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L’Europe d’une guerre à l’autre (XVIII– 1) – Comment la Grande-Bretagne a aidé l’Union Soviétique à combattre Hitler

Par Nikolay STARIKOV – ORIENTAL REVIEW 

Dans les épisodes précédents des Episodes, nous avons souvent décrit des exemples évidents de manœuvres diplomatiques britanniques à l’égard d’Hitler juste avant et au début de la Seconde Guerre Mondiale (lisez par exemple, les chapitres « La Pologne trahie » et » Qui a signé la condamnation à mort de la France en 1940? »)  Le principal objectif de la politique britannique à l’époque était de mettre le fascisme allemand sur la voie d’un conflit avec l’URSS. Le pacte de non-agression entre l’Allemagne et l’Union soviétique signé en août 1939 a contrarié les plans du ministère des Affaires étrangères à bien des égards, mais n’a rien changé de la position stratégique de la Grande-Bretagne.

Après la défaite écrasante et presque instantanée de la France, Hitler, opérant désormais dans une position de force, reprit ses tentatives de parvenir à un accord avec la Grande-Bretagne sur la division des sphères d’influence mondiales – efforts qui avaient été suspendus à l’été 1939. Nous avons déjà parlé de son fameux discours “pacifiste” prononcé au Reichstag le 19 juillet 1940. L’allocution radiophonique – ” Nous restons indifférents aux menaces “, qui a été diffusée en réponse par l’actuel chef du ministère des Affaires étrangères, Lord Halifax, était sans conteste provocatrice:

Les peuples du Commonwealth britannique, ainsi que tous ceux qui aiment la confiance, la justice et la liberté, n’accepteront jamais ce nouveau monde d’Hitler.

Mais en examinant de près les détails de la guerre fictive qui a suivi, connue sous le nom de “Bataille d’Angleterre”, on est frappé par le sentiment de ridicule de ce qui s’est réellement passé. Pendant une grande partie de cette campagne, les as allemands attaquèrent les installations militaires ennemies. Les Britanniques alternèrent leurs raids aériens sur des cibles militaires avec leurs bombardements de villes allemandes. Par exemple, à la fin d’août 1940, les bombardiers britanniques frappèrent Berlin. Mais ce n’est que le 7 septembre que les avions allemands ont lancé des raids réguliers au-dessus de Londres. À la fin de la bataille d’Angleterre, 842 Londoniens sont morts au cours du Blitz allemand et la célèbre attaque de Coventry le 14 novembre 1940 a fait 568 victimes. Le nombre de victimes civiles allemandes des raids aériens britanniques a été incomparablement plus élevé en Allemagne (bien qu’il n’y ait toujours pas de statistiques officielles sur le nombre de ces morts, ce qui est surprenant). Nous sommes constamment confrontés à un fait inéluctable: Hitler ne mène qu’une guerre tiède contre la Grande-Bretagne, ne pratiquant que la réciprocité avec des contre-attaques. Manifestement, ce n’est pas comme ça qu’on gagne une guerre. Mais si nous partons de l’hypothèse que le Führer n’avait pas réellement l’intention de gagner une guerre contre la Grande-Bretagne, mais cherchait seulement à rendre Londres plus susceptible d’accepter des conditions de paix plus favorables à l’Allemagne, alors la logique derrière les événements devient claire. La Grande-Bretagne ne voulait pas la paix, elle voulait que Hitler se tourne vers l’est!

Rudolf Hess à la prison de Spandau, 1987
Rudolf Hess à la prison de Spandau, 1987

Tout au long de cette période, le Chancelier du Reich s’est engagé dans des tentatives acharnées mais généralement infructueuses de négocier avec Londres par des voies officieuses. Sans aucun doute, la figure la plus marquante et la plus mystérieuse de ces tentatives était l’envoyé du Führer Rudolf Hess, le seul criminel de guerre nazi condamné à la prison à perpétuité qui n’a jamais réussi à sortir de prison vivant. Sans entrer dans les détails (digne d’un roman policier) de son activité tumultueuse entre l’automne 1940 et le printemps 1941 (il suffit de mentionner l’histoire de sa fameuse lettre au Duc de Hamilton du 23 septembre 1940, qui a été plus tard “perdue”), il faut admettre que la quintessence de ces tentatives était la fuite de Hess vers la Grande-Bretagne le 10 mai 1941 avec l’intention d’obtenir une promesse de la Grande-Bretagne qu’elle n’entrerait pas dans la mêlée en faveur de l’URSS si l’opération Barbarossa devait être lancée.

En mai 1941, Londres a donné à Hitler les assurances qu’il désirait tant de sa neutralité dans sa future guerre contre l’URSS et la promesse de la paix tant attendue par l’Allemagne après la défaite de la Russie… Sinon, Hitler n’aurait jamais décidé d’attaquer l’URSS. C’est le plus grand secret de la politique britannique de la Seconde Guerre Mondiale, et pour garder ce terrible secret sous silence, le nazi Rudolf Hess a passé 46 ans en prison et a été étranglé à l’âge de 93 ans avec un cordon électrique.

Il fallait s’attendre à ce que les nouveaux documents sur l’affaire Hess, déclassifiés par le Foreign Office il y a plusieurs mois, n’éclairent pas cet aspect critique de ses négociations à Londres en mai 1941.

