« Nous avons besoin des Russes et ils ont besoin de nous »
Nicolas Sarkozy, Président de la République
« Moi je dis qu’il faut faire l’Europe avec un accord entre Français et Allemands. Une fois, l’Europe faite sur ces bases, alors on pourra essayer, une bonne fois pour toutes, de faire l’Europe tout entière avec la Russie aussi, dût-elle changer de régime. Voilà le programme de vrais Européens. Voilà le mien »
Paroles prophétiques du général de Gaulle, le 29 mars 1949, Conférence de presse au palais d’Orsay
« L’avenir de l’Europe est eurasiatique, pas euro-atlantique »
Général Vincent Desportes
« Le rôle néfaste des forces obscures qui, de manière récurrente, s’opposent à l’alliance franco-russe »
Général de Gaulle
« Pour nos deux pays, c’est l’occasion par excellence, non seulement de resserrer leurs rapports dans les domaines économique, culturel, et scientifique dont dépend leur propre développement, mais encore d’échanger leurs vues, et je l’espère de concerter leurs actions, en vue d’aider à l’union et à la sécurité de notre continent, ainsi qu’à l’équilibre, au progrès et à la paix du monde entier »
Discours en russe du général de Gaulle en 1966, lors d’un long voyage officiel en URSS
Dans le Grand Échiquier, le conseiller présidentiel américain d’origine polonaise Zbigniew Brzezinski avait prôné l’hégémonie américaine et l’isolement de la Russie. Ne faudrait-il pas, au contraire, que les Européens constatent la complémentarité de leur continent avec une Union eurasiatique menée par la Russie ? L’Europe doit être une puissance et pas seulement un marché, afin de construire une souveraineté militaire et technologique. Il faut renouer avec la Russie : c’est l’intérêt réciproque de l’Europe et de la Russie.
L’anti-américanisme n’est pas « anachronique » : nécessité du rapprochement Europe-Russie
L’anti-américanisme est « anachronique » selon les médias de la pensée unique. Il est toujours « anachronique » de refuser l’occupation du moment, de s’opposer à l’idéologie dominante, d’aller à contre-courant de son temps. Il était anachronique de faire de la résistance dès 1940, de ne pas être stalinien dans les années cinquante, gauchiste dans les années soixante. Aujourd’hui, il est pareillement « anachronique », Nietzsche aurait dit intempestif, de ne pas croire aux bobards du réchauffement climatique par l’homme, de ne pas s’opposer avec force à l’invasion migratoire qui conduit au remplacement des populations, au terrorisme, à l’insécurité, à la perte d’identité des peuples européens, de vouloir mettre fin à l’hégémonie américaine.
La mythologie grecque nous apprend qu’Europe était une nymphe que Zeus ravit un jour, en revêtant l’apparence d’un taureau ailé. Aujourd’hui hélas, ce n’est pas un dieu grec qui cherche à s’emparer de l’Europe, mais une bête au front de taureau qui porte sur son flanc une bannière étoilée.
L’objectif stratégique des États-Unis est de séparer le prometteur voisin russe de l’Europe de l’Ouest qu’il est beaucoup plus aisé de tenir sous contrôle, selon la formule impériale bien connue : « Divide ut regnes ». L’attitude des États-Unis vis-à-vis de l’Europe a toujours obéi aux mêmes principes : oui à une Europe du libre-échange, non à l’émergence d’un concurrent ou d’un rival (un « peer competitor ») qui se doterait des moyens pour devenir un acteur international à part entière. L’allié américain n’est qu’un allié de circonstance, pas un ami ; sur le plan économique et des industries technologiques, de l’armement, c’est même un très dangereux adversaire de l’Europe. Le temps de l’Europe atlantique, de la vassalisation américaine du continent aux ordres de Washington est révolu. Est désormais venu le temps d’une Europe résolument européenne. Le lien impérialiste transatlantique n’est qu’une chimère de la propagande anglo-saxonne qui ne résiste pas aux réalités économiques, humaines, culturelles, militaires et géopolitiques du continent paneuropéen de Brest à Vladivostok.
L’intérêt pour une Europe des nations d’ancrer la Russie dans une grande Europe avec un avenir commun
Il convient d’ancrer la Russie dans une grande Europe avec la vision d’un avenir commun, de certaines actions communes, et de mettre en place une alliance continentale paneuropéenne faisant contrepoids tant à l’Amérique qu’à l’Empire du Milieu. Le sens de l’histoire conduira la Russie inéluctablement vers l’appartenance à l’Europe, d’autant plus que ce pays est aussi ancré géographiquement en Asie, où sa sécurité est menacée.
