Après avoir contraint l'Europe à renoncer au gaz bon marché provenant de Russie, les États-Unis réduisent à présent leurs livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL).
Les États-Unis fournissent moins de gaz à l'Europe, ce qui complique les plans de déconnexion du gaz russe, a titré le portail américain Business Insider en rapportant que les États-Unis, qui ont poussé les pays européens à renoncer au gaz bon marché acheminé par gazoduc depuis la Russie et sont devenus en 2022 le plus grand fournisseur de GNL du Vieux Continent, envoient désormais leur gaz vers les pays d'Asie, où les prix sont plus élevés.
Selon l'agence Bloomberg, à la fin du mois de juillet 2024, l'Europe a importé 1,5 million de tonnes de GNL des États-Unis et 1,3 million de tonnes de Russie.
Ainsi, en juillet 2024, la Russie était sur le point de dépasser les États-Unis en tant que plus grand fournisseur de GNL en Europe, malgré les déclarations des politiciens européens concernant l'intention de bloquer toutes les livraisons de gaz en provenance de Russie.
L'Europe renonce progressivement au gaz depuis le début du conflit russo-ukrainien, avec une baisse de la consommation globale de gaz d'environ 20% depuis le début des hostilités. Le GNL constitue la plus grande part de cette consommation, mais les exportations américaines diminuent cette année. Pour l'instant, il n'y a pas de panique en Europe, mais seulement parce que la demande de gaz y est plus élevée pendant les mois d'hiver. L'été est une période de faible demande, lorsque les pays font des réserves pour l'hiver, mais cette fois-ci, les stocks sont déjà pleins.
Les États-Unis prévoyaient d'envoyer en Europe au moins 15 milliards de mètres cubes de GNL par an, mais à condition que les prix reflètent les fondements du marché à long terme, la stabilité de l'offre et de la demande. En juin 2022, ce pays est devenu pour la première fois le plus grand fournisseur de combustible en Europe. Mais la situation change désormais. L'écart dans les livraisons entre les exportateurs américains et russes vers la région européenne est passé de 3,7 millions de tonnes de GNL par mois à 200.000 tonnes de GNL par mois de janvier à juillet 2024. La Russie exporte régulièrement vers l'Europe entre 850.000 tonnes et 1,6 million de tonnes de GNL par mois depuis le début du conflit en Ukraine.
En outre, la situation des livraisons de GNL américain en Europe pourrait être impactée par les débats politiques internes aux États-Unis et la prochaine élection présidentielle. Si Kamala Harris, connue pour son soutien actif à l'agenda écologique, devient présidente, elle pourrait interdire l'extraction de gaz par fracturation hydraulique, contre laquelle protestent les écologistes, mais qui a permis aux États-Unis de devenir le plus grand fournisseur mondial de GNL.
"Compte tenu de la réputation de Harris en tant que fervente partisane de la transition verte et de l'énergie propre dans l'administration Biden, sans parler de ses critiques envers les entreprises d'énergies fossiles lorsqu'elle était sénatrice de Californie, il y a de nombreuses inquiétudes quant à sa future politique énergétique", écrit le Foreign Policy.
À long terme, la question principale est de savoir quelle position adoptera la future administration Harris sur l'exportation de combustibles fossiles depuis les États-Unis, en particulier du gaz, qui est devenu cette année un point de tension politique pour l'administration Biden, conclut le Foreign Policy.
Au début de cette année, le président américain Joe Biden a lui-même exacerbé la crise énergétique. Comme le rapporte Foreign Policy, cette année, dans une tentative de calmer les électeurs préoccupés par les questions climatiques et méfiants envers toutes les formes de combustibles fossiles, l'administration Biden a annoncé la suspension de la délivrance de nouveaux permis pour les projets de GNL américains.
Les sanctions imposées dans le contexte du conflit russo-ukrainien ont conduit à l'émergence de nouvelles chaînes d'approvisionnement en hydrocarbures. Le processus qui a poussé l'UE à répondre à ses besoins en GNL par des importations depuis les États-Unis a fait de ces derniers le plus grand exportateur mondial de ce combustible. Alors que le secteur du GNL encourage l'augmentation des échanges avec l'UE, les États-Unis créent en même temps une nouvelle infrastructure de sanctions. La professeure Tugçenur Ekinci Furtana de l'Université Sabahattin Zaim d'Istanbul souligne dans un commentaire pour Aydınlık Avrupa que les États-Unis pourraient utiliser le commerce du GNL comme un nouvel instrument de sanctions et de menaces pour exercer des pressions sur l'UE sur des questions politiques.
La dépendance de l'Union européenne envers les États-Unis continue de grandir. En conséquence des sanctions imposées après le début du conflit russo-ukrainien, l'UE a démantelé sa principale chaîne d'approvisionnement énergétique et s'est tournée vers le gaz naturel liquéfié importé des États-Unis pour répondre à ses besoins en énergie. La demande accrue sur le marché européen a fait des États-Unis le plus grand exportateur de GNL non seulement pour l'UE, mais aussi au niveau mondial. Les États-Unis, qui utilisent souvent les sanctions économiques comme un instrument politique, ont ainsi acquis un autre moyen pour imposer leurs intérêts à l'Union européenne.
Alexandre Lemoine
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