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Les Turbulences Géopolitiques et l’Avenir Incertain de l’Europe

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Depuis plusieurs siècles, l'Occident a exercé une influence considérable sur la scène mondiale, façonnant l'histoire par ses avancées scientifiques, son expansion économique et militaire, ainsi que par la promotion d'un universalisme politique ancré dans les droits et la démocratie. Cependant, cette position dominante est aujourd'hui remise en question par une érosion de la souveraineté des États, une recomposition des rapports de forces géopolitiques, l'ascension de nouveaux régimes, le renouveau d'anciennes puissances et des fragilités économiques grandissantes. L'idée même de l'hégémonie occidentale vacille, ébranlée par des interrogations profondes sur ses propres valeurs et son rôle dans le monde.

Dans ce contexte de profondes mutations, une analyse des dynamiques actuelles révèle une compétition économique et technologique exacerbée, notamment entre les États-Unis et la Chine. Cette rivalité se déroule dans un contexte où l'ordre mondial établi depuis 1945 semble se transformer, avec des projections du Fonds Monétaire International indiquant un déplacement du leadership économique mondial.

La Perspective Américaine : Repli Stratégique et Priorité Nationale

Face à ces projections qui annoncent un déclin relatif de leur puissance économique au profit de la Chine et de l'Inde à l'horizon 2050 et 2075..., les États-Unis, sous une certaine administration, ont opéré un constat et défini des objectifs stratégiques majeurs. Le constat, du point de vue américain, met en lumière un gaspillage de ressources financières dans des interventions militaires et une aide extérieure jugées excessives, une perte de dynamisme interne due à une administration et des réglementations perçues comme contraignantes, et une priorisation des minorités au détriment de la majorité et des valeurs nationales.

En réponse à ce constat, les objectifs définis s'articulent autour d'un repli sur l'Amérique, suivant une doctrine qui prône l'arrêt des guerres extérieures, la relance du marché intérieur, la fin de l'immigration incontrôlée et la priorité donnée à la majorité du pays. Cette orientation stratégique a des implications directes sur la politique américaine, marquée par une volonté de favoriser l'industrie nationale sur le territoire américain. Cette priorité à l'industrie locale vise à relancer l'emploi et le niveau de vie, en particulier dans les régions considérées comme l'"Amérique profonde", dont le soutien électoral est jugé crucial.

Cette stratégie de recentrage national s'accompagne d'une approche de guerre économique, où la force est envisagée comme un moyen nécessaire pour atteindre les objectifs fixés, tant vis-à-vis des autres pays que des opposants internes. Cette approche se caractérise par une attitude plus directe et moins diplomatique dans les relations internationales.

Sur le plan économique, les États-Unis concentrent leurs moyens sur le développement de leur niveau de vie et de l'emploi. Ils mobilisent des investissements pour développer des secteurs clés tels que le numérique et le spatial, où ils conservent des atouts majeurs. Cette stratégie implique également un partenariat public-privé visant à relancer l'économie américaine, où de grandes entreprises sont incitées à contribuer au développement national en échange de bénéfices mutuels. Des exemples concrets, comme des annonces d'investissements massifs dans les infrastructures portuaires américaines par des compagnies de transport maritime étrangères, illustrent cette dynamique.

La Guerre Économique et Technologique : Un Champ de Bataille Global

La situation actuelle est décrite comme une véritable guerre économique à découvert, où les règles traditionnelles de la compétition sont bousculées. L'avenir des nations est perçu comme intrinsèquement lié à leur développement économique et au bien-être de leur population, reposant sur des facteurs interdépendants tels que l'alimentation, la santé, la sécurité, l'environnement, l'habitat, l'énergie, la mobilité, les loisirs, la culture et le numérique.

Dans cette compétition globale, la maîtrise des technologies critiques est un enjeu fondamental. Une analyse du positionnement des différentes puissances révèle une domination chinoise dans un nombre significativement plus élevé de ces technologies, y compris des positions de monopole dans plusieurs domaines. Les États-Unis conservent un leadership dans un nombre plus restreint de secteurs, principalement liés à l'IT et au spatial, tandis que l'Europe apparaît en retrait dans la maîtrise de ces technologies clés. Cette réalité souligne l'ampleur du défi pour les États-Unis et l'Europe dans cette guerre économique.

