« La Meute » (Flammarion), le livre supposé vous dire tout sur Mélenchon et la LFI fait actuellement le « buzz ». Mais ceux qui connaissent le dessous des cartes ont bien noté que les éléments essentiels ne sont pas indiqués et encore moins expliqués. Le lecteur n’aura donc connaissance que d’une suite d’anecdotes mais ne disposera pas des clés pour en tirer la substantifique moelle et comprendre. Il ne faut pas négliger le fait que ce soit voulu. En effet les auteurs de « La Meute » sont deux journalistes du journal Le Monde et de Libération. Cet article va exposer ce que le livre ne vous dit pas.
Jean-Luc Mélenchon a commencé sa carrière politique à l’OCI (Organisation Communiste Internationaliste), organisation trotskiste dont le chef était Pierre Boussel, dit Lambert (Mélenchon était alors à Besançon). Il ne fut pas le seul. Ce fut aussi le cas de Lionel Jospin (ancien Premier ministre), Jean-Christophe Cambadelis (ancien premier secrétaire du PS), Marc Blondel (ancien secrétaire général de FO) ou encore Benjamin Stora (historien) « spécialiste » de l’Algérie qui s’est distingué début décembre 2024 à la télévision sur la 5 en hurlant avec les loups contre Boualem Sansal, au lieu de réclamer sa libération immédiate. Dès le début, Mélenchon a été éduqué à fonctionner avec comme principe le « centralisme démocratique », principe fondamental du fonctionnement de tout parti communiste (et trotskiste). Il n’oubliera jamais ces règles antidémocratiques de fonctionnement et, dans toutes les structures et partis qu’il a dirigés, il les a systématiquement mises en œuvre avec constance.
Mélenchon sera « radié » de l’OCI en 1975, notamment semble-t-il pour indiscipline. Mais dans l’échelle des sanctions cela n’en faisait pas un ennemi de l’organisation, mais le rendait « inapte » à y occuper des responsabilités. Au-dessus de la radiation, il y a l’exclusion qui fait de vous un « ennemi de l’organisation ». On ne démissionne pas de l’OCI, on ne peut que rester « compagnon de route », notamment en continuant à payer sa « phalange » (10 % de son salaire mensuel) ou être éjecté avec perte et fracas.
Mélenchon a rapidement rejoint le PS et commencé sa carrière dans le courant A (mitterrandiste), à Massy dans la mairie de Claude Germon, dont il devint le directeur de cabinet. Il est utile de savoir que Claude Germon était un ami de longue date de Pierre Lambert, le chef de l’OCI. Il était fréquent durant ces années que les chefs du PS (ou de FO) demandent à l’OCI de mettre à leur disposition des militants aguerris pour leurs besoins, ou pour tenir une section, ou animer un combat un peu musclé dans tel ou tel endroit ou leur fournir un service d’ordre (SO) pour une manifestation. Et celui de l’OCI était le plus craint. Lambert et l’OCI ne refusaient jamais ce type de service qui leur offrait au passage des postes leur permettant de « peser ». C’est à l’évidence dans ce contexte que Lambert a présenté Mélenchon à Claude Germon et que ce dernier l’a recruté, lançant à cette occasion la carrière de Mélenchon dans le PS. Ce qui veut bien dire que Mélenchon était un sous-marin de l’OCI dans le PS, avec l’accord du PS. Il est plus que probable que Mélenchon est toujours resté un trotskiste infiltré, et qu’il l’est encore. Nous y reviendrons à la fin de ce texte.