Peu importe les traités, ce qu’il faut, c’est que les Européens introduisent dès maintenant la Russie dans l’équation géostratégique, en partant du principe que nous sommes dans le même bateau paneuropéen. L’intérêt de l’Europe occidentale est de se rapprocher stratégiquement de la Russie, quel que soit le caractère totalitaire, démocratique ou libéral du régime momentanément en place, comme le général de Gaulle en avait déjà eu la géniale vision prémonitoire en 1949, lors de sa conférence de presse au Palais d’Orsay, alors que l’on était en pleine guerre froide avec Staline.
Le 30 juin 1966, dans un discours radiotélévisé à Moscou, le général de Gaulle appelait soviétiques et Français à se « donner la main » pour « faire en sorte que notre ancien continent, uni et non plus divisé, reprenne le rôle capital qui lui revient, pour l’équilibre, le progrès et la paix de l’univers ». Seul le continent pan-européen sera capable de faire face à l’Empire américain qui montre ses muscles, à la Chine qui s’arme et se développe, à l’Inde qui émerge, aux problèmes du Moyen-Orient riche en pétrole ainsi qu’aux dangers de l’islam et du terrorisme islamiste. Il est nécessaire que l’Europe occidentale s’affranchisse d’une dépendance excessive des hydrocarbures en provenance de sa périphérie méridionale, tout comme du GNL américain.
Les fondamentaux demeurent : la Russie et l’Europe forment un bloc de 520 millions d’habitants contre 330 millions d’habitants pour les États-Unis, dans un espace vital immense et porteur d’avenir puisque l’on peut mettre les États-Unis dans la seule Sibérie. Le PIB paneuropéen aurait pour vocation de dépasser celui de l’Amérique du Nord. L’héritage culturel européen demeure écrasant. L’intérêt des Russes et des Européens, c’est de mettre leurs puissances en synergie. La puissance russe n’est plus une menace mais, au contraire, une opportunité pour l’Europe et la stabilité mondiale. Bref, l’avenir à long terme de l’Europe est à l’Est, pas à l’Ouest !
Les vrais Européens ne peuvent que se réjouir de voir réapparaître la puissance russe. L’Europe manque désespérément de puissance dans un monde de plus en plus dur et concurrentiel, face aux grands blocs de l’Asie, de l’Amérique et de l’Afrique.
L’Europe doit se considérer comme l’«Hinterland » de la Russie face à la Chine pour garder le contrôle de la Sibérie. L’Europe ne va pas de Washington à Bruxelles, mais de Brest à Vladivostok, de l’océan Atlantique à l’océan Pacifique !
Russie-Europe européenne : des vraies valeurs communes européennes et civilisationnelles
À long terme, la fusion de l’Europe avec le continent eurasien, dont elle fait partie, promet davantage que toutes les « communautés de valeurs » atlantiques. Il s’agit de véritables valeurs européennes historiques, universelles, porteuses d’un message, comme ce fut le cas pour les Grecs, les Arabes, la Chine, et l’Inde capables de survivre à toutes les puissances politiques.
L’Europe naît de la rencontre de la pensée grecque, de l’ordre politique et juridique romain, ainsi que de l’individualisme judéo-chrétien, mais les valeurs acculturées de la Grande Europe doivent pleinement intégrer aussi les composantes celtiques, germaniques, slaves ainsi que celles de l’héritage byzantin par l’intermédiaire de la religion orthodoxe.
Selon Alexandre Douguine, les valeurs occidentales que nous amène l’impérialisme américain dans ses fourgons sont à l’opposé des valeurs traditionnelles européennes. L’Europe a une histoire, une culture, des racines, des traditions ; le protectorat américain en Europe détruit tout cela. C’est pourquoi Poutine défend les idées d’identité, de puissance, de tradition, d’innovation, se méfie de l’islamisme et de l’immigration, est nataliste ; patriote, il défend les valeurs religieuses et familiales ; il considère nombre de « valeurs sociétales nouvelles » de l’Occident comme des valeurs nihilistes décadentes. Poutine défend enfin le courage, l’héroïsme et la virilité, ce qui est inadmissible pour les « bobos », les technocrates et la pensée dominante, pacifiste, individualiste, égoïste, droit-de-l’hommiste, consumériste, en Europe.
La confrontation actuelle entre l’Europe et la Russie est donc aussi anachronique que stupide. Il suffit de passer quelques jours à Moscou, de converser avec quelques étudiants ou de jeunes entrepreneurs, pour réaliser que les Russes se sentent culturellement européens. (à suivre)
Marc Rousset– Auteur de « Notre Faux Ami l’Amérique / Pour une Alliance avec la Russie » – Préface de Piotr Tolstoï – 370p – Éditions Librinova – 2024
Voir l’entretien ci-dessous (en cliquant) de Marc Rousset avec André Bercoff, près de 100 000 vues…