Entretien avec Philippe Randa, directeur du site de la réinformation européenne Eurolibertés.
(Propos recueillis par Guirec Sèvres)
Que penser de cette dérive de certains députés LFI à l’assemblée nationale qui insultent ou menacent d’autres députés, principalement du Rassemblement national ?
Elle peut s’expliquer sous l’angle social ou sous l’angle politique, l’un n’empêchant pas l’autre.
C’est-à-dire ?
Par leurs origines sociales, ces députés agissent et parlent tout simplement comme ils ont été élevés, comme ils ont l’habitude de s’exprimer, sans forcément se rendre compte de ce que leurs vulgarités et leurs comportements de sauvageons peut avoir de choquant pour ceux qui ont bénéficié d’une éducation « différente » ! Quand Thomas Portes (photo ci-dessus) apostrophe son collègue du RN Philippe Lottiaux en lui lançant : « Ferme ta gueule, toi ! On va s’occuper de toi », cela peut être simplement sa façon de lui exprimer son désaccord… et, sans vouloir le défendre, on s’en doute, j’ajouterais que ce qu’il a ajouté : « On va s’expliquer dehors, tu vas voir. On va aller dehors ; on va s’occuper de toi » n’est que le reflet de son éducation ou plutôt de l’absence de celle-ci… Sous le Premier Empire, rappelez-vous de Catherine Hubscher, aux origines modestes, mais qui épousa le maréchal d’empire Lefebvre et connut ainsi une ascension sociale : cette dame est passée à la postérité sous le nom de « Madame sans-gêne »… Qui vous dit que ce député LFI ne passera pas lui-même à la postérité sous le nom de « Monsieur malpoli » ou encore de « Monsieur racaille » ?
Et sous l’angle politique, comment appréhender une telle dérive ?
Dérive qui n’en serait alors nullement une, mais bien plutôt une stratégie payante à l’intention de l’électorat de certaines banlieues, devenues zones de non-droit ou « territoires perdus de la République », comme nommées désormais. Nombre de commentateurs politiques s’accordent enfin à reconnaitre la fracture entre les électeurs et le monde politique : les premiers se reconnaissent de moins en moins, sinon plus du tout, dans leurs députés, sensés pourtant les représenter. C’est la fameuse distinction entre « pays légal » et « pays réel » conceptualisé par Charles Maurras et que même Emmanuel Macron a admis en 2020 devant les députés de sa majorité d’alors… Mais imaginez-vous comment sont perçus par leurs électeurs les députés LFI tels Mathilde Panot, Thomas Portès, Louis Boyard et autres ? Grossiers ? Vindicatifs ? Menaçants ?
Ce n’est pas le cas ?
Peut-être, mais surtout comme des gens comme eux, parce qu’ils parlent comme eux et surtout des gens qui « leurs » parlent ! Non pas pour des objectifs politiques auxquels ils ne comprennent rien (comme la grande majorité des électeurs, diraient les esprits grincheux), mais dans leurs comportements, leurs langages, leurs réactions… Ces députés-là plaisent à leur électorat qui n’ont pas l’impression d’avoir envoyés à l’Assemblée nationale des « petits êtres gris » (comme dirait le journaliste Pascal Praud)… Des élus qui les flatteraient par devant et les oublieraient sitôt sous les ors de la République… « Grands Frères (et sœurs) » un jour, « Grands Frères (et sœurs) » toujours ! Leurs électeurs se reconnaissent en eux quand ils importent dans l’hémicycle les codes en usage dans leurs existences quotidiennes… En imposant à l’Assemblée nationale leurs langages, leurs débraillés, leurs mauvaises manières, ces députés, non seulement ne font pas honte à leurs électeurs, mais emportent leur admiration : pour ces Français-là, un voyou est toujours mieux qu’un « bouffon », comme ils disent. Sans compter que lorsque le député LFI Andy Kerbrat est arrêté en flagrant délit d’achat de drogues, comment croyez-vous que réagisse une partie de ses électeurs, sinon en pastichant la Chanson des Compagnons du Comptoir : « Il est des nôtres… Il a acheté sa beuh comme les autres… », soit un enthousiaste Bêlement des accrocs de la défonce… Ceux-là s’imaginent qu’une fois les Grands Frères et Sœurs insoumis(es) au Pouvoir, leur vie ne sera plus qu’un long shoot… Autres époques, autres gens, les damnés de la terre ont laissés la place aux damnés de la came…
Et Jean-Luc Mélenchon, a-t-il perdu tout espoir d’accéder un jour à l’Élysée ?
S’il a essayé d’entrer à l’Élysée par les urnes à trois reprises, il sait maintenant que cela ne lui sera plus possible… Alors, en bon trotskyste, il mise désormais sur le chaos pour pouvoir confisquer le Pouvoir à son profit, à l’occasion d’une guerre civile ou peut-être seulement d’un effondrement de notre pays… Crise économique, guérillas urbaines entre narcotrafiquants, scandales financiers ou sexuels instrumentalisés via les délires wokistes… et il bénéficie d’un sacré atout pour cela : à gauche de l’échiquier politique, il n’a aucun rival ! Pour l’heure en tout cas.