Mélenchon anime assez rapidement une petite publication interne nommée « Données et Arguments », et se fait remarquer pour son hostilité à Michel Rocard (courant C), dont il qualifie le courant de « seconde gauche » ou de « gauche américaine », ainsi que pour son dévouement sans faille à son idole François Mitterrand. En 1988, il crée avec Julien Dray la « Gauche socialiste », un courant interne au PS classé à la gauche du parti. Sans pour autant se détacher du courant A de Mitterrand. Pour preuve, avant l’élection présidentielle de 1988, alors que le PS n’a pas encore désigné son candidat, il mène une campagne sur le thème « Pour nous, c’est lui » avec en prime une affiche sur laquelle figure un dessin représentant un homme marchant, vu de dos, arborant un manteau, une écharpe rouge et un feutre sombre. Tout le monde comprend que c’est Mitterrand. Ce dernier, quelques mois plus tard, sera effectivement le candidat du PS. En 1992, Mélenchon appelle à voter pour le traité de Maastricht, qu’il qualifie de « compromis de gauche ». On se demande bien où il a pu voir un compromis de gauche alors que ce traité se révélera vite être l’instrument qui permettra à l’Union Européenne d’accaparer la souveraineté nationale que les États membres ont accepté de lui abandonner en signant ce traité, et ainsi avoir les moyens d’imposer ses volontés aux pays membres sans qu’aucun dirigeant de l’Europe n’ait jamais été élu.
Dès 1996, il regrettera ces prises de position, mais c’est trop tard. Même s’il soutient le non au référendum de 2005 sur la Constitution européenne, le mal est fait. C’est Maastricht qui permet à l’Europe de prendre le contrôle des pays membres et Mélenchon peut bien mener campagne depuis, pour « une autre Europe », c’est lui qui est responsable de la très courte victoire du oui en 1992. Certains s’étonneront peut-être qu’on accuse Mélenchon de cela, pourtant c’est la stricte vérité. En effet, le oui est passé avec un peu plus de 1 % d’avance. Si les troupes de Mélenchon avait mené campagne et fait voter pour le non, vu son écho dans le PS et plus généralement à gauche, le traité de Maastricht ne serait pas passé. Cette position de 1992 est et restera comme une tache indélébile dans les combats politiques de Mélenchon, et notre pays n’a pas fini de payer les conséquences de cette tragique erreur politique de Mélenchon. À ce sujet on notera qu’en 1996, lors d’une convention du PS, Mélenchon présentera avec la gauche socialiste un amendement nommé : « Tourner la page de Maastricht ». Il déclara même publiquement que ce sont les opposants à Maastricht qui avaient raison. Quel aveu…
Ce qui ne l’empêchera pas de raconter des bobards en 2017 lorsqu’il déclara « si je suis élu président, j’obligerais Mme Merkel à modifier les traités ». Grotesque affirmation, puisque pour modifier les traités déjà signés il faut l’unanimité des états membres. Idem lorsqu’il affirma qu’il allait pouvoir mener la politique qu’il voulait en France. Pourtant, il sait parfaitement qu’à cause de Maastricht, la commission européenne a mis en place les GOPÉ (Grandes Orientations des Politiques Économiques). En clair chaque année la commission européenne envoie à chacun des pays membres de l’UE les grandes orientations économiques qu’il est tenu d’appliquer. C’est l’une des conséquences les plus terribles de l’accord de Maastricht.
En 1993, bien qu’ayant toujours été un farouche adversaire de Michel Rocard, il va soutenir (ce qui étonna bien du monde) la candidature de ce dernier au poste de premier secrétaire du PS. En retour – en remerciement persifleront certains – il accède à la direction nationale du PS où il devient « chargé de la presse ». En 1997, au congrès de Brest, il présente sa candidature au poste de premier secrétaire face à la candidature de François Hollande. Il obtiendra 10,21 %, ce qui provoquera chez Mélenchon une haine contre François Hollande qui ne s’éteindra jamais. Pourquoi cette haine ? C’est en 2009 qu’on va comprendre pourquoi. En effet, Mélenchon déclarera qu’au congrès de Brest il y avait un accord secret entre lui et Hollande. Mélenchon devait sortir du vote avec 15 % des votes sur sa candidature. Donc Hollande n’a pas tenu sa parole. Ce qui nous permet de noter au passage que les élections au PS c’est du grand guignol puisque cet épisode dévoile au grand jour que les chefs se mettent d’accord avant les votes sur le résultat qui sortira des urnes. Et ces gens passent la plupart de leur temps à donner à la terre entière des leçons de démocratie. Hilarant, mais surtout consternant !
