Le 22 août 1914 tombaient dans la «bataille des frontières» 27.000 soldats français. Jamais une bataille n’aura coûté autant de vies, mais cette journée reste peu commémorée.
Durant les cinq journées tragiques du 20 au 25 août, se conclut «la bataille des frontières» , première phase de la guerre. En six jours, 40.000 soldats français succombèrent sur 400 km de front entre la Belgique et la Lorraine. Le 22 août concentra 27.000 morts en 24 heures dont 7.000 pour la bataille du village belge de Rossignol: c’est autant de soldats français tués en un jour que durant toute la guerre d’Algérie de 1954 à 1962.
En 1914, l’armée française découvre en accéléré les stratégies militaires de combat du XXe siècle. Elle paye la doctrine de l’«offensive à outrance» défendue par l’état-major, résumée par la consigne du Général Joffre «On attaquera l’ennemi partout où on le rencontrera». Le choix est meurtrier, il ne prend pas en compte les progrès technologiques de l’armement.
Interdits de battre en retraite, les soldats français qui chargent à la baïonnette le 22 août au matin sont décimés par les mitrailleurs allemands en position défensive. Les officiers sommés d’affronter l’ennemi «corps redressé», à découvert sans chercher à s’abriter, pour donner l’exemple, sont les plus touchés. Circonstance aggravante, rien n’est prêt pour soigner les blessés.
Pourquoi un tel désastre, qui n’a été que récemment réexploré par les historiens (1), a-t-il laissé si peu de traces dans la mémoire nationale? Le souvenir du «miracle de la Marne», la victoire française qui stoppera l’offensive allemande en septembre 1914, a occulté la sanglante défaite et ses erreurs stratégiques du mois précédent. Rares seront également les témoins directs du carnage qui survivront jusqu’à l’armistice le 11 novembre 1918.