celui de la fin du confinement [lors de la Covid].
Breizh-info : Après les élections législatives du mercredi 22 novembre 2023, une coalition intégrant votre parti peut-elle voir le jour ?
Thierry Baudet : La possibilité existe qu’une coalition de gauche ou du centre ne puisse pas émerger et que, peut-être, mon parti et le PVV de Geert Wilders apporterons un soutien à un gouvernement regroupant le parti libéral de droite VVD et le parti des agriculteurs BBB. Cela est possible, mais sera difficile car nous sommes très différents les uns des autres.
Breizh-info : Pensez-vous que le parti des agriculteurs BBB est une formation patriotique édulcorée, car il vote souvent comme les partis politiques de cette tendance ?
Thierry Baudet : Non, je considère que le BBB est une réinvention du parti démocrate-chrétien CDA.
Breizh-info : Et Pieter Omtzigt ?
Thierry Baudet : La même chose. Idéologiquement, il est totalement indistinguable des partis du système. Il utilise juste un autre ton et développe un autre style.
Breizh-info : Quelle est votre position par rapport à la guerre en Ukraine ? Vous êtes plutôt favorable à la Russie !
Thierry Baudet : La Russie combat pour la Russie. Je suis contre la guerre et je pense que la position de la Russie est compréhensible et j’éprouve de la sympathie pour son approche de la question. Tout grand pays réagirait de la même manière. Si la Russie construisait une armée au Mexique, les États-Unis ne le toléreraient pas. Si l’Inde faisait la même chose en Corée du Nord, la Chine ne l’accepterait pas. Cette chose est logique et pouvait être prévue et prévenue et donc ne pas arriver. Je pense que cette situation constitue une usurpation par le complexe militaire des États-Unis. Cette conflagration est mauvaise pour l’Europe, les États-Unis, l’Ukraine et la Russie. Cette dernière semble s’en sortir très bien dans ce conflit. Si l’objectif de cette guerre est de briser la Russie, l’effet opposé se produit.
Breizh-info : Le gouvernement néerlandais, alors qu’il est démissionnaire, a décidé d’envoyer des avions F-16 en Ukraine.
Thierry Baudet : Cette situation est, en fait, possible du point de vue du fonctionnement du système politique. L’envoi de ces avions signifie une escalade de plus dans ce conflit, donc plus de morts ukrainiens, plus de sanctions conduisant à plus d’appauvrissement de l’Europe et une accélération du développement du réseau des BRICS [Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud] et de la fin de la domination géopolitique atlantique. Je pense que cela est très mauvais pour l’Europe, pour nous tous.
Breizh-info : Après les élections européennes, dans quel groupe désirez-vous voir votre parti siéger ?
Thierry Baudet : La question reste ouverte. Nous avons des discussions avec de nombreux partis politiques en Europe afin de voir si nous pouvons construire quelque chose de nouveau. Il s’agit d’une perspective très excitante.
Breizh-info : Vous ne savez pas dans quel groupe vous désirez aller ?
Thierry Baudet : Peut-être un nouveau groupe verra-t-il le jour.
Breizh-info : Ne pensez-vous pas que vous avez trop dit la vérité à propos de la Covid et que celle-ci est difficile à recevoir pour la population qui est influencée par les médias du système ?
Thierry Baudet : Peut-être. Vous ne pouvez pas changer votre personnalité.
Breizh-info : Pour vous, la Covid est une sorte de grippe. Comment expliquez-vous que différents pays d’Europe ont déclaré que les gens devaient rester à la maison ?
Thierry Baudet : Cette situation est ridicule. Il s’agit d’une usurpation illégitime de pouvoir par des gouvernements sans raison. C’était une expérience en matière d’acquiescement par la population de ces règles ridicules. Je suis très effrayé par cela, car le pouvoir pourrait, dans le futur, aller plus loin dans ce domaine.
Breizh-info : Au départ, le Premier ministre libéral de droite (VVD) Mark Rutte a voulu laisser les commerces ouverts, puis a ensuite changé d’avis.