La Gauche socialiste, fut longtemps un courant stable et implanté qui présenta sa propre motion lors de trois congrès du PS jusqu’à sa disparition en 2002. Elle obtiendra des scores variant entre 7 % et un peu plus de 13 %. Dès 1998, Mélenchon s’engage sur le chemin qui le mènera à la rupture avec le PS. Ainsi, il sera l’unique sénateur socialiste à voter contre le passage à l’Euro. En mars 2000, il accepte de rentrer dans le gouvernement de Lionel Jospin et devient ministre délégué à l’Enseignement professionnel auprès du ministre de l’Éducation nationale Jack Lang. Il le restera jusqu’à l’élection présidentielle de 2002. Tirant les leçons de la défaite de 2002, Mélenchon va se séparer de Julien Dray, qui accepte de rejoindre l’équipe de François Hollande à la tête du PS. Il s’avance toujours plus sur la voie de la rupture, refusant en 2005 de mener campagne pour le oui et il s’active à l’inverse pour la victoire du non. Mais surtout Mélenchon constitue en dehors du PS une association « Pour la république sociale » (PRS). Il a donc clairement un pied dans le PS et l’autre dehors. Il défend également l’idée que le candidat du PS pour 2007 doit être quelqu’un qui a défendu le vote non à l’occasion du référendum de 2005. Au congrès de Reims, en 2008, les différents courants de gauche du PS finissent in extremis par se rassembler sur un même texte. Mais le résultat des votes conforte la direction sortante et comme la ligne qu’elle défend est trop éloignée de celle que souhaite Mélenchon, il décide de franchir le Rubicon et quitte le PS.
Dans une première étape, Mélenchon – sous-marin de l’OCI – a tenté de conquérir le PS de l’intérieur. Il s’est rendu compte que cette entreprise était vouée à l’échec. Il va changer totalement de stratégie. La conquête du pouvoir est impossible en passant par le PS, il va donc tenter de la réaliser de l’extérieur. Le 1er février 2009, le « Parti de gauche » est créé. Mélenchon est élu président du bureau national puis coprésident avec Martine Billard. Dans la foulée est également créé le « Front de gauche » qui permet de présenter sous une seule étiquette les candidats issus de différents partis ou organisations (PG, PCF, Alternatifs, etc.). En 2012, Mélenchon sera le candidat du Front de gauche pour l’élection présidentielle. Avec 11,10 % des voix (3,98 millions de voix) au premier tour, Jean-Luc Mélenchon terminera quatrième de cette élection présidentielle.
Le plus étonnant c’est que dès cette époque, le Parti de Gauche dit ouvertement qu’il est en contact avec les trotskistes (de l’OCI) plus exactement le nouveau parti qu’ils viennent de créer qui s’appelle : le POI (Parti Ouvrier Indépendant). Sur le site du PG on peut lire un article du 15 décembre 2008 (https://www.contreculture.org/Frontdegauche_POI.htm) qui informe de cette rencontre qui a donné lieu à un « échange amical » entre les deux organisations. Pour le PG, la délégation était composée de : Eric Coquerel, Alexis Corbière, Pascale Le Neouannic et Jean-Luc Mélenchon. Pierre Lambert étant mort en janvier 2008, le nouveau dirigeant des trotskistes est Marc Gauquelin, dit Marc Lacaze, qui était déjà et de longue date au Bureau Politique de l’OCI. C’est lui qui était à la tête de la délégation du POI.
