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Finances publiques : la flûte enchantée

On ne sait pas s’il faut en rire ou en pleurer. Ce dimanche, dans une interview donnée à La Tribune Dimanche, Thomas Cazenave, ministre délégué aux Comptes publics, annonce que l’État a vendu, en 2023, 645 biens immobiliers. Une liste à la Prévert dont notre État a le secret, entre une ancienne école d'architecture à Nanterre et un centre de vacances à Saint-Raphaël en passant par un immeuble du ministère de la Culture à Paris. Bien. Le produit de cette vente a rapporté – accrochez-vous – 280 millions d’euros à l’État. Très bien. Très content de lui, le ministre annonce même que cette bonne nouvelle l’est d’autant plus que cette démarche est vertueuse « pour la planète ». C’est le petit plus qui fait la différence, vous voyez. Avant, on parlait de petit geste commercial ; maintenant, le petit geste doit être « éco-responsable ».

C'est « à la minceur des épluchures » que « l'on voit la grandeur des nations ».

Petit plus, effectivement. On disait donc 280 millions d’euros. Histoire de remettre les choses en place, quelques chiffres. En 2024, le budget de l’État voté par le Parlement – enfin, si on veut, le 49.3 étant passé par là – prévoit autour de 350 milliards d’euros de recettes, dont un peu moins de 23 milliards de recettes non fiscales (entre autres dividendes perçus par l’État, revenus de biens immobiliers, ventes, etc.). Faites le calcul vous-même : ces 280 millions dont le ministre Cazenaze se glorifie ont donc rapporté l’équivalent de 1,21 % des recettes non fiscales prévues en 2024. Et 0,08 % de l’ensemble des recettes espérées en 2024. Certes, il n’y a pas de petites économies, et pas de petits profits non plus, et, comme chantait Jacques Brel, c'est « à la minceur des épluchures » que « l'on voit la grandeur des nations ». La France est donc une grande nation. D'ailleurs, La Tribune Dimanche n’hésite pas à qualifier cette annonce d’« aubaine après le dérapage inédit du déficit à 5,5 % en 2023 ». Du second degré, peut-être. Un dérapage à 154 milliards d’euros, rappelons-le, ça doit laisser quelque part des traces de freinage. Comme quoi on peut faire dire n’importe quoi aux chiffres : ainsi, le ministre n’hésite pas à souligner que ces 280 millions représentent « une hausse des recettes de 37 % ». 37 % de quelles recettes ? On imagine des ventes de ce qui reste de petits « bijoux de famille » traînant encore dans les tiroirs d’un État fauché... Probablement. En tout cas, de quoi lâcher un « Waouh » de satisfaction après une lecture paresseuse en guise de sieste dominicale.

Se doter d'un Stéphane Plaza « XXL »

Le ministre, qui ne veut pas en rester là - et on ne peut que l'encourager -, estime à 5 milliards la valeur potentielle des bâtiments que l’État pourrait encore vendre. Là, re-« Waouh ». Cela dit, on sait ce qu’il en est de ces estimations bien souvent optimistes et l’on n’aura pas l’inélégance d’évoquer, par exemple, le destin de ces emprises militaires, abandonnées au fur et à mesure de la « réduction de notre format d’armée » durant les vingt dernières années. Emprises qui, longtemps après le départ des militaires, restèrent sur les bras de l’État, vouées aux dégradations et, in fine, bradées. 5 milliards, donc. À un rythme de 280 millions par an (résultat exceptionnel, si l’on en croit le ministre), il faudrait pas moins de 17 ans pour récupérer ces 5 milliards « potentiels ». Va falloir que l'État requière rapidement les services d’un Stéphane Plaza « XXL ».

On l’aura compris, s’il s’agissait de faire diversion après les annonces calamiteuses du déficit public de la France, on ne pouvait pas mieux s’y prendre. N’oublions pas que nous sommes gouvernés par des « Mozart de la finance ». Mozart compositeur, comme chacun sait, de La Flûte enchantée.

Georges Michel

https://www.bvoltaire.fr/finances-publiques-la-flute-enchantee/

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