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Etat de droit contre souveraineté populaire

Il y a quelques jours Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, déclenchait une polémique par ses propos sur l’état de droit en disant:

« L’état de droit, ça n’est pas intangible ni sacré. C’est un ensemble de règles, une hiérarchie des normes, un contrôle juridictionnel, une séparation des pouvoirs. Mais la source de l’état de droit, c’est la démocratie, c’est le peuple souverain. »

Bruno Retailleau nous rappelle une évidence aujourd’hui totalement occultée. La clé de voute de la Constitution de la Vème République est la souveraineté populaire. Il n’est d’ailleurs pas le premier ministre de l’Intérieur à dénoncer cette dérive lente qui transfère progressivement vers les juges le pouvoir suprême que la Constitution octroie au peuple français. En 1993, la loi portant sur « la maîtrise de l’immigration » proposée par Charles Pasqua, avait été « retoquée » par les membres du Conseil constitutionnel » Déjà, à l’époque, on voyait percer cette sorte de primauté du droit sur la volonté populaire. Le ministre déclarait:

« Le Conseil constitutionnel n’est pas une instance infaillible. C’est le secret de Polichinelle de dire qu’il y a au Conseil constitutionnel des gens qui ont un engagement politique, tout le monde le sait, et que cet engagement politique, majoritairement, n’est pas celui qui correspond à la majorité d’aujourd’hui ». 

Un glissement continu pour supplanter le droit à la démocratie

Dans son livre « Le totem de l’état de droit », paru en 2021 aux éditions L’Artilleur, Ghislain Benhessa retrace l’historique de ce transfert de pouvoir de la multitude démocratique vers un petit nombre de gens, souvent cooptés, possédant le privilège de « dire le Droit »

Le discours de Bayeux du 16 juin 1946 de de Gaulle, après avoir rappelé les causes profondes qui ont conduit à la débâcle de 1940, trace la perspective de ce qu’il faudrait faire pour qu’une telle situation ne se reproduise pas. Ce brillant exposé de sa propre philosophie politique est le fondement de ce que sera la Constitution de la Cinquième République.

Ghislain Benhassa cite Alain Peyrefitte:

« Dès février 1946, il se lança dans l’étude du droit constitutionnel, dont il ignorait tout. Il eut des entretiens avec des constitutionnalistes comme Marcel Prélot, René Capitant, Léon Noël. Il lut des piles de livres. En trois mois, il avait précisé sa doctrine, bâti sa Constitution: ce qui fut le Discours de Bayeux. Il savait désormais ce qu’il voulait. Il marchait en terrain connu et reconnu. Il avait pris ses résolutions. Rien ne l’en détournerait ».

Cependant, le discours de Bayeux ne produisit ses effets qu’en 1958 lorsque de Gaulle fut rappelé aux affaires. Entretemps, la Quatrième République s’était révélée à tous conforme aux dangers que de Gaulle avait dénoncé. C’est avec une large majorité populaire que la Constitution de la Cinquième République fut adoptée par référendum. Il n’y manquait qu’une seule pièce: l’élection du Président de la République au suffrage universel. Ayant été rejetée par les parlementaires, de Gaulle la rajouta par un référendum en 1962 largement soutenu par les Français.

Il faut noter que le Conseil Constitutionnel, saisi à cette occasion, se déclara incompétent pour juger de la constitutionnalité d’une loi adoptée par référendum. Il marquait ainsi sa soumission à la souveraineté populaire.

Le Conseil constitutionnel est il « constitutionnel »?

Cette question est loin d’être totalement innocente. D’après Ghislain Benhassa, de Gaulle n’en voulait pas et « de l’aveu même de Léon Noël, qui fut l’un des hommes de confiance du Général,ce dernier n’a d’ailleurs été pour rien dans « l’idée de doter la France » de juges constitutionnels.

Pas seulement parce qu’il était « un militaire tourné vers l’action » et « éloigné du monde des juristes » comme l’affirme un peu vite Jean Louis Debré. Mais parce qu’il redoutait l’intrusion et le pouvoir de nuisance d’une Cour Suprême à l’américaine.

Dans son esprit, le Conseil constitutionnel pouvait n’être, en tout état de cause, que le contrôleur pointilleux du Parlement. Un juge dont la mission serait de calmer les ardeurs d’une Assemblée souvent prompte, sous la IIIème comme sous la IVème République, à décider de tout, au risque de la confusion et de l’immobilisme, mais certainement pas  de contrôler l’action du Président et de l’exécutif ».

Aux dires de de Gaulle, la meilleure Cour suprême, c’est le peuple.

Sous de Gaulle, le Conseil Constitutionnel s’est fait très discret.

C’est à partir de 1971 que les choses se gâtèrent. Le Conseil constitutionnel, en étendant son domaine d’intervention au préambule de la Constitution de 1958, mais également ceux des Constitutions antérieures et de la Déclaration des droits de l’Homme, s’est arrogé le pouvoir de défendre les « libertés fondamentales ».

Il s’autorisait ainsi à intervenir dans un grand nombre de domaines « connexes »

Aujourd’hui nous pouvons constater l’écart grandissant entre les décisions prises par le Conseil constitutionnel et la volonté populaire, même si elle n’est exprimée qu’au travers de sondages d’opinion. Car il est un fait que, depuis 2005, le référendum n’est plus « en odeur de sainteté » chez ceux qui nous gouvernent. C’est pourtant une « pièce maîtresse » de notre Constitution. Ce n’est qu’un témoignage de plus du fossé qui sépare aujourd’hui le peuple des élites qui prétendent lui imposer leur volonté, naturellement au nom de « l’intérêt de la France ».

L’état de droit s’impose de plus en plus

Signe évident de l’évolution des démocraties, basées sur des souverainetés populaires vers des régimes totalitaires, seuls  compatibles avec la mise en place d’un futur monde global, les instances judiciaires ont tendance à se multiplier, notamment au niveau supranational. Le cas de la CEDH  (Cour Européenne des Droits de l’Homme) est assez emblématique. Bien que ses arrêts ne soient pas -en théorie- contraignants, ils sont cependant à l’origine de nombreuses modifications du droit français. Que devient la souveraineté du peuple français?

Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres.

Et lorsque ces différentes instances se conjuguent, leurs effets cumulatifs réduisent quasiment à néant toute tentative d’expression de la volonté populaire. C’est tout l’édifice patiemment élaboré de la souveraineté du peuple qui est en train de vaciller. Sans elle, il ne peut y avoir de démocratie.

L’avertissement lancé par Bruno Retailleau, relatif au problème vital que devient l’immigration non contrôlée, dépasse largement ce cadre et vient surplomber toute l’ existence de la France en tant que nation souveraine.

Compte tenu de l’importance de ce sujet et du symbole que présenterait un nouveau rejet par le Conseil constitutionnel d’une loi sur l’immigration apparemment désirée par une grande majorité du peuple français, une consultation de celui-ci  par voie référendaire s ‘impose.

Jean Goychman   

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