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Crise agricole : le jeu de dupes de la FNSEA

Crise agricole : le jeu de dupes de la FNSEA

A propos de la crise agricole, Yann de Kérimel a été interrogé dans L’Homme nouveau. Extrait :

[…] Quand on veut bien y passer du temps, on se rend compte que le syndicat majoritaire, la Fédération nationale des Syndicats d’Exploitants agricoles (FNSEA), n’est pas dirigé par les revendications de ses membres de la base. Il a monté un système de cogestion avec le ministère de l’Agriculture, l’agroindustrie, les coopératives, Groupama (société d’assurance mutuelle française née dans le monde rural, NDLR), la Sociétés d’Aménagement foncier et d’établissement rural (Safer), le Crédit agricole, la Mutualité sociale agricole (MSA)… Le groupe Avril (groupe agro-industriel français, NDLR) est lié à la FNSEA et détient des parts dans bon nombre d’agro-industries d’autres pays mais est aussi responsable de l’importation d’huile de palme, des silos par lesquels passent les importations et exportations, etc.

Ce sont eux qui écrivent les lois avec le ministère et, pour maintenir leur place, ils font en sorte que quelques lois déplaisent fortement, à la suite de quoi ils appellent « leurs troupes » à manifester, ce qui entraîne un petit « recul » du gouvernement… Et le tour est joué, les chiens féroces rentrent à la niche, sans avoir vu que l’augmentation du GNR cachait autre chose. Le système d’élection des Chambres d’agriculture est déjà, en soi, un scandale. 19 sièges sont à pourvoir, la liste qui fait le meilleur score obtient 10 sièges plus le prorata de son score sur les 9 sièges restants, ce qui fait que la FNSEA a presque systématiquement la majorité absolue, qui n’est pas représentative puisqu’il y a une abstention de près de 50 %. Et il y a plus scandaleux. La répartition de l’enveloppe budgétaire lors des élections des Chambres est actuellement à 75 % sur le nombre de scrutins et 25 % sur le nombre de sièges obtenus (légalement, certes, mais avec quelle légitimité ?). Une loi est en cours d’adoption pour changer ce financement : à 50 % sur le scrutin et 50 % sur les sièges, rajoutant un peu de beurre dans l’escarcelle de la FNSEA et privant les autres syndicats de quelques centaines de milliers d’euros. Ces blocages sont un jeu qui permet au syndicat majoritaire mais aussi aux autres de montrer leur force tout en maintenant la pression sur leurs troupes. Il ne faut pas oublier que les syndicats ne vivent plus des adhésions de leurs membres mais de finances publiques, ce qui peut leur donner envie de rester en place avec des émargements et autres défraiements confortables, et ceci sans sauver l’agriculture française. Le fait est que, cette fois-ci, ils ont été tellement nuls que leur jeu a sauté au visage de n’importe quel citoyen avisé. Les syndicats, par leur médiocrité et leurs revendications totalement déconnectées du réel, ont perdu une large part de leurs troupes.

Pourquoi les agriculteurs continueraient-ils à s’appuyer sur la FNSEA si leurs revendications sont détournées ?

L’année prochaine auront lieu les prochaines élections des Chambres d’agriculture. J’ose espérer que les paysans se souviendront tous de la duplicité de la FNSEA-JA (les Jeunes Agriculteurs étant la pépinière de la FNSEA). Cela dit, il faudrait aussi que chaque paysan devienne responsable et cesse de donner les clefs, le chéquier et une totale confiance à ses élus. C’est d’abord à eux qu’il faut demander des comptes, car c’est eux qui doivent nous défendre. Ce constat est aussi valable pour toutes les autres élections. Car, comme beaucoup le savent, le pouvoir rend fou, il déconnecte des idéaux premiers, on oublie vite de regarder qui on devait servir pour se servir soi-même par orgueil ou cupidité : c’est tellement bon d’être entouré de « savants », de « grands ». La Coordination rurale, syndicat agricole fondé il y a une trentaine d’années, avait prévenu dès sa fondation que la Politique agricole commune (Pac) rendrait esclaves les paysans, soumis à un marché mondial toujours plus compétitif, les forçant à devenir toujours plus productifs. La FNSEA a joué avec cela, elle tient les ficelles du Crédit agricole, de la Safer, de Groupama. Donc un agriculteur en difficulté, quand il voit sa situation péricliter, n’a pas d’autre choix que d’aller vers le syndicat qui, ayant le plus de sous, lui offrira des réductions sur les assurances, un crédit de rachat. La majorité des paysans est aujourd’hui endettée et dépendante de ce système. Les moins de 35 ans se regroupent au sein des Jeunes Agriculteurs où ils bénéficient d’avantages : carte de réduction sur les carburants, le service de remplacement, l’assurance et la mutualité sociale agricole, etc. Ils sont enfermés dans un système où ils sont perdants, mais bien moins que s’ils n’y étaient pas. Et le fait d’être dedans donne encore plus de pouvoir à leurs geôliers.

Quelles seraient donc les issues possibles pour le monde agricole ?

Il faudrait pouvoir déloger Avril-FNSEA-JA de leur place. Il faudrait ensuite imposer à la Commission européenne de se remettre au service des nations qui la composent, voire même sortir de l’Europe. Comme dit plus haut, l’urgence est de détaxer le GNR pour les paysans et le BTP, comme c’est déjà le cas pour les marins pêcheurs. Le prix du gasoil routier devrait être détaxé pour les transporteurs routiers dont nous avons cruellement besoin dans ce monde de consommation où les productions ne sont pas à proximité des consommateurs. Il faut abroger la loi sur l’énergie (électricité et gaz) qui impacte notre industrie, notre agriculture et tous les Français. La FNSEA demande actuellement la suppression des normes phytosanitaires, mais c’est aberrant. Ce sont des normes de protection pour la santé des consommateurs. Nous importons à l’inverse des produits qui ne sont pas soumis aux mêmes règles, la concurrence n’est donc pas équitable. Il faudrait imposer ces normes aux produits arrivant sur le territoire, ce qui concrètement supprimerait l’importation, et la vente serait faite à un prix juste. Il faudrait détricoter tout le système de la Pac qui est scandaleusement onéreux. À l’origine, il ne s’agissait que d’aides pour compenser la vente à perte. Aujourd’hui, par les aides à la surface, c’est la course à l’agrandissement voire à l’enrichissement pour certains, non qu’il faille les spolier de leurs biens mais il est scandaleux de savoir que les aides de la Pac peuvent rendre riche sans travail. […]

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