Combat royaliste 73
Par Philippe Germain
Depuis un siècle passé, l’école d’Action française produit desrevues laboratoire d’idées. Ce furent la fondatrice Revue d’Action française dite « grise », puis les mythiques Cahiers du Cercle Proudhon, vint la célèbre Revue Universelle, suivie du prospectif Ordre Français, le très stratégique Débat Royaliste et, enfin, la brillante et littéraire Réaction. Depuis 2005, la relève est assurée par la Nouvelle Revue Universelle.Dans son premier numéro le bainvillien rédacteur en chef,Gilles Varange, s’interrogea sur les phases historiques (temps court), comme clef de compréhension des relations internationales, et sur les cycles historiques (temps long),comme marqueur civilisationnel.
Varange émettait l’hypothèse que la phase historique de mondialisation ayant succédé (1992) à celle de la Guerre froide (1945-1991) conduise à une perspective vertigineuse. Celle « de la fin d’un cycle historique complet, celui ouvert aux XVIIIe siècle par les révolutions française et américaine », dans le cas où le double choc en retour du processus de mondialisation, celui du retour des religions et celui de la revanche des nations, continue sur sa lancée avec une force croissante. Il y a vingt ans, l’école d’Action française émettait audacieusement l’hypothèse de l’effondrement du cycle historique de la civilisation « occidentale » euro-américaine, dernière métamorphose de la civilisation des Lumières.
Force est de constater que l’onde de choc en retour a continué sur sa lancée en chevauchant un puissant rejet de la mondialisation. Dès 2009, dans le but officiel d’objectifs économiques limités, un camp du refus s’était constitué autour des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine). Elles n’ont depuis cessé de croître mais aussi de se radicaliser. Ce baroque amalgame de puissances rivales est fédéré par l’exaspération face à un Occident libéral-démocratique qui prétend leur imposer ses valeurs et sa façon de vivre basée sur la décomposition des mœurs. Ce camp du refus, d’abord incarné par Vladimir Poutine, vient subitement d’être rejoint par la nation américaine derrière Donald Trump qui rejette tant le wokisme que l’État profond infiltré des bellicistes néo-conservateurs. Ce nouvel et hétérogène camp du refus est taxé d’« internationale réactionnaire » par le Camp du bien car il se dote d’un pôle idéologique aux tendances pro-religions traditionnelles, national-souverainiste, antiwokiste, anti-oligarchique, anti-immigration, ré-industrialiste, illibérale, autocratique.
Ce camp du refus semble sur le point d’ouvrir un nouveau cycle historique « post-progressiste » succédant à la civilisation des Lumières, mais la phase de mondialisation n’est pas encore close. En 2022, dans la NRU, le politologue républicain Pierre-André Taguieff avait diagnostiqué non ladécadence mais le déclin idéologique du progressisme : « Il faut avoir le courage de reconnaître nos échecs, qui sont souvent le prix à payer pour nos illusions lyriques. En ce qu’elles étaient censées annoncer l’unification, l’uniformisation, la pacification et l’égalisation des pensées et des styles de vie, l’occidentalisation juridico-politico-morale du monde a échoué. La ‘Mondialisation heureuse’ aura été le rêve des élites elles-mêmes mondialisées convaincues que l’histoire était achevée, et que la paix perpétuelle pouvait être fondée sur les échanges commerciaux sans frontières et l’universalisation du modèle libéral-démocratique, garanti par une expertocratie somnambule coupée des peuples ». La phase historique de la mondialisation était simplement entrée en usure et vieillissement. Et Taguieff terminait son diagnostic décliniste du progressisme ainsi : « Mais l’agonie peut durer longtemps, sur le mode d’une euthanasie lente ». Mais à quelle condition ?
Transposons Antonio Gramsci : le cycle historique du vieux monde progressiste décline, le nouveau cycle post-progressiste à dominante réactionnaire tarde à apparaître. Et dans le clair-obscur surgissent les monstres car pour faire durer la phase d’agonie du déclin mondialiste le plus longtemps possible, le pôle idéologique progressiste – resté hégémonique uniquement en Europe et au Canada – a passé un compromis avec le pôle islamique. Ce dernier, véritable trou noir intellectuel, dispose d’une force d’attraction minime sauf auprès des millions d’immigrés musulman des banlieues européennes. Une Europe délaissée par le nouveau camp du refus tourné vers l’indopacifique.
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