
Alors que, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les partis prônant la réalisation d’un avenir radieux, telles les formations politiques communistes, avaient le vent en poupe et qu’Yves Montand fredonnait « Ô bella ciao, bella ciao. bella ciao... », les forces politiques qui rencontrent désormais le succès sont celles qui jouent sur la nostalgie des années 1980, voire des décennies précédentes.
Lors des élections présidentielles de 2024 aux États-Unis, le candidat Donald Trump a utilisé la chanson YMCA de Village People qui date de 1978, alors que Marine Le Pen est une « femme des années 80 », expression qui renvoie à la chanson de Michel Sardou, et qu’Éric Zemmour entretient ouvertement la nostalgie des sixties chantée par Jane Birkin dans la phrase « Ex-fan des sixties où sont tes années folles. Que sont devenues toutes tes idoles ? », pendant qu’aux Pays-Bas le parti des agriculteurs BBB de Caroline van der Plas regrette l’époque à laquelle les campagnes étaient parcourues par des tracteurs et par des paysans emmenant leurs vaches entre le ferme et les prés, les ruminants laissant des bouses sur les routes.
Avenir bouché, passé fantasmé ?
Pendant ce temps, dans l’Est de l’Allemagne, la nostalgie de la République démocratique allemande communiste se partage politiquement entre le parti post-communiste Die Linke et le parti de gauche anti-immigration BSW dont la figure de proue est Sahra Wagenknecht, alors que la formation politique patriotique allemande AfD est victime de tensions internes à propos des nostalgies entre une aile implantée dans l’Ouest regrettant l’ordolibéralisme de l’après-guerre qui a permis le miracle économique de la République fédérale allemande et une autre, toute puissante dans l’Est du pays, dont le logiciel idéologique est celui de la Nouvelle droite allemande et qui tire ses idées de la Révolution conservatrice allemande de la République de Weimar, certains protagonistes de l’AfD de l’Est étant même accusés par des adversaires de recourir à une rhétorique utilisée par des dirigeants du IIIe Reich. Même en Wallonie, dans le sud de la Belgique, où les patriotes ne disposent que d’un seul élu municipal, le parti communiste PTB a pris la place et entretient le regret du temps d’avant, celui des usines qui ont désormais pour la plupart fermé leurs portes, ayant été délocalisées vers les pays à bas salaires ou étant tombées comme des mouches face à la concurrence internationale.
Que le principal facteur de rejet des évolutions que connaît notre époque porte sur l’immigration, l’insécurité, le chômage, la fermeture des usines, l’inégalité croissante, la désertification des campagnes, la quasi-disparition des frontières, l’inflation, la rage fiascale, le démantèlement des infrastructures étatiques, le détricotage de la sécurité sociale, …; ce qui caractérise ces formations politiques est l’utilisation de la nostalgie du monde d’autrefois, l’ensemble de ces éléments s’ajoutant aux regrets par de nombreuses personnes du temps de leur vingt ans, lorsqu’elles étaient jeunes et belles, les souvenirs positifs prenant le dessus sur les réminiscences négatives. Comme le chantait Berthe Sylva dans les années 1930, « On n’a pas tous les jours vingt ans, ça nous arrive une fois seulement. Ce jour-là, faut faire la fête, car il s’efface et ne revient plus. »
De la Scandinavie à l’Italie du Premier ministre Giorgia Meloni, du Royaume-Uni à la Roumanie, la nostalgie du monde d’avant, celui des frontières et de l’immigration faible en nombre, souffle, l’époque de l’État-nation étant considérée comme celle d’un monde simple et tranquille, ayant connu le plein emploi, la prospérité et la sécurité. Face à la désagrégation qui touche divers pays du vieux continent, le succès des partis « nostalgistes » ne devrait pas se tarir au cours des années à venir et leur réussite devrait encore s’accroître. Au sein de divers pays, la route du pouvoir leur est désormais ouverte.
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