Elle rajoute qu’« il faut de la justice fiscale et de la justice sociale », car si « les Français, ils en ont marre, des fraudeurs, ils en ont SURTOUT marre des profiteurs ». Qui, dit-elle encore, existent « dans toutes les classes sociales ». Donc, selon elle, si l’on en croit son « surtout », le profit est pire que la fraude. Les Français préfèreraient les voleurs (frauder, c’est voler) aux héritiers (puisque si l’on suit le fil de sa démonstration, par profiteurs, elle désigne les héritiers).
En est-elle bien sûre ?
Certains trouveront sans doute très vertueux de taxer les « hauts patrimoines ». Qu’évidemment, la hauteur est une notion très subjective : où commence-t-elle ? Dans la seconde partie de sa phrase, du reste, elle parle de « transmissions de patrimoine » tout court. Les choses sont claires : tout le monde est donc visé.
Contradiction permanente
La Macronie, placée sous le signe du « en même temps », est une contradiction permanente.
François Bayrou, la veille, avait demandé à « la génération des boomers [d’être avec lui] pour faire baisser la dette des plus jeunes ». Aider quelqu’un à faire baisser sa dette, c’est lui donner de l’argent pour le renflouer. En le faisant hériter, par exemple. Connaît-on meilleur moyen de faire « ruisseler » (pour reprendre un mot cher à Emmanuel Macron) l’argent des retraités vers celui des jeunes générations ? Il faudrait, pour rendre cet échange plus fluide et efficace, annuler les droits de succession. Et voilà qu’un membre de la Macronie parle de les taxer un peu plus !
Selon une étude la fondation Jean-Jaurès de novembre 2024, un transfert de plus de 9.000 milliards d’euros aura lieu, entre 2025 et 2040. Les bénéficiaires en seront les descendants des boomers, c’est donc un argent « fléché » par la mécanique de la transmission intrafamiliale… Si l’État alourdit les frais de succession, il entrave ce transfert d’une génération à l’autre.
On ne résout cette aporie qu’en modifiant l’hypothèse de base : « l’effort » que l’on demande aux boomers n’a pas vocation à enrichir les générations du dessous (entendez : leurs descendants). C’est destiné à d’autres que Nicolas et Séverine (vous savez, celle qui explique très fort, dans les transports en commun, qu’elle va faire des lasagnes), à d’autres que les enfants de Nicolas - appelons-les Kevin et Matteo. À qui donc, alors, sinon au tonneau des Danaïdes de la redistribution, étendu aujourd’hui au monde entier ? À ce coût, par exemple, de l’immigration que François Bayrou, comme le sein de Tartuffe, ne saurait voir.
Serpent de mer
Et c’est un serpent de mer. Déjà, en 2017, Christophe Castaner avait appelé à « une réflexion sans tabou sur le sujet ». C’était un ballon d’essai. Devant la levée de boucliers, le Président Macron n’avait pas embrayé, il avait déclaré « exclure formellement de modifier les droits de succession sous sa présidence ».
L’idée est surtout que si les Français ne thésaurisent plus, telle la fourmi, se serrant la ceinture leur vie durant pour aider ad patres leurs enfants, ils vont enfin consommer, comme une docile cigale. Après moi, le déluge, Profitons-en, le reste m’est égal. C’est le fameux « homme né orphelin et mort célibataire » dont parlait Renan.
En 2019, le think tank Terra Nova, qui est un peu la bible du progressisme, a proposé une augmentation de 25 % des droits de succession, avec un système progressif en fonction du montant patrimonial. C’était aussi l’idée, en 2020, d’un inspecteur des finances, Laurent Vachey, qui proposait, sinon, d’augmenter de 1 % les droits de mutation. En 2025, elle a été reprise par 16 sénateurs dans un amendement parlementaire pour l’affecter à la branche autonomie.
Français opposés
Que, sondage après sondage, les Français soient très opposés (77 % jugent cet impôt injustifié et 84 % souhaitent que les parents transmettent le plus de patrimoine possible à leurs enfants) à une augmentation des droits de successions importe peu.
Rappelons que l’argent du défunt autour duquel tournent les vautours de l’État a déjà été taxé, avec l’impôt sur le revenu. C’est donc de l’impôt sur l’impôt.
Mais le plus fou et le plus inique est encore ailleurs : une fondation reconnue d’utilité publique est exonérée de droits de succession… La Cimade, par exemple, dont l’objet est la défense des étrangers, légaux ou illégaux. La loi vous encourage donc à aider les étrangers plutôt que vos propres enfants.
Paradoxalement, ce n’est en général pas pour les plus fortunés - même s’ils sont très taxés - que la succession est la plus déchirante. Car ils ont, en général, un patrimoine équilibré entre immobilier et liquidités qui permet aux enfants de s’acquitter des frais de succession sans être acculés à vendre un bien immobilier. Il n’en va pas de même des classes moyennes qui ont investi toutes leurs économies dans leur maison. Leurs enfants, même s’ils sont très attachés à la maison, n’auront pas d’autre choix que de la vendre, la mort dans l’âme.
La France est l'un des pays au monde les plus imposés. On a les podiums que l’on mérite. Nombre de pays européens sont complètement exonérés, ou quasiment, de droits de succession sans que l’économie ou les services publics ne s’en portent plus mal, au contraire.
La transmission, qu’elle soit matérielle ou culturelle, n’a décidément pas bonne presse, en France.