Une dignité qu’elle partage avec sa compagne d’infortune, Mathilde, violée elle aussi dans un hall d’immeuble du XVIIe arrondissement de Paris, seulement une demi-heure avant Claire, et selon le même mode opératoire : il s’est faufilé derrière elles, les a plaquées au sol, leur a imposé de violentes fellations en jurant de les tuer si elles ne faisaient pas selon sa volonté. L’angélisme de ces deux jeunes femmes aux cheveux longs, leur regard triste mais droit, frappe d’autant les esprits qu’il contraste avec la bestialité de celui qui se tient dans le box des accusés. Jordy G. ne les a pas seulement violées, il a détruit une partie de leur vie, qui était encore à tracer.
Un multi-condamné « narcissique » et « égocentrique »
Nonchalant, presque désinvolte, l’homme assis au banc des accusés n’affiche aucun remords. Né en Centrafrique en 1996, arrivé en France en 2006, il est décrit comme violent et agressif par à peu près tous ceux qui l’ont croisé au travers de son parcours social. Avec déjà onze condamnations à son casier pour vols avec violence, usage de stupéfiants, violence en réunion, outrages, menaces de mort, agression sexuelle, il aurait pourtant de quoi faire profil bas. Mais il exprime un sentiment d’impunité jusque devant le jury de la cour criminelle. À l’avocat des victimes, il ne cache même pas son mépris : « Vous êtes assez directif, doucement », « c’est vous, l’avocat, c’est à vous de me dire », « c’est un monologue, que vous êtes en train de faire ? »
Ce sentiment d’impunité, cet égocentrisme et cette propension à la domination que relèvent les experts auraient-ils germé dans sa jeunesse ? Il évoque lui-même une enfance « idyllique » dans son pays d’origine, passée auprès de sa mère et de sa grand-mère qui subviennent à ses besoins, le plaçant dans des « circonstances matérielles plutôt favorables ». Gâté par l’une, recadré par l’autre, il obtient toujours gain de cause : quand la grand-mère refusait quoi que ce soit, il lui jetait des cailloux jusqu’à ce qu’elle cède, et il se rappelle l’avoir fait pleurer de nombreuses fois. « Comme elle me traitait comme un roi, ma mère faisait office de figure paternelle. »
Malgré un cadre qui ne semble pas « l'avoir perturbé plus que ça dans son développement », son comportement déborde lorsqu’il change de pays. Placements en famille d’accueil, foyers, exclusions : rien ne semble calmer ses ardeurs de délinquant. Son oncle, qui l’avait hébergé à son arrivée en France, et qui perdra sa garde à cause d’une gifle infligée devant une directrice d’école, finira par confier aux enquêteurs : « Ses camarades de classe, des Blacks, s’en sont bien sortis. Jordy aurait dû finir comme eux. Il a fait ses choix, qu’il les assume. Tant pis pour lui. » À seize ans, il fume et revend du cannabis. À dix-huit, il dort dehors. Comme une prédiction de cet oncle, qui dit pourtant avoir voulu lui « inculquer des valeurs, mais qui n’étaient pas celles de l’ASE », avant de se rappeler avoir même proposé de le « renvoyer au pays », proposition écartée par l’aide sociale à l’enfance.
Trois OQTF et des « besoins sexuels importants »
Les obligations de quitter le territoire s’accumulent par trois fois, entre 2020 et 2023. Interrogé, il justifie simplement n’avoir « pas eu de raison de partir ». « Je me lève français, je dors français, je me suis tellement habitué que ce serait choquant de retourner en Centrafrique. » Les démarches qu’il prétend avoir engagées pour se régulariser butent sur un casier judiciaire interminable, la dernière condamnation en date relevant d’une tentative d'agression sexuelle, commise à la prison de Fleury-Mérogis sur une surveillante, alors même qu’il était incarcéré en attendant son procès pour les viols de Claire et Mathilde. « Je ne regrette pas ce que j’ai fait. Si c’était à refaire, je le referais en mieux. » Des faits qui ne lui vaudront d'ailleurs qu'une condamnation à trois ans d'emprisonnement, dont une année avec sursis.
Il soutient n’avoir « aucun problème avec les femmes » et les « respecter », mais son passé dit autre chose. Dans un foyer d’accueil, il avait glissé son sexe dans l’assiette d’une éducatrice à son insu, avant de lui révéler son geste, goguenard. La médiatisation du procès a par ailleurs fait resurgir d’autres accusations : la fille de sa première famille d’accueil l’accuse de viol, une plainte est aujourd’hui en cours. Une autre, issue d’un second foyer, avait dénoncé des attouchements : des faits classés, cette fois, sans suite.
« J’ai du succès avec les femmes, je n’ai pas besoin de les violer », justifiait il, pendant l’instruction. Lorsque l’avocate de Mathilde lui demande s’il maintient ses propos aujourd’hui devant sa victime, il observe un silence de marbre. Face aux faits qui lui sont reprochés, il encourt jusqu'à 20 ans de réclusion criminelle. La cour rendra sa décision le 26 septembre.
Alienor de Pompignan