Présenté comme « un cadre moderne et ambitieux pour renforcer le dialogue et la coopération dans des domaines clés tels que le commerce, l’investissement, le développement durable, l’éducation, la recherche ou encore l’État de droit et les droits de l’homme », le texte était prometteur. Mais entre les louanges protocolaires et les rappels attendus sur l’autoritarisme croissant, la corruption endémique ou l’opacité des fonds publics, les rapporteurs européens ont choisi de s’attarder sur un point qui, lui, n’avait rien d’évident : la condamnation de l’interdiction du niqab au Kirghizstan, mis en vigueur par le pouvoir qui siège à Bichkek, la capitale, en février dernier.
Un pays à 90 % musulman, entre laïcité et radicalisation
Le Parlement européen a ainsi affirmé « s’inquiéter de l’entrée en vigueur d’une loi restreignant la liberté de religion en instaurant un registre national des communautés religieuses, des amendes pour le port de certains vêtements comme le niqab et un contrôle accru de l’enseignement religieux ».
e député affirme que le Kirghizistan est un allié dans la lutte contre le terrorisme mais en même temps il regrette « un recul de la démocratie » en constatant, entre autre, l’interdiction du niqab. Ce qui me semble contradictoire. Ce n’est pas une population d’extrémiste en niqab qui continuera de lutter contre le terrorisme
Sans logique excessive, Nacho Sánchez, eurodéputé espagnol du groupe socialiste, affirme que le Kirghizistan est un allié dans la lutte contre le terrorisme mais regrette en même temps « un recul de la démocratie ». Pour lui, « la République kirghize est un partenaire clé pour la prévention du terrorisme et la coopération multilatérale ». Pour combien de temps si une large part de sa population, à 90 % musulmane, continue de se rapprocher de l’islam radical. ?..
Plusieurs élus se sont insurgés devant ces positions européennes, dont l’eurodéputée française Laurence Trochu qui dénonce, auprès de BV, un « texte complètement contradictoire » où l’UE « fait la morale à un pays » sans prendre en compte les réalités locales.
Cette accumulation de griefs laisse effectivement perplexe. Car le Kirghizstan est aussi l’un des plus grands pourvoyeurs de djihadistes partis combattre au Moyen-Orient. Si le pays reste relativement épargné par le terrorisme sur son sol, il demeure une terre de recrutement pour l’État islamique. Dans ce contexte, empêcher le pouvoir d'agir est-il irresponsable ?
Le beurre et l’argent du beurre
Bien sûr, les rapporteurs européens ont également déploré « des mesures de répression ciblant particulièrement les personnes LGBTIQ+ », rappelant que plusieurs organisations de premier plan ont été démantelées et qu’une loi adoptée en août 2023 introduit des dispositions jugées discriminatoires. Ils regrettaient encore que le projet de loi anti-discrimination n’ait pas inclus l’orientation sexuelle ni l’identité de genre, et ont invité le pays à « adopter une législation complète contre la discrimination, incluant l’orientation sexuelle, le genre, le handicap et l’ethnicité ». Les rapporteurs ont enfin dénoncé « les taux élevés de violence domestique » et le manque de parité dans les institutions du pays. L'UE poursuit sur ses rails sans la moindre analyse de la situation locale.
Les droits des LGBT sont malmenés dans de nombreux États musulmans ou dans certains pays à majorité musulmane, et les droits des femmes peinent souvent à s'y maintenir, lorsqu’ils y existent.
L’eurodéputée du groupe des Conservateurs et Réformistes européens, qui a tenté sans succès de faire adopter un amendement pour supprimer cette critique du texte, ne cache pas son exaspération : « On ne peut pas laisser une population sombrer dans l’archaïsme religieux. » Pour elle, l’Europe donne ici une nouvelle preuve de son décalage avec les réalités du terrain en reprochant au Kirghizstan « les mesures fortes qu’il prend pour lutter contre l’islam radical » qui prend de plus en plus d'ampleur dans le pays. Et d'ajouter : « Demain, le fera-t-elle pour la France ? »