Ce matin, le réveil de l'exécutif et de ses stratèges doit être douloureux : Gabriel Attal n'est pas l'arme fatale tant espérée. Un premier sondage, réalisé après la nomination du plus jeune Premier ministre, du 10 au 12 janvier, par Elabe pour BFM TV et La Tribune Dimanche, confirme l'hégémonie de la liste RN conduite par Jordan Bardella : avec 28,5 % des voix, il arrive toujours dix points devant la liste Renaissance, MoDem, Horizons, qui plafonne à 18 %. Certes, le sondage proposait comme tête de la liste majoritaire le peu connu Stéphane Séjourné, qui a été depuis nommé ministre des Affaires étrangères. Exfiltré avant d'avoir combattu. Encore un qui peut remercier Jordan Bardella ! Et un autre motif de trouver sa nomination consternante... Mais l'incapacité de la majorité à trouver un leader pour ces européennes en dit long sur la déliquescence du macronisme, tout comme l'hypothèse Olivier Véran, rhabillé pour hiver, printemps et été par Nicolas Gauthier.
Ce sondage vaut aussi pour l'analyse du détail du vote Bardella et plus généralement des nouveaux atouts du RN, au-delà même de ces élections européennes. D'abord, la liste Bardella mobiliserait dans cette élection à un tour une partie des électeurs Reconquête, la liste de Marion Maréchal n'étant plus donnée qu'à 5 %. L'effet d'un scrutin à un seul tour peut en effet être contradictoire : certes, on peut vouloir privilégier un vote de conviction qui donnera des élus à son parti préféré mais, puisqu'il n'y a pas de premier tour pour choisir et de second pour éliminer, on peut vouloir éliminer. Et le soir du 9 juin, tout le monde regardera qui est premier, qui est second, et l'écart. Si Bardella réussissait à distancer la liste macroniste de dix points, ce serait effectivement un triomphe et un basculement politique.
Mais ce sondage enregistre aussi des évolutions lourdes dans la structure de l'électorat RN, certainement dues à l'apport de l'électorat d'Éric Zemmour et à la décomposition LR dont le dernier épisode a pour nom Dati. En effet, le RN parvient enfin à capter des catégories où il était jusqu'à présent minoritaire : il fait 28 % chez les CSP+ (contre 26 % pour les macronistes !) et 24 % chez ceux qui bouclent leurs fins de mois sans se restreindre (contre 21 %), et cela, en confortant son leadership dans les catégories populaires. Le RN viendrait même concurrencer la liste macroniste chez les plus de 65 % (RN 19, Renaissance 23), naguère chasse gardée du parti présidentiel et de LR ! Ce sont là des évolutions historiques.
Évidemment, avec des sondages aussi flatteurs, le risque pour le RN est d'arriver en juin avec un écart plus réduit et une victoire moins nette. D'autant plus que ces élections qui, d'après ce sondage, intéressent peu les Français pour le moment, mobilisent traditionnellement moins l'électorat populaire, qui fait la force du RN. Mais pour l'instant, comme l'écrivait Marc Baudriller, le RN peut regarder avec sérénité l'opération Attal.
Frédéric Sirgant
https://www.bvoltaire.fr/pas-deffet-attal-pour-les-europeennes-bardella-toujours-10-points-devant/