Thierry Baudet : Je pense que la décision a été prise quelque part, mais je ne sais pas où, et a été imposée depuis cet endroit. Mais il est clair que si vous êtes convaincu que quelque chose de très dangereux arrive et que vous devez agir rapidement et de manière décidée, vous fermez les frontières. Ou alors vous jugez que rien de sérieux n’est en cours et il n’y a pas de raison de prendre des demi-mesures. Cela constitue une indication qu’autre chose était en œuvre. Si vous êtes une personne rationnelle et que vous pensez que les actions humaines engendrent la diffusion d’un virus mortel très dangereux et que vous désirez stopper cette interaction, la seule manière est de le faire complètement. Laisser avoir lieu les vols internationaux et ouverts les écoles et les magasins n’a pas, dans ce cas, de sens.
Breizh-info : Il ressort d’une question parlementaire posée par un élu de votre parti qu’un accord existe entre le Forum économique mondial (WEF) de Davos et le gouvernement néerlandais, mais le contenu reste secret.
Thierry Baudet : Nous découvrons, grâce aux recherches que nous réalisons, l’existence d’un web, une toile d’araignée, et pas seulement du WEF. Toutes ces comédies et endroits de rassemblement connectés, conférences, rapports de laboratoires d’idées influents, … orientent le débat et les processus de décision. L’origine de cette influence n’est pas constituée d’un seul point, mais est une sorte d’écosystème. Ils pensent dans la même direction et de la même manière. L’agenda 2030 en est un élément. Une partie de cela est constituée de la croyance que nous avons besoin dans le monde moderne d’une augmentation des contrôles, sinon les gens prendront les mauvaises décisions. Les restrictions à propos du fait de fumer, de manger du sucre, de voyager, de l’émission de dioxyde, de la liberté d’expression, de la diffusion de propos et d’écrits relevant de la désinformation, de l’argent, … Nous sommes face à une vision quasi-totalitaire de ce dont la société a besoin en matière de gestion. Et ces organisations poussent dans cette direction.
Breizh-info : Peut-être ces personnes ont-elles peur des réactions des gens ordinaires ?
Thierry Baudet : Certainement. Ils sont effrayés de ne pas contrôler les termes du débat et, par exemple, par le fait que les gens développent une vision différente du futur, d’un autre monde au sein duquel les dirigeants se verront imposer par le peuple des choix qui auront pour conséquence que ceux-ci n’apparaitront pas aussi indispensables qu’ils ne le considèrent.
Breizh-info : Les immigrés arrivent jour et nuit en Europe. Ils sont massivement présents dans les pays d’Europe occidentale. Le gouvernement italien peine à repousser leur arrivée. Aucune solution ne voit vraiment le jour.
Thierry Baudet : La seule solution est de stopper l’entrée de ces gens.
Breizh-info : Peut-être avec la marine ?
Thierry Baudet : Peut-être. Ce n’est pas un problème. C’est facile à faire.
Breizh-info : Giorgi Meloni prônait cela, mais elle est devenue Premier ministre d’Italie et ne le réalise pas.
Thierry Baudet : Lorsque vous arrivez au pouvoir dans votre pays, vous réalisez que vous êtes seulement à la moitié du chemin.
Breizh-info : Les partis patriotiques Frères d’Italie de Giorgi Meloni et la Ligue de Matteo Salvini ne sont pas parvenus à stopper l’immigration. Ils sont pourtant donnés ensemble à près de 40 % dans les sondages. L’Union européenne, les magistrats, … se mettent en travers de leur chemin.
Thierry Baudet : Vous pouvez le faire, mais vous serez isolé au niveau international et vous allez devoir subir des troubles qui pourraient empêcher votre réélection. Lorsque j’ai été opposé au confinement à la suite de la Covid, j’ai dû faire face à ce type de problème. Mon ouvrage [paru en néerlandais et traduit en anglais et en hongrois] sur la Covid est important car il montre ce qui arrive lorsque vous nagez à contre-courant.
Breizh-info : Vous avez été professeur d’université et vous ne l’êtes plus. Cela est-il lié à vos activités politiques et littéraires ?
Thierry Baudet : Je ne sais pas. Je n’ai plus été invité à l’université afin d’y enseigner.
Breizh-info : Votre domicile ou votre personne sont parfois attaqués. Le dirigeant politique patriotique Pim Fortuyn a été assassiné.
Thierry Baudet : Ce sont les risques du métier.
Propos recueillis par Lionel Baland
Crédit photo : DR
[cc] Breizh-info.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine