Ces dernières semaines, les pays de l'UE ont quelque peu modifié leur rhétorique envers la Russie. Il ne reste pratiquement plus de trace de déclarations belliqueuses, les politiciens sont maintenant plus prudents dans leurs propos, et les experts sont plus prudents dans leurs prévisions concernant le conflit militaire en Ukraine. Cela se produit dans le contexte de l'élection prévue aux États-Unis, où l'un des candidats à la présidence, Donald Trump, a promis d'arrêter le conflit militaire en Ukraine. L'UE, ne disposant pas d'indépendance politique, attend l'arrivée d'une nouvelle administration américaine et fait donc preuve de prudence dans ses déclarations.
Les changements dans la politique européenne sont illustrés notamment par le fait que l'Allemagne a refusé de fournir des équipements lourds à l'Ukraine. Selon Bild, Berlin a cessé de livrer des équipements militaires lourds à Kiev et n'en enverra plus de nouveaux. D'après le journal, le ministère de la Défense ne croit plus en la capacité de l'Ukraine à mener une contre-offensive. Comme l'a précisé le média, l'Allemagne ne transférera pas d'équipements militaires lourds de la Bundeswehr à l'Ukraine, mais continuera de fournir des armements lourds produits par l'industrie allemande.
De plus, certains politiciens tentent de sauver leurs cotes de popularité en chute libre. La rhétorique militaire a considérablement lassé tant les électeurs que l'establishment, qui sont mécontents des injections financières sans fin dans l'Ukraine. Par conséquent, certains politiciens font des déclarations "pacifiques".
Il est évident que l'Europe pousse Volodymyr Zelensky, qui était auparavant extrêmement confiant, vers un cessez-le-feu et un accord sur le gel du conflit.
La dernière tournée de Zelensky en Europe et aux États-Unis s'est soldée par un échec. Il n'a pas trouvé le soutien qu'il cherchait. Les États-Unis sont plus préoccupés par la campagne électorale, dans laquelle le thème de l'Ukraine ne joue pratiquement aucun rôle, car les électeurs américains, comme le montrent les sondages, sont préoccupés par des sujets totalement différents (économie, questions de migration et sécurité des frontières).
L'Europe est également fatiguée de l'Ukraine, mais elle attend aussi les élections américaines. L'UE s'adaptera à la situation en fonction du candidat vainqueur et de la position que ce candidat et son parti adopteront vis-à-vis de l'Ukraine.
L'Occident sait depuis longtemps que Zelensky fixe des objectifs militaires fantaisistes qu'il est incapable d'atteindre, mais il ne faut pas compter sur un abandon total du soutien à l'Ukraine. On a simplement commencé à pousser l'Ukraine vers des négociations avec la Russie et des objectifs plus réalistes, mais pour l'instant prudemment, en gardant un œil sur les partenaires américains. Si Trump gagne, cette pression s'intensifiera certainement.
Après la visite de Zelensky en Italie, le journal Corriere della Sera a rapporté que l'Ukraine était prête à cesser le feu le long de l'actuelle ligne de front sans reconnaissance officielle de la perte de territoires en échange de certains engagements occidentaux. "Premièrement, des garanties de sécurité de la part des États-Unis, selon le modèle de celles accordées par les Américains au Japon, à la Corée du Sud et aux Philippines. Deuxièmement, Zelensky aimerait obtenir des garanties de Rome, Paris et Berlin concernant une adhésion rapide à l'Union européenne", écrit le journal. Apparemment, c'est de cela qu'il a été question entre la Première ministre italienne Giorgia Meloni et Volodymyr Zelensky.
Ces plans ressemblent étonnamment au plan de paix de Donald Trump pour l'Ukraine, qui a été récemment exposé publiquement par le candidat républicain à la vice-présidence des États-Unis, JD Vance. Ce dernier a noté que le plan de paix de Trump pour l'Ukraine prévoyait le gel de la ligne de front et la création d'une "zone démilitarisée" sur l'actuelle ligne de démarcation, le renoncement de l'Ukraine à l'adhésion à l'Otan et l'obtention de garanties occidentales pour l'Ukraine et la Russie. C'est l'Allemagne qui financera la reconstruction de l'Ukraine.
Il n'a pas été question du déploiement de contingents internationaux, car tous les détails du plan ne sont pas connus, mais on peut tout à fait supposer que ce plan prévoit des observateurs ou des forces de maintien de la paix sur la ligne de démarcation.
Ainsi, l'Europe s'adapte à nouveau à l'opinion de l'un des candidats à la présidence américaine. Cependant, en cas de victoire de Kamala Harris et du Parti démocrate, l'Europe pourrait changer sa position si Washington le souhaitait.
La position de Zelensky lui-même ne joue pas un rôle significatif dans le jeu global. Il pourra difficilement continuer la guerre longtemps contre la volonté de l'Occident. D'autre part, Zelensky comprend que la paix signifiera la fin de son pouvoir, c'est pourquoi il tente désespérément d'obtenir le soutien des États-Unis et de l'Europe pour poursuivre la guerre.
La Russie doit-elle accepter le gel du conflit ?
Si la Russie parvenait à obtenir des garanties écrites de Kiev et de l'Occident sur la neutralité de l'Ukraine, c'est-à-dire sur sa non-adhésion à l'Otan, le gel du conflit ne pourrait pas être considéré comme un mauvais scénario. En effet, l'alternative au gel serait, dans le meilleur des cas, encore des années (sinon des décennies) d'un conflit militaire épuisant. Car l'Occident ne renoncera jamais complètement à son soutien à l'Ukraine et continuera à lui fournir des armes. Le conflit en Ukraine est contrôlé, et si l'Occident le souhaite, il peut aussi bien diminuer qu'augmenter les livraisons d'armes. De plus, dans certaines circonstances, les pays de l'Otan pourraient même ouvertement déployer des troupes en Ukraine.
Alexandre Lemoine
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