Un bloc souverainiste puissant
Constat : l’écart se creuse entre le parti à la flamme et la Macronie : 6 points en décembre 2018, 12 en décembre 2023. C’est énorme. Si on ajoute à cela les intentions de vote pour Reconquête (7,5 %) et Debout la France (2,5 %), les voix souverainistes dépassent les 40 %, dans notre pays. C’est une première, comme le fait remarquer le politologue Arnaud Benedetti dans le passionnant entretien donné à BV, samedi soir. Et de ce constat, on tire cet enseignement : Emmanuel Macron a échoué sur toute la ligne. Son objectif n’était-il pas, en 2017, de faire reculer le Front national, devenu Rassemblement national, et, plus largement ce qu’il est convenu d’appeler, dans le camp européiste, les eurosceptiques ? Dans un monde normal, l’homme serait disqualifié. Au mieux, Emmanuel Macron est un médiocre préfet de l’Union européenne en France ; au pire, un repoussoir de la cause européenne. Mitterrand, lui, en 1992, avait réussi, certes aux forceps et en y jetant toutes ses forces, y compris physiques, à faire voter les Français d’une courte avance en faveur du traité de Maastricht. On n’imagine pas Macron se lancer dans une telle aventure, par exemple, sur des sujets fondamentaux comme ceux du droit de veto au Conseil européen et de l’élargissement de l'Union.
Et les LR, dans tout ça ?
Une question : face à ce bloc souverainiste, qui pèse désormais lourd, que peuvent faire les LR ? En décembre 2018, toujours avec ce sondage IFOP, ils étaient crédités de 11 % d’intentions de vote. François-Xavier Bellamy termina avec 8,48 %. Aujourd’hui, crédités d’environ 8 % et suivis à la trace par Reconquête, à combien termineront-ils ? Comme Pécresse à la présidentielle ? Clairement, leur sort ressemble cruellement à celui du Parti radical socialiste qui domina la IIIe République et finit divisé en radicaux valoisiens et radicaux de gauche au début de la Ve République. Les voilà condamnés, selon les lois de l’attraction, à jouer le rôle de satellite. Le tout étant de savoir choisir sa planète, au risque de se désagréger dans l’atmosphère…
Le club très sélect des 30 %
30 %, pourcentage fatidique ! Si l’on s’amuse à étudier tous les sondages depuis une vingtaine d’années (élections européennes et présidentielles), on constate que les formations ou personnalités politiques à avoir été créditées d’un tel niveau d’intentions de vote, même fugacement, sont très peu nombreuses. Le score de 33 % avait été atteint par la liste macroniste en mai 2018, à un an de l'échéance, dans un sondage Viavoice, mais aucun parti n'avait franchi les 30 % pour les européennes de 2014 et 2009. Pour ce qui est de l’élection présidentielle, le club des personnalités politiques ayant été créditées de 30 % et plus d’intentions de vote est plus que très sélect, genre Jockey Club ! Depuis un quart de siècle, en remontant le temps, on y retrouve Emmanuel Macron, François Fillon, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Dominique Strauss-Kahn et Ségolène Royal. Point barre. Le seul de tous qui concrétisa dans les urnes ces intentions de vote au-dessus de 30 % au premier tour de l'élection présidentielle fut Nicolas Sarkozy, en 2007 (31,18 %). Avant, il faut remonter à l’élection de 1988 pour trouver un candidat franchissant cette barre : en l’occurrence François Mitterrand (34 %) face à Jacques Chirac. 2027 est encore loin, mais il se trouve que le seul candidat potentiel qui dépasse aujourd'hui dans les sondages relatifs à l'élection présidentielle cette barre des 30 % est Marine Le Pen.
Certes, une hirondelle, etc. Mais l’histoire politique des cinquante dernières années nous montre que, sauf accident de parcours (on pense à DSK ou à Fillon), le franchissement de cette marche des 30 % dans les sondages joue comme un effet de seuil décisif, certes sans augurer, bien évidemment, de l’arrivée sur la dernière marche, mais décisif tout de même.