Immigration : « Coût zéro » !
Durant cette interview, menée par Pierre de Vilno, accompagné de Louis de Raguenel, vient sur le tapis ce que le premier qualifie d’« angle mort » dans la batterie de mesures présentées par le chef du gouvernement, le 15 juillet soir : les économies que l'on pourrait faire sur l'immigration. Effectivement, rien sur l’immigration, comme l’a très bien souligné Marc Baudriller, mardi soir. Pourtant, « le coût de l’immigration, c’est réel, c’est factuel », avance Vilno. Et là, Woerth répond très calmement, sur le ton qu’on lui a toujours connu de celui qui sait : « Je vais vous dire un truc, mais vous n’y croirez pas et les auditeurs, sans doute, non plus… L’immigration a un coût zéro. » Le scoop de l’été. Déjà, vous noterez que le discours a évolué : naguère, l’immigration, chance pour la France, n’avait que des avantages, y compris sur le plan économique et financier. « Coût zéro », donc. Donc, pas forcément positif... Et l’ancien président de la commission des finances de l’Assemblée, qui est un homme de chiffres, comme chacun sait, d'expliquer : « Quand vous regardez un euro de coût pour un immigré – un euro dépensé pour l’immigration – et, en face, c’est une recette de 0,88 euro, et pour les Français, c’est à peu près le même rapport (et c’est pourquoi on est en déficit). »
Mais d'où Éric Woerth sort-il donc ses chiffres ?
Éric Woerth reprend les chiffres d’un article de septembre 2024, publié par la fondation Jean-Jaurès, marquée à gauche (elle est présidée par le socialiste Jean-Marc Eyrault), article dont, au passage, on pourrait discuter de la rigueur scientifique, qui tire lui-même ses données du rapport de 2021 de l’OCDE, « Perspectives des migrations internationales ». Plus précisément, on le trouve page 137, dans ce document (vous pouvez vérifier), dans un tableau récapitulant les recettes relatives par habitant (immigrés/natifs) des pays de l’OCDE, dont la France. Le rapport explique ainsi que « les contributions par habitant sont plus faibles pour les immigrés par rapport aux natifs dans tous les postes. Les contributions des personnes nées à l’étranger sont 11 % inférieures à celles des natifs en moyenne dans l’ensemble des pays. » Pour mieux comprendre, il faut regarder la liste des pays de ce tableau. Ainsi, le ratio est de 0,88 pour la France, 0,75 pour l’Espagne. A contrario, ce ratio est de 0,97 pour le Luxembourg et même de 1,01 pour le Royaume-Uni (immigration choisie pour ces deux pays ?) et de 1,17 pour le Portugal (ces fameux retraités qui ont immigré au Portugal ? Le rapport ne le dit pas mais on peut l'imaginer).
Et donc, lorsque Woerth déclare que ce chiffre de 0,88, en France, est le même que pour les Français (d'où le déficit de la France), il dit n’importe quoi. Ce n’est pas du tout cela mais ceci : lorsqu’un natif contribue pour un, un immigré contribue pour 0,88n en France. Mais Woerth le dit avec une telle assurance - celle de l'expert, du comptable, à défaut d'être expert-comptable - qu’on ne peut que le croire : « C’est mesuré par l’OCDE. C’est l’OCDE qui le dit. Lisez les rapports économiques… » Oui, mais encore faut-il lire correctement les tableaux.
C’est pourquoi, il faut lire ou relire l’étude de l’Observatoire de l’immigration et de la démographie (OID) au sujet de « l’impact de l’immigration sur l’économie française ». Il faut écouter ou réécouter l’entretien donné à BV par Nicolas Pouvreau-Monti sur le coût de l’immigration. Certes, la fondation Jean-Jaurès conteste le caractère scientifique des productions de l’OID : évidemment, l’OID serait « proche de l’extrême droite » ! Car, c’est bien connu, le cercle de la raison roule à gauche.
Mais pour revenir à Éric Woerth, on comprend que ce dernier, avec bientôt quarante années de vie politique au compteur, du RPR à la Macronie, ait quelques difficultés à sortir du logiciel immigrationniste qui a conduit la France, durant ces quatre dernières décennies, là où elle en est aujourd’hui. En tout cas, Woerth est fidèle à ce qui relève presque du religieux : « Je vous dis que ça ne coûte pas d’argent. Je crois à l’OCDE. » On ne peut pas lutter.