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Accords de 1968 abrogés : une victoire historique de la coalition des droites

Copie-écran AN
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C’est une déflagration. Pour la première fois de son histoire, le Rassemblement national a réussi à faire adopter un de ses textes à l’Assemblée nationale. Et le coup politique n’est pas des moindres, puisqu’il s’agit d’une proposition de résolution visant à abroger les accords franco-algériens de 1968. Une autre de ses initiatives ayant pour but de rétablir le délit de séjour irrégulier n’a pas rencontré le même succès.

En ce jeudi 30 octobre, la niche parlementaire du RN à l’Assemblée nationale a été marquée par de très vives tensions, tant les bancs de la gauche étaient ulcérés par les textes lepénistes. Abroger les accords de 1968 et punir plus sévèrement les étrangers présents irrégulièrement sur le territoire, voilà de quoi donner une crise d’apoplexie aux ayatollahs du vivre ensemble. Les mots « raciste » et « xénophobe » ont servi de ponctuation aux prises de parole des parlementaires de gauche, au bord de la crise de nerfs. Florilège : « Votre texte est un ramassis de foutaises »« L’immigration et les immigrés sont votre fonds de commerce »« Un parti qui ne prospère que sur la haine de l’autre »« Vous agitez les peurs »« Des rafles permanentes, voilà le programme du RN », sans compter les traditionnelles « heures les plus sombres de notre Histoire » et l’évocation du « fantôme de Jean-Marie Le Pen » planant sur les bancs d’un RN qui n’aurait « pas changé ».

À une voix près

Les éternelles jérémiades et arguments éculés n’ont pas empêché le coup de semonce qui a fait trembler les murs du palais Bourbon. Grâce aux voix des députés LR et Horizons, le texte dénonçant les accords franco-algériens de 1968 est adopté à une voix près (185 pour, 184 contre). La très faible mobilisation des députés du parti présidentiel aura coûté très cher. Le député des Yvelines EPR Charles Rodwell publiait pourtant, il y a quinze jours, un rapport dénonçant le coût des accords de 1968 (deux milliards) et demandait leur abrogation au nom du président de son groupe, Gabriel Attal. Pas à une contradiction près, les députés macronistes refusaient de soutenir la proposition émanant du RN sous prétexte que cette dernière ne prévoyait pas « un cadre juridique alternatif clair et strict ». Les propositions de résolution sont non contraignantes, nous sommes donc dans le domaine du symbole. Et le symbole éclate. À l’annonce des résultats, les députés du Rassemblement national, mobilisés en masse, exultent et savourent leur succès tout ébaubis. « C’est une surprise », avoue, le sourire aux lèvres, un député mariniste dans les couloirs de l’Assemblée. À vrai dire, la consigne de vote de Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, et le comportement des parlementaires Horizons, fidèles de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, n’allaient pas de soi. Les tergiversations des Républicains, ces derniers temps, pouvaient laisser craindre le pire au RN. Alors, Marine Le Pen savoure cette victoire parlementaire inédite, qui « n’est pas un tournant mais une marche », jubile-t-elle. Le sort de Boualem Sansal et de Christophe Gleizes était aussi au cœur des discussions : la députée du Pas-de-Calais demande au président de la République d’entendre « la volonté du Parlement français » et de la « faire connaître à l’Algérie ». Il revient désormais à Emmanuel Macron et au gouvernement de réagir, selon leur bon vouloir.

Une coalition des droites

A gauche, le traumatisme est palpable. C’est la voix chevrotante que les parlementaires insoumis, écologistes et socialistes, assommés par la victoire de « la bête immonde », commentent le séisme politique en dehors de l’Hémicycle. Pour le député LFI Abdelkader Lahmar, « il ne s’agit ni plus ni moins que du retour de l’OAS à l’Assemblée nationale » : il prédit, si le RN arrive au pouvoir, « le retour des expéditions coloniales en Algérie ». Ce « fils d’immigrés algérien », comme il se définit, ne craindra pas, quelques minutes plus tard, de traiter, lors du débat suivant sur le rétablissement du délit de séjour irrégulier, sa collègue UDR Hanane Mansouri de « caution », faisant allusion à ses origines maghrébines. « Une insulte » qui ne passe pas. « Les miens, ce sont les Français, je me bats pour la France », répond la députée ciottiste, à BV. Éric Ciotti, justement, s’est quant à lui félicité d’une « victoire de tous ceux qui placent [au-dessus de tout] les intérêts supérieurs de la nation ». L’allié de Marine Le Pen se délecte de voir les LR contraints de soutenir la proposition émanant du RN. Et pour cause : lui-même avait présenté, au nom de son parti, le même texte lorsqu’il était aux Républicains. Marion Maréchal a souligné ce qu’elle considère comme « un pas historique vers la coalition des droites ».

Face à ce succès du Rassemblement national, le Sénat majoritairement à droite, qui va réintégrer un certain Bruno Retailleau, reprendra-t-il la proposition RN pour lui donner plus de poids ? La position de la chambre haute dira si la droite française évolue... enfin !

Yves-Marie Sévillia

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