Pour les élections européennes de 2014, Mélenchon est candidat dans le Sud-Ouest. Sa liste obtient 8,57 %, il est donc élu député européen. Le 10 février 2016, sur TF1 et sans prévenir personne, Mélenchon annonce qu’il est candidat à l’élection présidentielle qui aura lieu en 2017. Il propose une candidature à l’extérieur des partis, donc extérieure au Front de gauche. Pour ce faire il crée « La France insoumise » et collecte des fonds pour financer sa campagne. Il mènera sa campagne en la plaçant sous le signe du numérique, notamment avec ses célèbres hologrammes, tout en reprenant au plan du programme nombre de ses thèmes de 2012. Jean-Luc Mélenchon termine finalement à la quatrième place, avec sept millions de voix, soit 19,58 %, derrière Emmanuel Macron (24,01 %), Marine Le Pen (21,30 %) et François Fillon (20,01 %).
Arrêtons-nous un peu sur LFI. Il est important de relever que la structuration de l’organisation et son fonctionnement sont des plus étonnants. Dans les partis « classiques », il y a des congrès, des textes d’orientation, des élections pour désigner les dirigeants,… etc. Il n’y a rien de cela à LFI. La France Insoumise indique qu’elle « n’est pas un parti politique. C’est un mouvement de citoyens individuels qui se reconnaissent dans la démarche de Jean-Luc Mélenchon sans pour autant rejoindre un parti politique ou une association ». Tout cela est bien pratique pour Jean-Luc Mélenchon qui devient de ce fait le centre de gravité de LFI. Tout tourne autour de lui. C’est lui qui donne la ligne. C’est lui qui nomme les responsables et les révoque. C’est lui qui contrôle et pilote tout. C’est lui qui valide les investitures pour les élections. Quant aux responsables et aux membres de LFI, ils sont là pour lui et militent exclusivement selon ses directives. Pour militer sur le terrain, il y a des structures locales appelées Groupe d’Action ayant chacune sa boucle locale sur Telegram. Il en va de même pour les députés qui ont leur boucle Telegram, ainsi que toutes les catégories de responsables ou structures existantes. Dans ces boucles, chacun prend connaissance des directives, chacun peut exprimer son opinion, mais attention aux dérapages.
Dès que des propos mettent en cause la ligne, donc Mélenchon, la porte n’est pas loin. De même toutes les demandes par exemple de modification de l’organisation, ou d’avoir de la démocratie interne,… sont très mal vues et se terminent quasi systématiquement par l’éviction brutale de ceux qui sont à l’origine de ces demandes. Pour le dire simplement, à LFI il n’y a aucune démocratie interne, tout procède de Jean-Luc Mélenchon qui ne s’est même pas donné la peine d’afficher un semblant de démocratie comme c’est le cas dans les partis communistes ou trotskistes. Là c’est très simple, Jean-Luc Mélenchon est un authentique despote et c’est clairement annoncé. Léon Trotsky a rédigé un petit livre « Leur morale et la nôtre », dans lequel il a écrit : « La fin justifie les moyens ». C’est indéniable, avec LFI Mélenchon s’est donné le moyen de ses ambitions. Le livre « La Meute » rapporte qu’en rigolant (mais jaune) des militants ont raconté : « En 2012, parfois, on se disait : putain, c’est chaud s’il gagne, il a quand même son petit caractère, avec un bouton nucléaire et la police à ses ordres, tu ne sais pas où ça va ». Effectivement…
Un autre problème de fond mérite d’être exposé : la formation des militants. Mélenchon a été bien formé à l’OCI. Il a beaucoup lu et appris. Mais ensuite au PS (Essonne) puis dans les différents partis où il est passé, il s’est de plus en plus entouré de jeunes ayant comme caractéristique d’être totalement dévoués, mais surtout incultes. C’est tellement facile de les manipuler. L’exemple type c’est Sébastien Delogu qui se ferait tuer pour Mélenchon mais qui est sans aucune culture notamment politique. Par exemple il a déclaré ne pas savoir qui était le maréchal Pétain. À l’inverse, les vieux compagnons de route, formés et cultivés, sont de plus en plus exposés aux foudres de Mélenchon. À l’origine ils étaient tous sur la même ligne, mais avec les évolutions incroyables de l’orientation politique de Mélenchon, plusieurs ont exprimé leur perplexité, voire leurs désaccords. Dès lors, c’est simple : ce fut la purge. C’est ce qui est arrivé au couple Garrido-Corbières (des anciens parmi les anciens), Daniel Simonnet, Clémentine Autain ou encore François Ruffin et de nombreux autres. De sorte que maintenant, ne restent autour de Mélenchon que les plus fous : Antoine Léaument, David Giraud, Louis Boyard, Ersilia Soudais, Manuel Bompard ou Mathilde Panot.
