Les agriculteurs rejoints par plusieurs organisations professionnelles
Mais le monde agricole ne sera pas le seul à trinquer. Les consommateurs subissent déjà l’inflation des prix causée par la taxation et la réduction des énergies fossiles, et les automobilistes et les propriétaires de maisons vont bientôt être eux aussi directement touchés par les droits d’émission de CO2 dont le prix dépend grandement des spéculateurs (avec un pic à 100 €/tonne en 2023 pour l’industrie, aujourd’hui à environ 70 €/tonne). Sans parler de toutes les nouvelles obligations très onéreuses imposées aux citoyens par les régulations européennes dont l’ambition est de réduire les émissions de CO2 de 55 % (par rapport au niveau de 1990) à l’horizon 2030, soit dans un peu plus de cinq ans. C’est pourquoi cette fois à Varsovie, contrairement à ce qui s’était passé le 6 mars, les agriculteurs ont été rejoints par d’autres catégories professionnelles ainsi que par plusieurs organisations et tous les partis d’opposition, qui soutenaient la manifestation.
Les organisateurs parlent de 300.000 manifestants. Exagèrent-ils ? Peut-être, mais rien que pendant la journée de vendredi, Solidarnosc dit avoir collecté 150.000 signatures sous son initiative citoyenne en faveur d’un référendum sur le Pacte vert européen, ce qui confirme que les manifestants étaient très nombreux, alors que les Polonais descendent généralement moins massivement dans la rue que les Français.
Contrairement à la manifestation des agriculteurs du 6 mars dernier à Varsovie, il n’y a pas eu cette fois de répression policière brutale. Dans le même temps, depuis déjà plusieurs jours, des agriculteurs occupent le siège du parlement polonais, exigeant du premier ministre Donald Tusk qu’il entame des négociations avec leurs représentants de toutes les organisations agricoles, et pas uniquement avec une sélection d’organisations choisie par le gouvernement comme cela a été le cas jusqu’ici. Les partis d’opposition, y compris le parti Droit et Justice (PiS) qui n’avait pas su s’opposer au Pacte vert et au programme Fit for 55 de l’Union européenne quand il était aux affaires, font campagne pour les européennes en promettant de faire tomber ce Pacte vert.
Une nouvelle compétence en matière de "politique climatique"
Parallèlement, le think-tank juridique polonais Ordo Iuris vient de lancer une pétition en ligne à l’intention de tous les citoyens de pays de l’UE pour exiger des dirigeants des 27 et des parlementaires européens la révision de tous les textes adoptés par l’UE dans le cadre du Pacte vert européen.
Cette pétition campe le décor : « Alors que les autres continents continuent de développer leur économie avec des énergies basées sur le charbon et d’autres combustibles fossiles sans se préoccuper de la protection du climat, l’Europe brandit frénétiquement l’étendard de la révolution verte voulue par les idéologues déconnectés de l’extrême gauche. Malheureusement, les dirigeants politiques à la tête des États membres de l’Union européenne acceptent ces propositions en bloc comme s’il s’agissait d’une vérité révélée. L’action de l’UE ne parviendra pas à changer le climat. En revanche, elle va plonger des millions d’Européens dans la pauvreté. »
« Nous pouvons encore changer de politique », souligne la pétition, et c’est de nous que dépend notre avenir. C’est aujourd’hui qu’il faut agir. Demain, si l’UE adopte la réforme des traités européens voulue par le Parlement européen et la Commission, mais aussi par Olaf Scholz et Emmanuel Macron, nous ne pourrons plus faire grand chose contre les décisions prises à Bruxelles. Cette réforme prévoit en effet de donner aux institutions bruxelloises une nouvelle compétence en matière de « politique climatique », y compris celle de signer des traités internationaux auxquels les États membres n’auront ensuite d’autre choix que de se soumettre, comme c’est déjà le cas en matière de commerce international.
Les sondages montrent qu’une majorité de Polonais souhaite un référendum sur la question du Pacte vert européen. Cependant, pour changer la direction prises par l’UE en matière de politique climatique, il faudrait que d’autres peuples descendent dans la rue et intensifient les pressions sur leur classe politique.
Olivier Bault