Une nuit d’août 2022, elle a été tuée sous ses les yeux de ses trois enfants. Elle en attendait un quatrième, qui est mort in utero. Le procès s’est ouvert lundi 15 septembre, à Orléans.
Le Parisien nous relate ce procès qui va s’ouvrir à Orléans. Dans le box des accusés, deux individus : Sileye Ba, 38 ans, son mari sénégalais qu’elle avait rencontré à Dakar - au cours d’un stage pour son école de communication parisienne. Il était caméraman dans un média local. Et Dieynaba Kande, 34 ans, la « deuxième » épouse, qu’on lui avait présentée comme « une cousine » avec un contrat de jeune fille au pair, lorsque cette dernière avait débarqué à Paris.
Les voisins croisaient les deux femmes dans la rue, la seconde semblant surveiller la première - Clothilde -, désormais voilée. Cette famille polygame vit des aides sociales, mais aussi des revenus de la mère de Clothilde, Sylvie, fragile psychologiquement, qui les rejoint un temps, dormant sur un matelas, avant de prendre ses distances au vu des violences que subit sa fille. Elle essaie de prévenir, finit par se suicider. Les services sociaux, alertés, viennent rendre visite à Clothilde, mais celle-ci, couvre son mari et donne une explication à chaque hématome.
Mariages gris et féminicides
Ce féminicide terrible fait peu de bruit car, évidemment, il ne coche pas les bonnes cases. Il soulève deux sujets absolument tabous. Le premier est celui de la naïveté mortifère de ces « Clothilde » désarmées par la rhétorique féministe ambiante qui ne veut pointer du doigt que le patriarcat occidental et fait montre d’une grande tolérance pour tous les autres.
Il y a quelques jours, une Inès était tuée à coups de couteau par son ancien compagnon, réfugié afghan, qui voyait dans les talibans « des héros ». Inès était altruiste, elle aidait des migrants en difficulté dans une association ; c’est là qu’elle l’a rencontré. Elle a subi des violences de tous ordres - verbales, physiques, sexuelles - avant de mourir. Les avertissements de sa mère n’y ont rien fait. On peut encore parler de Sophie, l’ancienne épouse de l’agresseur au couteau tunisien abattu récemment à Marseille. La quinquagénaire témoigne aujourd’hui n’avoir même pas osé porté plainte pour les violences qu’elle subissait, de peur des représailles. Pour l’éloigner, elle l’avait décidé à aller vivre chez son propre père, alors hospitalisé. C’est sous l’aile des parents qu’elles n’ont pas voulu écouter qu’elles vont chercher protection, même à un âge mûr, quand la belle histoire d’amour tourne au vinaigre.
Du regard dépréciatif que l’on porte sur la femme dans certains pays, il n’est jamais question, dans la presse féminine. De la charia qui piétine la femme, non plus. Les guides touristiques déconseillent absolument, à une Occidentale seule, de se promener au milieu de l’Afghanistan, mais personne ne s’inquiète des conséquences de l’arrivée massive sur notre sol, pour la condition féminine, d’individus en provenance de ces pays. On feint de croire qu’ils se débarrassent tous de leurs mœurs à la frontière comme de vieilles fripes. Comme si ce que l’on reçoit enfant en soi n’était pas profondément intériorisé.
La prudence est aujourd’hui suspecte, voire raciste. Si des parents s’avisent de mettre en garde leur fille contre un possible mariage gris, on les suspectera de voter RN ou Reconquête. On les accusera d’être bourrés de préjugés. Mais les préjugés, selon le philosophe Burke, ne sont que la sédimentation progressive de l’expérience de ceux qui nous ont précédés. Les parents, parce qu’ils sont plus âgés, sont plus méfiants et plus avertis. Les leçons du Petit Chaperon rouge sont éternelles, mais qui le lit encore ? Par leur mariage, ces femmes (sauf Sophie, qui y a miraculeusement échappé) ont perdu la vie et leur conjoint a gagné des papiers. On conviendra que le contrat nuptial était assez peu équitable.
La polygamie, ce sujet tabou
L’autre sujet tabou est, bien sûr, celui de la polygamie. Oui, qui progresse sous les radars en France. Parce que là aussi, il stigmatiserait l’immigration. La question a été évoquée récemment par une militante de La France insoumise, d’origine africaine et habitant les « quartiers », comme l’on dit, lors de l’université d’été du parti. Elle avait interpellé la féministe décoloniale Rokhaya Diallo : pourquoi personne ne parle de la polygamie, « très fréquente » dans les « quartiers populaires » ? La sénatrice ivoirienne panafricaine Mah Sogona Bamba, en 2022, qualifiait la monogamie d’« imposée et importée », « d'essence et de fondement judéo-chrétien ». Assa Traoré, dont Rokhaya Diallo a soutenu le combat, a même décrit, dans Paris Match, la polygamie de ses parents comme « une expérience formidable ». On sent monter un féminisme décolonial - il n’a de féminisme que le nom - qui dénigre la monogamie parce qu’elle est d’essence occidentale.
Rappelons qu’à peu près au même moment, lorsque la presse française avait relevé la polygamie du président sénégalais nouvellement élu, il s’était trouvé un journaliste d’Arrêt sur images et de Libération, en la personne de Daniel Schneidermann, pour voir dans cet étonnement « le regard colonial, dans son éternité ». En 2020, Aurélien Taché avait simplement parlé, s'agissant de la polygamie, de « mode de vie différent ». Et la différence nous enrichit, n'est-ce pas ? Dans le pays et la religion de Siley Ba, la polygamie est banale, puisque affichée et officielle au plus haut sommet de l’État : depuis mars 2024, « les premières dames » sont Marie Khone Faye et Absa Faye, et cela ne suscite aucun scandale dans la population. O tempora, o mores, dit-on. O terra, o mores, pourrait-on rajouter.
Conte de faits... divers
Certains, sur les réseaux sociaux, commentent durement ce drame, trouvent que les filles comme Clothilde sont bien bêtes et qu’après tout, elles n’ont que ce qu’elles méritent. Sans doute sont-elles fragiles, mais n’est-ce pas le propre de notre civilisation de protéger les plus faibles d’entre nous, une faiblesse qui ne s’entend pas seulement au sens physique, mais aussi psychologiquement ? Oui, la gauche autoproclamée féministe est coupable. En minorant ces drames, en valorisant ces mœurs archaïques, mais aussi en détruisant - déconstruisant - l’homme occidental qui, tétanisé, ne sait plus dire à une femme qu’elle est jolie ni lui promettre le « ils se marièrent et ils eurent beaucoup d’enfants » à laquelle elle aspire. Certaines vont donc chercher romantisme et conte de fées ailleurs. Qui devient conte de faits… divers.
Comme le développent finement Régine Pernoud, dans son livre La femme au temps des cathédrales (Le Livre de Poche), et plus récemment Christophe Dickès, dans Pour l’Église. Ce que le monde lui doit (Perrin), ce n’est pas un hasard si toute l’Europe a été convertie grâce à l’influence de reines chrétiennes. Si leur conversion était sans doute sincère, elles y trouvaient aussi leur intérêt en tant que femme… Adieu les concubines, pour paraphraser le titre d’un film chinois célèbre. De qui s’agissait-il ? Théodelinde en Italie, Théodosia en Espagne, Berthe en Angleterre, Edwige en Pologne, et, en France… Clothilde. La boucle est bouclée.