Aux législatives qui suivirent l’élection présidentielle 2017, Mélenchon conduisit la campagne de juin pour son mouvement et annonça sa candidature à Marseille, ville dans laquelle il est arrivé en tête au premier tour de la présidentielle. Il se présenta dans la quatrième circonscription des Bouches-du-Rhône, face au député PS sortant, Patrick Mennucci. Ce qui scandalisa le PS, local et national. Mais Mélenchon n’a pas oublié les promesses non tenues de Hollande du congrès de Brest. Il n’a donc que faire de contrarier le PS et Hollande. Il s’en fait même un plaisir car il aura éternellement des comptes à régler avec eux et maintient donc sa candidature face à Mennucci, figure historique du PS marseillais. Mélenchon est élu député de la quatrième circonscription. Il cède alors son poste de député européen à la communiste Marie-Pierre Vieu.
Répétant sa manière de faire de 2016, Mélenchon annonce à nouveau le 20 nombre 2020 dans le journal de TF1 qu’il sera candidat à l’élection présidentielle de 2022. Il refuse de se soumettre à la primaire de la gauche et organise un vote par Internet, affirmant : « Je serai candidat si j’obtiens 150.000 votes en ma faveur. » Le site s’appelle « Nous sommes pour ». La ressemblance avec sa campagne de 1988 en faveur de Mitterrand est évidente. À l’époque le slogan était « Pour nous, c’est lui » et en 2020 le slogan est « Nous sommes pour ». De même il singe également Mitterrand sur la stratégie à mettre en œuvre pour « manger » toute la gauche et en devenir le chef. En mars 2022, les sondages l’annoncent devant les autres candidats de gauche. Quant à Mélenchon, il affirme être le seul candidat de gauche à pouvoir être au second tour et ainsi faire barrage au RN de Marine Le Pen. Ségolène Royal, déclarera : « Aujourd’hui, il est évident que le vote utile à gauche, c’est le vote Mélenchon. ». Ce qui prête à sourire car, en 2012, Mélenchon critiquait durement le « vote utile » le qualifiant de « camisole de force ». Aujourd’hui qu’il sert ses intérêts, le vote utile est devenu très bien et surtout bien utile. Reste que les autres forces de gauche ont refusé de l’écouter et ont présenté des candidats. Les résultats du premier tour à gauche sont éloquents : Jean-Luc Mélenchon 21,95 %, Jadot (EELV) 4,63 %, Roussel (PCF) 2,28 % et Hidalgo (PS) 1,75 %.
Ce qui permet de tirer deux enseignements :
Mélenchon est bien devenu en 2022 le « leader » incontestable de toute la gauche.
Si les autres partis de gauche s’étaient ralliés à lui dès le premier tour, il aurait battu Marine Le Pen et aurait été qualifié pour le second tour. Il en gardera une profonde amertume d’avoir loupé ce second tour pour 400.000 voix ainsi qu’une solide rancœur vis-à-vis des autres dirigeants de la gauche de l’avoir fait perdre en se présentant pour tous finir nettement sous les 5 %.
