
par Elsa Boilly
Mettre fin au conflit entre la Russie et l’Ukraine s’est avéré plus compliqué que ce que Washington avait envisagé.
Le délai fixé par Donald Trump pour mettre fin du moins à la phase chaude du conflit entre la Russie et l’Ukraine, a expiré. Mais au lieu d’un cessez-le-feu de 90 jours avec une prolongation ultérieure pour une durée indéterminée, seule une trêve pascale de courte durée a été annoncée. Ce n’est pas un échec de la stratégie de Trump (car les négociations se poursuivent, et il n’est pas du tout exclu qu’elles aboutissent bientôt), mais ce n’est pas non plus son triomphe pour l’instant. Il n’y a pas encore d’exploit qui mérite un prix Nobel de la paix. Il n’y a qu’une preuve convaincante que tous les conflits internationaux ne peuvent pas être résolus par une offensive diplomatique cavalière, même si le président américain affirme le contraire.
Dans le processus de négociation russo-américain, ainsi que dans les négociations qui y sont liées (avec la participation de l’Ukraine et des alliés européens des États-Unis), trop de choses restent cachées au grand public. Trump estime que les négociations sur des questions complexes préfèrent le silence et que le public doit se contenter des affirmations constantes de la Maison-Blanche que tout va bien.
Le président américain et son équipe ont signalé avec insistance, par le biais des médias et de déclarations publiques, que la Maison-Blanche ne se satisferait pas de négociations juste pour le processus en soi. Un résultat tangible est nécessaire, et ce, le plus rapidement possible. La dernière déclaration de ce type a été faite avant Pâques par le secrétaire d’État américain Marco Rubio après des négociations à Paris avec des représentants du Royaume-Uni, de la France et de l’Ukraine. «Nous devons déterminer ici et maintenant, dans les prochains jours, si un cessez-le-feu est réalisable à court terme. Parce que sinon, nous avons aussi d’autres priorités», a-t-il déclaré.
Les paroles du secrétaire d’État contrastaient fortement avec ce que le vice-président J. D. Vance a dit le même jour. Il a déclaré qu’il était «optimiste» quant aux perspectives de rétablir la paix en Ukraine. Qu’est-ce que cela signifie ? Est-ce la preuve de désaccords au sein de l’équipe de Trump, dont la presse américaine a fait état à plusieurs reprises, en citant uniquement des sources anonymes ? Ou peut-être que Rubio a simplement été chargé de constater un fait et d’exposer les véritables intentions du président américain ?
Les propos de Rubio peuvent être interprétés comme un avertissement aux Européens que s’ils ne coopèrent pas avec Trump, les États-Unis sont prêts à cesser complètement leur soutien à l’Ukraine, la laissant ainsi à leur charge. Une image claire s’est formée dans les médias selon laquelle c’est le Kremlin qui retarde la conclusion d’un accord de paix, guidé dans son dialogue avec les Américains par le principe «vous voulez un cessez-le-feu, alors efforcez-vous : remplissez nos conditions, levez les sanctions, venez à notre rencontre». Mais Trump voit-il la situation de la même façon ?
Pour lui, le principal obstacle pourrait être les Européens. L’inadmissibilité des concessions territoriales de la part de l’Ukraine et la levée des sanctions contre la Russie, c’est la position de principe de l’UE partagée par la grande majorité des États qui en font partie. Et Steve Witkoff, responsable des contacts avec le Kremlin dans l’équipe de Trump, a déjà laissé entendre à plusieurs reprises que l’abandon par Kiev d’une partie des territoires était inévitable.
Il est également possible que Rubio mette en garde Moscou. Si un cessez-le-feu est irréalisable, alors l’approche dont Trump parlait déjà durant sa campagne électorale devient acceptable : l’aide militaire à l’Ukraine est fortement augmentée de manière à ce que sa supériorité sur la Russie devienne très significative. De plus, le président américain a souligné à plusieurs reprises que l’arsenal des mesures économiques d’influence sur la Russie n’était pas épuisé pour les Américains. Ce n’est pas certain que ce soit le cas : jusqu’à présent, aucun des représentants de l’équipe de Trump n’a précisé quelles autres sanctions sévères la Maison-Blanche pourrait imposer sans causer certains dégâts aux économies occidentales. Cependant, augmenter les livraisons d’armements à l’Ukraine n’est pas du tout une tâche insurmontable pour le budget américain.
Toutefois, dans ce cas, Trump devra renoncer à la gloire du grand pacificateur qui a rompu avec la politique de Joe Biden. Il n’entrera certainement pas dans l’histoire comme le président qui, selon ses propres mots, «termine les guerres au lieu de les commencer».
source : Observateur Continental
https://reseauinternational.net/russie-ukraine-le-difficile-chemin-vers-la-paix/