La bataille se concentre sur sept domaines essentiels : le numérique, les énergies, les matériaux, la détection et la surveillance, le spatial, l'aérospatial et le militaire8 .... Ces secteurs avaient déjà été identifiés comme stratégiques par certaines nations européennes dans le passé, soulignant leur importance continue pour le développement économique.

Un élément central de cette compétition technologique est la maîtrise des microprocesseurs, composants essentiels au cœur de nombreux produits. La dépendance des États-Unis vis-à-vis de la production de microprocesseurs à Taïwan, et les risques géopolitiques associés, ont conduit à des initiatives pour relocaliser une partie de cette production sur le sol américain, soulignant la conscience stratégique de cet enjeu.

Le Conflit en Ukraine : Une Redéfinition des Alliances et des Priorités

Le conflit en Ukraine est analysé comme un théâtre où se redéfinissent les alliances et les priorités des grandes puissances. Les discussions et négociations visant à une résolution du conflit semblent se dérouler principalement sur une base bilatérale entre les États-Unis et la Russie, avec un rôle limité, voire marginalisé, pour l'Europe et l'Ukraine.

Les pourparlers récents ont porté sur la remise en œuvre d'un accord sur les céréales, sous des conditions posées par la Russie concernant la levée des sanctions sur ses exportations agricoles. La Russie et l'Ukraine ont également évoqué la possibilité d'un cessez-le-feu sur les infrastructures énergétiques. Cependant, la fiabilité de la partie ukrainienne est mise en doute, compte tenu des précédents.

Un élément notable est l'établissement d'une certaine confiance et d'un respect mutuel entre les présidents des États-Unis et de la Russie et leurs équipes. Cette dynamique suggère une volonté partagée, bien que pour des raisons potentiellement différentes, de maintenir un processus de négociation vivant. L'objectif à terme pourrait être la négociation d'un cessez-le-feu plus complet, abordant la question des territoires.

Il est souligné que les intérêts nationaux des États-Unis semblent avoir évolué, se détournant d'un soutien continu à l'Ukraine au profit d'autres priorités. Le discours dans certains médias anglo-saxons reflète un constat de la défaite ukrainienne et une remise en question de l'utilité d'une aide militaire supplémentaire.

Des obstacles internes aux États-Unis, ainsi que la nécessité d'exercer une forte pression sur l'Ukraine pour qu'elle accepte la paix, sont identifiés comme des défis majeurs pour parvenir à une résolution. Le rôle de l'Europe est également pointé du doigt, avec une volonté de certains acteurs européens de s'ingérer dans les accords en cours.

Les Tensions au Moyen-Orient : Le Spectre d'un Conflit avec l'Iran

La situation au Moyen-Orient est marquée par une montée des tensions, en grande partie à l'initiative d'Israël, qui exerce une pression constante sur les États-Unis pour qu'ils s'impliquent dans une action militaire contre l'Iran. Une telle intervention est perçue comme une erreur majeure, susceptible d'entraîner des coûts économiques et politiques considérables pour les États-Unis.

Les motivations derrière la pression israélienne sont analysées dans le contexte de difficultés politiques internes. Le spectre d'une frappe sur les infrastructures nucléaires iraniennes, un objectif de longue date, est évoqué. Cependant, une telle action est jugée contraire aux intérêts américains, rappelant les conséquences désastreuses d'interventions passées dans la région.

Les répercussions économiques d'un conflit avec l'Iran pourraient être sévères, avec une explosion du prix du pétrole, des perturbations du trafic maritime dans le détroit d'Ormouz et des risques de panique sur les marchés. Une récession économique aux États-Unis est envisagée comme une conséquence possible.

Dans ce contexte tendu, une conversation secrète entre de hauts responsables américains concernant d'éventuelles frappes sur le Yémen a été divulguée, révélant des divergences d'opinions au sein de l'administration américaine et des considérations stratégiques complexes impliquant des acteurs régionaux et européens. Cette affaire illustre la prudence de certains éléments de l'administration américaine face à l'escalade des tensions au Moyen-Orient.

Le Déclin de l'Occident : Fractures Internes et Nouveau Paysage Mondial

L'idée d'un déclin de l'Occident est présentée comme une réalité géopolitique en cours1 .... Ce déclin est analysé à travers le prisme de faiblesses internes aux États-Unis, telles qu'un déclin industriel et des défis éducatifs. La résilience de la Russie, malgré les pressions externes, est soulignée.