On comprend dès lors pourquoi l’ambiance fut des plus tendues lors des « négociations » au sein du NFP pour l’établissement de la liste des investitures aux élections législatives de juin 2022. Mélenchon a perdu la possibilité d’être au second tour de la présidentielle à cause des candidatures PS, PCF et EELV qui furent toutes des désastres électoraux et s’ils renouvelaient cela aux législatives leur disparition politique serait assurée, comme par exemple pour le PS n’ayant obtenu que 1,75 % des votes lors de la présidentielle. Sans l’investiture du NFP, c’était effectivement la disparition assurée pour les écologistes, le PS et le PCF. En définitive, tout ce petit monde, malgré quelques singeries de circonstance, fut obligé de passer sous les fourches caudines de Mélenchon et sa LFI, retardant ainsi l’heure de leur disparition. Au final, le PS obtiendra 60 députés dans ces élections alors que sans les investitures du NFP on est en droit de penser qu’ils n’auraient même pas eu un seul élu. Il en fut de même pour les autres composantes du NFP.
Mélenchon très remonté contre elles utilise, sans état d’âme, la violence pour mettre au pas les autres composantes du NFP. Ainsi le 1er mai 2023, Fabien Roussel (PCF) a dû être exfiltré lors de la manif parisienne, car il défendait des positions pas assez « révolutionnaires » pour la LFI. Ce fut à nouveau le cas en janvier 2024. C’est également Raphaël Glucksmann (PS) qui a été empêché de participer au défilé du 1er Mai 2024 à Saint-Étienne, là aussi pour des positions jugées pas assez « révolutionnaires ». En 2025, lors du défilé du 1er mai c’est Jérôme Guedj (PS) qui a été éjecté de la manifestation en frôlant l’agression physique. Dans tous ces cas, des militants de la LFI étaient aux premières loges durant ces violences. Ces exactions sont d’autant plus pratiquées que Mélenchon en veut à mort aux autres composantes du NFP de l’avoir fait perdre en 2022. Et si d’aventure un ou plusieurs de ces partis osaient, à l’avenir, se présenter hors du cadre NFP, il ferait tout pour leur faire perdre toute possibilité d’avoir des élus. Les autres membres du NFP le savent et même s’ils font des grimaces, lorsque les investitures se discuteront, il est évident qu’ils feront profil bas et se plieront aux volontés de Mélenchon. Ils sont dans la nasse et pour un moment. Sauf à accepter de disparaître.
La stratégie à la base de tout ce que faisait l’OCI était la stratégie de la LOR (Ligue Ouvrière Révolutionnaire). Pour la synthétiser en quelques mots, nous dirons que les « masses laborieuses se regroupent dans des organisations « ouvrières-bourgeoises » dirigées par des appareils traîtres à leur classe ». Les révolutionnaires qui sont « l’avant-garde éclairée » du prolétariat doivent aider les masses à faire « l’expérience de leurs illusions » au travers de combats avec comme méthode le « Front Unique Ouvrier » c’est à dire l’unité dans l’action. Force est de constater que Mélenchon a fait encore mieux, si l’on ose dire, que la stratégie de la LOR apprise à l’OCI. Ce ne sont pas des pans entiers des organisations et partis traditionnels (PS, PCF, Verts) qui se sont séparés des appareils et ont rejoint les révolutionnaires (LFI) au sein de la LOR version moderne (Front de Gauche puis NUPES puis NFP). Ce sont ces organisations et partis en entier qu’il a capturés. Ils sont aujourd’hui totalement prisonniers de la ligne politique de la LFI et piégés au sein du NFP. Qu’ils en sortent et c’est la fin pour eux. Notons aussi qu’aux élections présidentielles de 2017 et 2022, les militants trotskistes du Parti ouvrier indépendant (POI) ont participé aux actions militantes et aux différentes instances de La France insoumise.
