Chronique de Paysan Savoyard (n° 311 – Janvier 2024)
Alors qu’ils souhaitent pour la plupart l’arrêt de l’immigration, à en croire les sondages, les Français de souche continuent pourtant majoritairement à voter pour ceux qui, jour après jour depuis plus de cinquante ans maintenant, conduisent une politique déterminée d’immigration de masse.
Il y a plusieurs raisons à cette attitude contradictoire et schizophrénique. Nous n’en évoquerons qu’une aujourd’hui : parmi ces gens qui aimeraient que l’immigration s’arrêtent, beaucoup pensent que leurs dirigeants font ce qu’ils peuvent et essaient sincèrement d’endiguer une immigration très difficile à maîtriser.
Cette attitude de mansuétude à l’égard des gouvernements qui se succèdent relève évidemment de l’aveuglement. Tout montre que la classe dirigeante souhaite l’immigration. Depuis plus de cinq décennies, tous les gouvernements ne cessent de prendre des décisions destinées à l’alimenter : des lois favorables à l’immigration de masse, des subventions aux ONG immigrationnistes, des dispositifs de mixité ethnique obligatoire et de répartition forcée des immigrés sur tout le territoire… Nous en avons déjà parlé (voir cette chronique) et n’y insisterons pas aujourd’hui. Admettons que les Français moyens puissent ne pas informés du détail de ces différentes mesures et ne pas avoir conscience de leur portée.
L’aveuglement de la majorité des Français moyens est incontestablement coupable, cependant, car les dirigeants ne se contentent pas d’agir : ils parlent aussi, et ne cessent de clamer haut et fort que l’immigration devra se poursuivre. En un mot, les électeurs pensent que leurs dirigeants font ce qu’ils peuvent pour stopper l’immigration alors que ceux-ci passent leur temps à déclarer le contraire.
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Le projet gouvernemental d’une nième loi sur immigration a ainsi conduit ces dernières semaines les différentes strates de la classe dominante à s’exprimer : toutes ont condamné les quelques mesures de durcissement envisagées. Et pourtant cette nouvelle loi est avant tout destinée à régulariser un grand nombre d’immigrés en situation irrégulière, ceux qui travaillent dans les métiers en tension. Et pourtant les quelques obstacles prévus par la loi ne sont que des mesurettes dérisoires. Mais c’est encore trop pour elles : toute idée de freinage de l’immigration leur apparaît insupportable.
Les partis de gauche
Olivier Faure, dirigeant au parti socialiste : « Nous sommes favorables à la régularisation de tous les travailleurs sans papiers (… ). Nous voulons que la France assume son identité, l’immigration fait partie de l’histoire de notre pays. Elle en est une composante essentielle. Il faut sortir de cette vision nostalgique d’une France blanche et catholique ».
Mme Hidalgo, socialiste et maire de Paris, a déclaré qu’elle refuserait d’appliquer certaines dispositions de la loi. Les présidents des départements dirigés par la gauche lui ont emboîté le pas. « Nous voulons l’affirmer, le dire : ici, à Paris, nous continuerons à faire vivre cette dimension humaniste, multiculturelle, d’accueil inconditionnel, parce que c’est dans notre ADN ».
Najat Vallaud-Belkacem, ancien ministre socialiste : « La migration, jadis exceptionnelle, voire transgressive, devient peu à peu l’avenir du monde ».
François Hollande, l’ancien président socialiste : « Le Président Macron et le gouvernement n’ont pas pris les voix du Front national : ils ont pris ses idées ».
Les dirigeants de LFI sont évidemment sur la même ligne, dans une forme plus radicale encore (voir par exemple ici).
Les syndicats
La CGT appelle à la « désobéissance civile et à la multiplication d’actions de résistance contre cette loi (qui) bafoue les principes républicains d’égalité et de solidarité (et) introduit une forme de priorité nationale contraire à nos principes républicains».
De son côté la CFDT cosigne une tribune qui appelle à un « sursaut collectif avant le passage de la loi » (…) Nous assistons à une offensive politique et médiatique contre la présence de personnes étrangères dans notre pays. Cette offensive est inédite par son ampleur et sa violence, et vient, en multipliant les amalgames et les représentations fantasmées, nourrir le racisme et la xénophobie, tout en divisant dangereusement notre société ».
Le patronat
Patrick Martin, président du Medef : « Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie. (…) D’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social et notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».
Le chef étoilé, Thierry Marx, président de l’Umih, principal syndicat patronal de l’hôtellerie-restauration : « Nous demandons une régularisation rapide de nos salariés étrangers reconnus pour leurs compétences et qui se retrouvent plongés dans l’illégalité du jour au lendemain »
Les universités
Les présidents des universités déplorent « que la version proposée à cette heure vienne s’attaquer aux valeurs sur lesquelles se fonde l’Université française : celles de l’universalisme, de l’ouverture et de l’accueil, de la libre et féconde circulation des savoirs, celles de l’esprit des Lumières ».
