Cellule Stratégie 9
Après une série de notre ami sociologue Michel Michel sur différentes mentalités royalistes (« Cellule Stratégie » 2, 3, 4,5, 6, 7), voici la suite de l’article de Charles Maurras traitant de la nécessité pour le mouvement royaliste de faire l’éducation du « Monk français » (« Cellule Stratégie » 8). Dans cette seconde partie, Maurras évoque le concept fondamental « d’Affaire », de l’impératif à nous y préparer et de l’indispensable doctrine.
Mais reprenons le fil… nous en étions à l’éducation du futur Monk (alors rêvons, oui rêvons comme les enfants, rêvons Monk, non pas en militaire mais en civil… tiens un Darmaninqui aurait débuté dans les colonnes de Politique Magazineauprès d’Hilaire de Crémiers ? Ou alors un Retailleau qui aurait politiquement été formé à l’école du Puy du Fou par Philippe de Villiers ? Et pourquoi pas une Marine Le Pen se souvenant des leçons de Georges-Paul Wagner lorsqu’elle était avocate stagiaire à son cabinet ? Et sur les militaires… alors, là, restons discrets comme des hyènes en souriant au souvenir de l’inquiétude du ministère de la Défense lors de l’affaire du Lys noir, évoquant en 2013, à l’occasion duPrintemps français, les généraux Benoît Puga, Pierre de Villiers et Bruno Dary. Bonne blague dans l’esprit « camelot du roi » ! Donc… On se décontracte, le texte de Maurras, lui,date d’avant la guerre de 1914.
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par Charles Maurras
Nous ne la faisons pas en l’air. Nous la faisons en vue de la prochaine Affaire. Personne ne se défie plus que moi des annonciateurs d’avenir. Sur un point, cependant, je ferai un acte de foi. Je crois à la prochaine Affaire. Je crois qu’il lui est impossible de ne pas venir. La sagesse des républicains comme ils disent, n’y fera rien, non plus qu’aux phases de la lune ou qu’aux éclipses du soleil. Les partis républicains n’ont qu’un intérêt : s’emparer de l’État. Ils n’ont qu’un moyen de s’emparer de l’État : le troubler.
Il faut donc qu’ils le troublent. Nécessairement. Ce régime du gouvernement des partis porte le trouble en son mécanisme essentiel et, pour ainsi dire, dans les entrailles.
À l’agitation religieuse créée par Ferry succéda le scandale wilsonien ; au wilsonisme, le boulangisme ; à Boulanger, le Panama ; au Panama, les anarchistes ; aux bombes anarchistes, l’affaire Dreyfus ; je ne sais pas du tout ce qui succédera. Mais l’Affaire, quelle qu’elle soit, est fatale. En bon citoyen, je la redoute de tout mon cœur ; mais, en citoyen réfléchi, je la prévois et j’en avertis les bons citoyens.
Une seule chose est nécessaire : nous apprêter à mettre à profit cette inévitable occasion. Dans huit jours, dans huit mois, ce soir ou l’an prochain, il faut bien qu’elle se présente.
La religion de la République a rendu l’âme depuis longtemps. Par habitude, on s’est résigné au fait républicain. Mais, au cours des précédentes affaires, il fut toujours une heure où la colère et l’inquiétude aiguisant le bon sens public, les citoyens voyaient le fond de l’absurdité du régime. Ils auraient applaudi le premier Monk qui l’eût mis à bas. Pourquoi Monk n’a-t-il pas bougé s’il existait ?
Il existait déjà en 1889. Par la déposition d’un témoin oculaire (et quel témoin ! Maurice Barrès, dans L’Appel au Soldat), nous savons quels ont été les touchants scrupules du Monk d’alors. Il s’appelait Georges-Ernest Boulanger.
« L’âme droite, honnête et naïve du général Boulanger garde des préjugés d’éducation. Il se rappelle que son père récitait les invectives de Victor Hugo contre l’homme du Deux Décembre. Il redoute les jugements des rédacteurs de l’histoire. »
Et Barrès ajoute que son héros faiblit « faute d’une doctrinequi le soutienne ». Eh bien ! cette doctrine, on l’élabore en ce moment : on en sature le cerveau de Monk de demain. Une ligne tombant sous les yeux de cet homme peut suffire à l’illuminer. Or, nous nous attachons à multiplier les lumières.
Il sait l’art militaire. Nous lui enseignons les principes de toute haute organisation politique.
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