Ainsi le député LFI et militant du POI, Jérôme Legavre indique en mars 2023 : « Depuis 2017, on est totalement et de plain-pied au côté des militants de LFI, on participe aux groupes d’action et en même temps on a nos propres instances ». À nouveau on trouve le POI (trotskistes) qui soutient Mélenchon et agit à ses côtés. Déjà en 2008, le Parti de Gauche affichait ses liens avec le POI. À plusieurs reprises le journal du POI « Informations Ouvrières » s’est immiscé dans les affaires de LFI, par exemple en décembre 2022 pour apporter son soutien à Adrien Quatennens, chouchou de Mélenchon mais dans la tourmente pour une gifle à sa femme et donc en fâcheuse posture dans LFI. Tout cela fait beaucoup et ceux qui réfléchissent un tant soit peu ne peuvent manquer de s’interroger sur la profondeur des liens entre Mélenchon et le POI. Sur la base de ces faits, c’est une évidence : le vrai chef du POI c’est Mélenchon et pas Marc Lacaze. Un récent article du JDD intitulé « Le POI de Mélenchon, l’officine trotskiste aux manettes de LFI » (publié le 22 décembre 2024) le confirme. L’article commence ainsi : « Derrière la façade de La France insoumise, un appareil méconnu mais redoutable tire les ficelles : le Parti ouvrier indépendant (POI). Héritier du lambertisme, ce micro-parti radical et discipliné se révèle essentiel au contrôle implacable de Jean-Luc Mélenchon sur LFI. ». Lorsque nous disons que Mélenchon ne se cache même plus, c’est un fait avéré. Au 87 rue du Faubourg Saint-Denis à Paris (10e arrondissement) se trouve le local du POI qui historiquement fut celui acheté par l’OCI.
C’est dans ce lieu, une fois par trimestre, dans la grande salle de réunion, que Mélenchon réunit les principaux cadres de LFI afin de leur donner la ligne et contrôler entièrement tout LFI. Aidé en cela par les militants de Marc Lacaze, qui règne aujourd’hui sur le POI qui est membre à part entière de LFI, mais discrètement. Le POI ne compte qu’un seul député, Jérôme Legavre, élu dans le 93 sous l’étiquette NFP. La lumière et les projecteurs pour Mélenchon (dont le pseudo chez les trotskistes est « Santerre »), l’ombre et le tirage des ficelles pour Marc « Lacaze ». Mais en vérité, le vrai chef du POI, c’est bien Mélenchon « qui a absorbé le POI qui ne dispose même plus de sa propre association de financement depuis 2018 », nous apprend le JDD.
Et c’est là qu’on comprend mieux la vague de purges qui a frappé l’appareil de LFI dans les derniers mois, notamment lors de la mise en place de Manuel Bompard comme coordonnateur national. Mélenchon s’est donné les moyens de contrôler totalement la LFI. Trois personnages y jouent un rôle majeur : Mélenchon, le maître, ainsi que Manuel Bompard qui pilote le parti et Mathilde Panot qui pilote les députés. Et quand il y a un peu trop de problèmes quelque part, les militants du POI arrivent et règlent les problèmes. Le JDD précisant à ce sujet : « Au point que certains d’entre eux parlent du POI comme d’un corps de « commissaires politiques » ou d’une « garde prétorienne ». « Quand il faut aller nettoyer un groupe d’action en délicatesse avec la ligne, c’est eux qui s’en chargent », nous explique une Insoumise de la première génération. ». C’est là aussi qu’on comprend mieux pourquoi il n’y a pas de congrès, ne serait-ce que pour débattre de la ligne et élire les dirigeants. D’ailleurs, sur ce plan, les choses sont claires : « Laurent Mauduit et Denis Sieffert (deux ex-trotskistes de l’OCI aujourd’hui journalistes) relèvent l’absence totale de démocratie, tenue pour “bourgeoiseˮ, au sein du POI. Un déni d’ailleurs revendiqué par l’un des dirigeants du parti qui déclare : “La démocratie, on s’en fout !ˮ ».
