Mais les Français savent-ils que les maires - qui sont, pour nos concitoyens, « le premier guichet de l’Administration », avec un A majuscule, car c’est au maire que la plupart des Français s’adressent en cas de difficulté – sont sans pouvoir, sauf pour déposer des gerbes aux monuments aux morts sur lesquels leurs noms devront être gravés ? Triste réalité…
Il suffit, à ce titre, de se référer à la gestion municipale ; et j’englobe les communautés d’agglomérations de toute nature : l’action locale est strictement encadrée par de multiples textes de loi, des normes tombées du ciel que les maires, a priori incompétents, doivent appliquer, guidés par la main céleste des autorités supérieures qui ont pris le pouvoir !
L'urbanisme
L’élaboration des plans d’occupation des sols (POS), devenus plans locaux d’urbanisme (PLU), est précédée de l’envoi par le préfet du « Porter à connaissance » qui contient toutes les prescriptions que le PLU doit reprendre et respecter, sauf à subir l’annulation.
Ces prescriptions sont nombreuses et incorporent de plus en plus de règles écologiques, certes légitimes mais astreignantes, alors même que les lois Duflot et ÉLAN exigent de construire, de densifier à outrance !
La dernière trouvaille technocratique d’urbanisme - qui défraie l’actualité - est le zéro artificialisation nette (ZAN), obligation de ne pas ouvrir de nouveaux terrains à la construction ; la conséquence logique et inéluctable : construire en hauteur, construire des tours dont l’État a récemment demandé la destruction en raison des nombreuses pannes… d’ascenseurs.
Police, sécurité des personnes et des biens
On assiste à un recul régulier de la police nationale. Les maires sont responsables de la sécurité publique dans leurs communes, ils agissent à ce titre comme agent de l’État, mais ils sont contraints de renforcer les moyens de la police municipale en imputant les dépenses sur le budget de la ville…
Mieux encore : la police municipale va recevoir l’attribution de compétences judiciaires sous les ordres du procureur. Soyons lucides, il s’agit d’une nationalisation de la police municipale dont les coûts seront à la charge des contribuables de la ville.
Fiscalité
Depuis la suppression de la taxe d’habitation, seuls les propriétaires acquittent des impôts dans la ville où ils habitent en réglant à la municipalité la taxe foncière. Cela signifie qu’un locataire, même très riche, n’acquitte aucun impôt local sur son lieu habituel de résidence, il s’agit là d’une totale iniquité fiscale.
Attribution des logements sociaux
Le programme local de l’habitat intercommunal (PLHI) est une invention des technocrates de l’État qui oblige à catégoriser par une numérisation les demandes de logements sociaux, première étape de l’État qui lui permettra, ensuite, de prendre la main en imposant, grâce à l’ordinateur, ses propres choix, en dépit du refus des maires.
La gestion en flux est une usine à gaz, obligeant les villes à traiter toutes les demandes de logements non plus en fonction des financeurs d’une opération de construction mais en fonction de la seule demande : passe à la trappe le droit préalable des réservataires qui ont contribué financièrement à la construction.
Dans les villes carencées en raison du manque de logements sociaux, les maires peuvent se voir retirer le droit de délivrer des permis de construire, qui sera alors effectué par le préfet.
Il s’agit là d’un retour en arrière de plus de quarante ans, c’est la négation radicale de la liberté de gestion des collectivités, un mépris total des maires au nom d’une vision soviétique de la société.
La Constitution foulée au pied
L’article 72 alinéa 3 de la Constitution dispose : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités (dont les communes) s’administrent librement par des conseils élus… »
Force est de constater que la liberté d’administration affirmée dans la deuxième partie de la phrase est privée d’effet au profit des lois édictant des normes obligatoires.
Excès de zèle des députés du MoDem
Les députés du MoDem en mal d’existence envisagent, dans une récente proposition de loi, de rendre encore plus complexe le fonctionnement des conseils municipaux, au détriment de l’autorité du maire qui a la charge de conduire les services publics municipaux, en renforçant les pouvoirs de l’opposition.
La jurisprudence a, depuis des années, renforcé les droits des oppositions ; de là à judiciariser encore davantage le fonctionnement des conseils en mettant en place des délais plus longs de convocation et d’envoi des documents à débattre, il n’y a qu’un pas ; c’est oublier le travail préalable que cela exige.
C’est une bureaucratisation de la démocratie municipale, une dérive qui ne fait qu’alourdir le fonctionnement de la vie locale !
Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les maires sont paralysés alors qu’ils sont les représentants élus de leurs concitoyens. L’État nie ainsi la démocratie représentative, il affaiblit gravement la cohésion nationale, il se prive des forces de relais des élus locaux, au risque de s’en faire des adversaires, voire des ennemis !
« Un prince sage doit savoir se conduire de sorte que ses sujets aient besoin de lui. Ils seront ainsi mieux disposés à le servir avec zèle et fidélité » (Machiavel, 1469-1527).
Jacques Myard
https://www.bvoltaire.fr/tribune-cessez-demmerdez-les-maires/