De manière surprenante, un bellicisme renouvelé des élites européennes est observé, contrastant avec leurs moyens limités. L'émergence d'un populisme recentré sur les nations est envisagée comme une tendance potentielle, conduisant à une fragmentation généralisée . Les modèles sociaux et politiques des États-Unis et de la Russie sont jugés fondamentalement opposés, mettant en garde contre des rapprochements idéologiques simplistes. La possibilité de conflits internes aux États-Unis est également évoquée.

Le Dilemme Européen : Entre Soumission et Autonomie Illusoire

L'Europe se trouve dans une position délicate face à ces évolutions. Son influence dans les négociations internationales apparaît limitée, et elle semble contrainte de suivre les priorités américaines. La poursuite d'un discours belliciste, sans les moyens de le soutenir, place l'Europe au bord du précipice. Une soumission aux dynamiques impulsées par les États-Unis et la Russie semble être une trajectoire probable.

Le projet de réarmement européen, en l'absence d'une réelle coordination et de moyens financiers suffisants, pourrait se traduire par un réarmement principalement allemand, avec des implications potentiellement préoccupantes pour l'équilibre des puissances en Europe. L'idée d'une fin de l'histoire et d'une absence de compétition inter-européenne est remise en question, soulignant les risques de futurs conflits sur le continent. Les débats autour du partage de l'arme nucléaire et d'une potentielle prolifération sont également source d'inquiétude.

Les défis démographiques croissants en Europe, et particulièrement en France, avec une remontée de la mortalité infantile et un vieillissement de la population favorisant les avantages aux retraités, signalent des déséquilibres sociaux profonds et une possible perte de dynamisme. Ces tendances démographiques, difficiles à falsifier, suggèrent une réalité structurelle préoccupante, potentiellement masquée par l'agitation politique.

Conclusion : Un Avenir Incertain et la Nécessité d'un Pragmatisme Européen

Le scénario le plus probable pour l'avenir de l'Europe, au regard des dynamiques décrites dans les sources, est celui d'une perte d'influence continue sur la scène mondiale. L'Europe semble prise en étau entre un dialogue bilatéral sino-américain qui redéfinit l'ordre économique et technologique, et un dialogue russo-américain qui redessine les équilibres géopolitiques, notamment en Ukraine. Sa dépendance stratégique et économique, exacerbée par un manque de cohésion interne et des moyens limités, la place dans une position de récepteur plutôt que d'acteur majeur.

La tentation d'un bellicisme verbal ne fait que souligner le décalage entre les ambitions affichées et les capacités réelles. Le risque d'un réarmement déséquilibré, dominé par une puissance européenne, pourrait engendrer de nouvelles tensions sur le continent. Parallèlement, les défis démographiques internes minent la capacité de l'Europe à investir dans son avenir et à maintenir son modèle social.

Face à cette situation, le scénario le plus constructif pour l'Europe réside dans un pragmatisme renouvelé. Cela implique de reconnaître la réalité d'un monde multipolaire et de la nécessité de protéger ses propres intérêts dans ce nouveau contexte. Plutôt que de s'engager dans une confrontation stérile ou de s'accrocher à une autonomie stratégique illusoire, l'Europe pourrait chercher à établir des accords bilatéraux équilibrés avec les différentes puissances, y compris les États-Unis et la Chine.

La fin du conflit en Ukraine, négociée principalement entre Washington et Moscou, pourrait laisser l'Europe face à ses propres contradictions et à la nécessité de redéfinir sa relation avec la Russie. De même, les tensions au Moyen-Orient, gérées en grande partie par les États-Unis, pourraient avoir des répercussions économiques majeures pour l'Europe, soulignant sa vulnérabilité.

En conclusion, l'avenir de l'Europe s'annonce incertain. Un manque de lucidité et de pragmatisme pourrait conduire à une marginalisation accrue. À l'inverse, une approche réaliste, axée sur la défense de ses intérêts économiques et stratégiques dans un monde en profonde mutation, et la recherche de solutions constructives par la négociation, pourrait permettre à l'Europe de trouver une place, certes différente, mais viable dans le nouvel ordre mondial.

SOURCES : entretiens : Emmanuel Todd, Caroline Galacteros, Alain Juillet 

https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/les-turbulences-geopolitiques-et-l-260135

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