Quant à la ligne politique de LFI, un tournant s’est opéré après 2017. Mélenchon a manqué de 400.000 voix le 2e tour. Ces voix, il pense qu’elle sont dans les quartiers. Alors, exit le combat pour gagner comme jadis les « masses populaires », place au vote musulman donc haro sur les juifs en maquillant la chose en anti-sionisme et défense permanente des palestiniens et du Hamas. Place aussi wokisme et tout ce qu’il traîne : le racisme anti-blanc, le combat contre la France « moisie », la glorification de la « nouvelle France » le nouveau peuple créolisé et islamisé, le soutien sans faille à l’immigration qui permet à la « nouvelle France » d’augmenter son nombre, tout comme l’incroyable obsession sur le thème de la prétendue islamophobie, le combat pour faire accepter le voile islamique partout en France, l’adoption de la théorie du genre dont Mélenchon demande l’inscription dans la constitution,… etc. Bien sûr ce tournant spectaculaire de la ligne de LFI pose des problèmes à certains historiques qui combattaient naguère avec Mélenchon : Clémentine Autain, François Ruffin, Alexis Corbière, Raquel Garrido… et d’autres. Pour eux, qui semblent avoir beaucoup de mal à prendre ce virage c’est la porte comme pour tout individu qui s’oppose à la ligne du chef. Mélenchon, n’a plus le temps. Il aura 74 ans en Août et donc presque 76 lors de la prochaine présidentielle. C’est sa dernière chance d’accéder au pouvoir avant de disparaître comme tout un chacun. Il l’a d’ailleurs dit ouvertement au Figaro du 19 juillet 2023 : « J’ai l’âge qui me permet de me rappeler de l’époque où nous pensions avoir du temps. Si on échouait à une élection, on se retrouverait à la suivante, et nous allions construisant, avec l’infinie patience des milieux populaires. Maintenant, nous n’avons plus de temps, nous n’avons que des délais. ». Alors il passe en force. La gauche a été mise au pas et acceptera sans doute qu’il soit le candidat unique en 2027 et dans LFI, l’ordre règne. Mélenchon pense sans doute que toutes les conditions sont réunies pour le succès qu’il attend depuis tant d’années.
Un dernier mot sur sa stratégie. Le livre « La Meute » expose assez longuement les ennuis judiciaires qui guettent Mélenchon. D’abord et principalement pour ses comptes de campagnes de 2017, dans lesquels il a largement abusé notamment avec moultes surfacturations de prestations. Le pouvoir a donc comme pour Marine Le Pen la possibilité de le rendre inéligible en 2027. À ce sujet, on ne peut qu’être étonné de la lenteur de la procédure judiciaire, commencée en 2018 et toujours pas terminée à ce jour. Qu’importe, Mélenchon a une stratégie avec deux fers au feu : gagner en passant par les élections, mais si cela s’avère impossible il n’hésitera pas à tenter d’arriver au pouvoir par la rue, plus précisément en déclenchant des émeutes commençant par les quartiers et s’étendant à tout le pays. Il pense sans doute que dans ce cas, le pouvoir tombera et qu’il n’aurait plus qu’à se baisser pour le ramasser. Au final, au travers de tous ces éléments nous voyons que Jean-Luc Mélenchon est un être sans scrupules et prêt à tout pour accéder au pouvoir y compris en prônant aujourd’hui ce qu’il condamnait hier, comme par exemple pour le voile islamique. De même s’agissant de la démocratie, il est sans équivoque un fervent adepte du principe trotskiste « la fin justifie les moyens » et la manière dont il pilote la LFI est un modèle de despotisme. Quant à ses qualités humaines, on est en droit de les chercher, surtout si l’on prend le temps de regarder comment il est capable de traiter ses « amis » ayant milité plusieurs dizaines d’années avec lui et qu’il peut répudier d’un simple SMS « je ne veux plus jamais que tu me parles ».
Bref, un homme qui s’il arrivait au pouvoir ferait immédiatement regretter au pays de l’avoir laisser y accéder. Oui, cet homme est dangereux et il convient de tout faire pour que ni lui, ni LFI ne prennent un jour le pouvoir.
Bernard GERMAIN