La métropole est bonne mère
L’affaire, révélée en 2020, fit scandale dans l’océan Indien, mais guère au-delà. La métropole est en guerre contre le Covid-19, alors plus préoccupée de savoir s’il faut boire son café debout ou assis que des détournements de fonds des élites mahoraises. Né à Sima-Anjouan, Dhoihir Dhoulkamal a fait ses études à Montpellier avant de devenir responsable de la Maîtrise d’œuvre urbaine et sociale à la société immobilière de Mayotte (SIM), puis député à l’Assemblée de l’Union pour un mandat de cinq ans, vice-président de l’Assemblée et, enfin, commissaire aux finances jusqu’en 2015. C’est à cette date qu’il commencerait à ponctionner les services sociaux français.
Jusqu’en 2020, année où il prend ses fonctions ministérielles aux Comores, il aurait donc détourné, avec son épouse, quelque 251.000 euros en allocations diverses : allocations familiales, aides de rentrée scolaire, CMU, prime de Noël, etc. Le 3 octobre 2020, l’affaire fait la une du journal local : « Ministre aux Comores, allocataire de la CMU à La Réunion ». Houmed Msaidie, le porte-parole du gouvernement des Comores, se fend alors d’un tweet pour le moins sibyllin, rapporté par France Info La Première : « Fort heureusement, à l’autre ministre, on reconnaît la présomption d’innocence alors qu’il y a plaintes et parties civiles, mais à bon banania (sic), on ne lui reconnaît pas ce droit alors qu’il n’y a pas eu dépôt de plainte. »
Du côté de l’opposition au pouvoir du président comorien Azali Assoumani, on laisse alors entendre que l’affaire arrangerait plutôt la France. En effet, fraîchement nommé ministres des Affaires étrangères alors qu’on annonce des poursuites contre lui, Dhoihir Dhoulkamal « ne devrait pas gêner la France » dans la mesure où il se trouve désormais « poings et mains liés par sa fraude en tant que mahorais et que, dès lors, n’osera pas revendiquer Mayotte, qui est pourtant la pierre angulaire de la diplomatie comorienne depuis son accession à l’indépendance en 1975 ».
Sauvé par le cyclone Chido ?
Bien qu’ils le recherchent depuis le 9 juillet 2024, date de la levée de son immunité parlementaire, les gendarmes de la section de recherches de Saint-Denis (Réunion) n’ont pas pu entendre l’ex-ministre et son épouse. Ils sont introuvables, et l’on peut imaginer que les ravages du cyclone Chido, en décembre dernier, n’auront pas favorisé la traque.
Mais Mayotte, comme la Nouvelle-Calédonie, est repassée au second plan, derrière les chicailleries politiciennes. Le cyclone Chido n’est plus qu’un souvenir, dans les premiers jours du gouvernement Bayrou. Seule trace, l’interrogation de La Première.francetvinfo, il y a deux jours : « Pourquoi le bilan du cyclone Chido n'a pas été plus dramatique à Mayotte ? » Peut-être parce qu’il est difficile de dénombrer les morts quand on ne connaît pas le nombre des vivants. Officiellement, « le bilan provisoire est toujours de 40 morts et de 41 disparus, bien loin de ce qui avait été craint ». Si cela n’était pas si triste, on en rirait.
Quant à Dhoihir Dhoulkamal, on peut l'imaginer allongé, les doigts de pieds en éventail sous les cocotiers, coulant des jours heureux sur les plages d'Anjouan, avec les 251.000 euros qu’il aurait détournés à la caisse d’allocations familiales de La Réunion.