La maison d'été dans le jardin de la prison de Spandau où Rudolf Hess a été tué le 17 août 1987.
La maison d’été dans le jardin de la prison de Spandau où Rudolf Hess a été tué le 17 août 1987.

Et ainsi, en juin 1941, la situation sur le théâtre de guerre européen était revenue sur une voie favorable à la Grande-Bretagne. La première priorité de Londres a été de faire durer la guerre le plus longtemps possible à l’Est – une victoire rapide de l’une ou l’autre des parties aurait fait peser des risques inacceptables sur les intérêts britanniques en Europe et au Moyen-Orient. C’est pourquoi l’aide britannique à la Russie devait être offerte au compte-gouttes. La Grande-Bretagne s’était jointe verbalement à l’URSS immédiatement après le 22 juin 1941, mais en termes d’action réelle – Londres non seulement n’a pas commencé à fournir de l’aide, mais elle n’a même pas pris de mesures pour se lier par des engagements explicites et formels. Le 12 juillet 1941, un accord d’entraide militaire fut signé à Moscou. Ce document ne comportait que deux clauses:

  1. Les deux gouvernements s’engagent mutuellement à s’entraider et à se soutenir mutuellement dans la guerre actuelle contre l’Allemagne hitlérienne.
  2. Ils s’engagent en outre à ne pas négocier ni conclure d’armistice ou de traité de paix pendant cette guerre, sauf d’un commun accord.

Il serait difficile de ne pas remarquer que ce document ne dit rien de précis et qu’il est extrêmement vague, ce qui a eu pour résultat net que la Grande-Bretagne n’a rien fait directement dans cette lutte commune contre les nazis ou dans ses efforts pour offrir au moins une certaine aide à l’Union Soviétique.

Après quelques semaines, Ivan Maisky, l’ambassadeur soviétique à Londres, invectivait le chef du ministère britannique des Affaires étrangères:

«L’URSS et l’Angleterre sont des alliés dans cette terrible guerre, mais en quoi notre allié britannique nous aide-t-il actuellement? Il ne fait rien du tout! Ces dix dernières semaines, nous nous sommes battus seuls! … Nous vous avons demandé d’ouvrir un deuxième front, mais vous avez refusé. À la conférence de l’Atlantique, vous nous avez promis une aide économique et militaire de grande envergure, mais jusqu’à présent, cela n’a été que de belles paroles… Vous savez que notre service aérien a demandé à votre service de fournir immédiatement 60 grosses bombes – et après? …. Une longue correspondance s’en est ensuivi, à la suite de laquelle on nous promettait six bombes! (Ivan Maisky, Mémoires d’un ambassadeur soviétique

L’Ambassadeur Ivan Maisky et son épouse arrivant à Londres, 1932
L’Ambassadeur Ivan Maisky et son épouse arrivant à Londres, 1932

Les Britanniques étaient bien contents de tout ce qui se passait autour d’eux : une guerre était en cours, mais ils faisaient peu de combats. Hitler avait tourné son attention vers l’est et les raids au-dessus des îles britanniques avaient pris fin. Quelques mois plus tard, le 8 novembre 1941, Staline lui-même, dans une lettre adressée à Churchill, exigea un traité explicite et clair, car sans un tel traité, Downing Street n’était capable que d’envoyer des mots vides de soutien au lieu d’une véritable aide militaire.

Je suis d’accord avec vous  “, écrit Staline,”  que nous avons besoin de clarté, ce qui fait actuellement défaut dans les relations entre l’URSS et la Grande-Bretagne. Cette ambiguïté est due à deux circonstances: premièrement, il n’y a pas d’entente définitive entre nos deux pays concernant les objectifs de guerre et les plans pour l’organisation de la paix après-guerre; deuxièmement, il n’y a pas de traité entre l’URSS et la Grande-Bretagne sur l’aide militaire mutuelle en Europe contre Hitler. Tant qu’il n’y aura pas d’accord sur ces deux points principaux, non seulement les relations anglo-soviétiques ne seront pas claires, mais, si nous devons parler franchement, il n’y aura pas de confiance mutuelle…”.

Après l’insistance de Staline et les tentatives prolongées de refus de Churchill, l’URSS et la Grande-Bretagne ne devinrent alliées au vrai sens du terme qu’en mai 1942, lorsqu’un véritable traité d’alliance fut signé lors de la visite à Londres du ministre soviétique des Affaires étrangères, Vyacheslav Molotov. Mais ce fait n’a pas du tout changé le fond de la politique de Londres. Un mois après la signature du traité d’alliance, les Britanniques trahissaient de façon flagrante l’Union Soviétique. L’une des pages les plus dramatiques et les plus surprenantes de l’histoire de la Seconde Guerre Mondiale a été la destruction par les Allemands du convoi de navires PQ 17.

Signature du Traité soviétique-britannique, Londres, 26 mai 1942
Signature du Traité soviétique-britannique, Londres, 26 mai 1942

Traduit du Russe par ORIENTAL REVIEW

Source : https://orientalreview.org/2017/10/23/episode-18-how-britain-assisted-the-soviet-unions-fight-against-hitler-i/

Traduction : Martha– Réseau International

https://reseauinternational.net/leurope-dune-guerre-a-lautre-xviii-1-comment-la-grande-bretagne-a-aide-lunion-sovietique-a-combattre-hitler/

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