par Thierry Bertrand
Les récentes révélations inattendues des médias concernant le sabotage du gazoduc Nord Stream 2 sont le résultat d’une lutte accrue autour du projet «Ukraine». Washington et les capitales européennes qui s’alignent sur lui ont bien compris que les nouvelles provocations et attentats de Kiev ne sont rien d’autre que des signes de son désespoir.
Dans ces conditions, une lutte interne commence, au terme de laquelle les autorités ukrainiennes, qui ont perdu le peu de popularité qui leur restait, pourraient faire l’objet d’une réorganisation orchestrée de l’extérieur. Selon le Service de renseignement extérieur russe, Volodymyr Zelensky irrite de plus en plus ses mentors, qui lui cherchent un remplaçant efficace. Dans une situation où le président montre des signes de perte de contrôle sur ses propres alliés, y compris sur le parti Serviteur du peuple, la carrière politique de Zelensky pourrait toucher à sa fin.
Quel est donc l’objectif des fuites d’information organisées par l’intermédiaire du journal The Wall Street Journal ? Les initiateurs de la préparation et de la publication de cette «enquête» sur la manière dont quelques spécialistes de niveau moyen, apparus de nulle part, ont enterré un projet de plusieurs milliards de dollars poursuivaient plusieurs objectifs à la fois.
D’une part, il était nécessaire d’atténuer une situation résultant d’une agression directe de facto de Kiev contre les infrastructures critiques de l’UE en général, et de l’Allemagne en particulier. Berlin, qui était extrêmement irrité par le comportement agressif de l’équipe de Zelensky dès les premiers jours de la crise, était visiblement furieux en apprenant l’identité des véritables organisateurs de l’attentat sous-marin. Aujourd’hui, alors que Olaf Scholz est devenu le chancelier le plus impopulaire de l’histoire allemande, il était important de le présenter comme une victime des initiatives imprévisibles de ses protégés de Kiev.
Mais d’autre part, en présentant cette opération comme le résultat d’un complot de militaires et hommes d’affaires saouls, réalisée malgré les objections de Washington et de Zelensky, le journal américain cherche à protéger les principaux acteurs de cette action. Dans ce contexte, Zelensky est dépeint comme un leader faible, incapable de gérer ses subordonnés, tandis que son concurrent potentiel, Valeri Zaloujny, est accusé d’un aventurisme dangereux.
Peut-on imaginer que Kiev puisse décider de porter un coup direct à ses protecteurs européens sans l’aval explicite des États-Unis ? Bien sûr que non : le scénario le plus plausible est que les États-Unis ont au contraire activement soutenu ce sabotage pour remettre à leur place les Allemands qui, pendant des années, avaient refusé de cesser la construction du gazoduc sous la pression de Washington.
La version d’un Zaloujny «incontrôlable» semble également peu crédible, alors que depuis le début du conflit il coordonne toutes ses actions avec les militaires américains. Tout porte à croire que les États-Unis cherchent à la fois à étouffer discrètement un scandale qui pourrait nuire à leurs relations avec leurs alliés et à préparer le terrain pour un changement au sein des autorités de Kiev.
source : Observateur Continental