Le PDG du CNRS Antoine Petit : « En donnant à la France une « image repoussante » pour les doctorantes et doctorants, le texte adopté le 19 décembre « nuira à l’ensemble de nos coopérations scientifiques internationales »
Les organismes publics
Claire Hédon, Défenseur des droits : « Le projet de loi immigration sacrifie les droits fondamentaux des étrangers »
François Héran, ancien président de l’INED et professeur au Collège de France estime que la régularisation « au compte-gouttes » des étrangers prévue dans la loi adoptée le 19 décembre finira en réalité par accroître l’immigration irrégulière, tant l’offre et la demande de travail sont fortes. « A vouloir comprimer la poussée migratoire à tout prix, on provoquera l’inverse ».
Pascal Brice, directeur du Fonds d’action sociale : « Il faut traiter la question migratoire au bénéfice des humains accueillis comme des accueillants »
Les soignants
5000 professionnels de santé déclarent que « la loi immigration remet gravement en cause notre modèle humaniste ».
Les Eglises
Les évêques de France déclarent à propos de la loi immigration : « Ne regardons pas ceux qui cherchent à rejoindre notre sol comme une menace pour nous, ni ceux qui s’y maintiennent, même dans des conditions irrégulières, comme des délinquants. Considérons la dignité des personnes migrantes, leurs talents et leurs souffrances ».
Le président de la conférence des évêques de France : « Notre rôle est de rappeler inlassablement qu’une personne en migration est un être humain qui n’a pas à être dépouillé de tous ses droits mais au contraire qui doit être respecté dans son humanité et accompagné le mieux possible ».
Les médias
On ne citera que cet édito du Monde, le journal de référence du Système, qui dénonce « La compromission avec les forces qui prospèrent sur la désignation de l’étranger comme bouc émissaire (débouche sur) « des mesures qui mettent en cause les principes républicains fondamentaux comme l’égalité des droits sociaux et le droit du sol.
S’ajoutent les multiples prises de position dans le même sens d’associations, d’intellectuels, d’artistes, d’experts, de sociologues, d’économistes ou d’avocats (voir par exemple, pour s’en tenir au mois de décembre et au seul journal Le Monde, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ou encore, à propos d’autres sujets que la loi immigration, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici, ici ou ici). La rafale de tribunes immigrationnistes provoquée par la loi immigration a été presque aussi nourrie que la précédente, déclenchée par les émeutes de juillet 2023.
L’exemple du Monde mérite d’ailleurs d’être mis en exergue, puisque cet organe ultra politiquement correct reflète l’analyse et l’état d’esprit de la classe dominante et fixe, en tout domaine, la ligne de conduite. Cet journal a publié, en 2023, pas moins de 253 « tribunes » favorables à l’immigration (dont 55 signées par un contributeur lui-même issu de l’immigration), soit plus d’une tous les deux jours (et aucune d’opinion contraire). Il a publié 54 éditos quotidiens au contenu immigrationniste, soit environ un par semaine. Viennent s’ajouter les milliers de chroniques, d’analyses et de reportages appuyant les thèses immigrationnistes. A cette masse, il convient d’agréger la salve quotidienne de publications de diverses natures dénonçant l’extrême droite et le populisme. Précisons que, s’agissant du Monde, l’année 2023 n’a rien eu d’exceptionnel : le matraquage immigrationniste s’y reproduit chaque jour avec la même intensité depuis le début des années 1980.
L’Union européenne
Au-delà de l’actualité française, les institutions européennes multiplient les déclarations et les initiatives en faveur de l’immigration.
Ylva Johansson, Commissaire européen : « La migration est normale et existera toujours. Il n’est pas question de l’arrêter. Cela n’arrivera jamais. C’est impossible. Ce serait une catastrophe si nous le faisions ».
Une autre commissaire tient à ajouter de son côté que l’Europe doit reconnaître « l’histoire du colonialisme de l’Europe et son rôle dans la traite transatlantique des esclaves, et en assumer la responsabilité».
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On terminera en insistant de nouveau sur le fait que le débat public sur l’immigration relève du pur théâtre. Tous les membres de la classe dominante sont d’accord pour que la politique d’immigration se poursuive, mais ils se répartissent les rôles pour mieux enfumer l’opinion. Pour exister face au bloc centro-macronien, la gauche fait semblant de s’indigner. La droite fait semblant de croire que les mesures de durcissement qu’elle a introduites changeront radicalement les choses. Elle est désormais suivie dans le même registre par le RN, avide de respectabilité et de notabilisation (voir cette chronique).
Les cris d’orfraie de la gauche et les coups de menton de la droite permettent à Macron de paraître occuper une position de juste milieu, « ferme mais humaine ». Alors que le dit Macron est à la tête du camp immigrationniste. Alors qu’il a déclaré à de multiples reprises et sous diverses formes que l’accueil des immigrés est inconditionnel et que l’immigration est une chance (voir par exemple cette chronique). Alors que sous ses deux mandats, l’immigration, légale comme irrégulière, va battre tous les précédents records. Le jeu de rôles en vigueur depuis des décennies continue donc de plus belle (voir par exemple cette chronique et celle-ci).
Concluons d’un mot : pour penser que les dirigeants essaient tant bien que mal d’endiguer l’immigration, il faut ne jamais les avoir lus ou écoutés. Non seulement c’est en toute connaissance de cause qu’ils nous trahissent, pour des motifs que nous avons recensés dans un article précédent, mais ils n’ont, reconnaissons-le, jamais rien caché de leurs intentions.