
(Chronique à lire dans Causeur de novembre)
Le mot nouveau est arrivé : « Stabilité ». Il est répété par ceux qui ont choisi de soutenir Sébastien Lecornu, ultime bouée d’Emmanuel Macron, en espérant se sauver eux-mêmes. Le 16 octobre, la plupart des députés PS et LR ont ainsi joint leurs voix à celles des macronistes en perdition pour rejeter (à 18 voix près) la censure du gouvernement, au nom de la préservation de l’ordre républicain. Mais ce retour au calme institutionnel est aussi trompeur que le fut la « concorde », cet autre mot qui fit florès en 1793… juste avant La Terreur. Dans leur obsession à faire taire les Français, de peur qu’ils ne renforcent la droite chamboule-tout, les ralliés au chef de l’Etat et à son premier ministre partageront leur sort : ils tomberont ensemble. Derrière la stabilité psalmodiée se profile la possible table rase.
L’étouffoir démocratique a rendu l’atmosphère révolutionnaire. Toutefois, l’embastillement de Nicolas Sarkozy est un signe trompeur. Son incarcération à la Santé, le 21 octobre, est l’effet du dérèglement du système, confisqué par des castes. Le choix des juges d’humilier l’ancien chef de l’Etat n’exprime qu’en apparence la colère du peuple contre ses élites. Alors qu’aucune preuve d’un financement libyen ni aucun enrichissement personnel n’ont été retenus contre le prévenu dans la campagne présidentielle de 2007, son emprisonnement avant l’appel signe la dérive moraliste d’un pouvoir judiciaire gagné par l’arbitraire et la revanche politique. Les magistrats qui espèrent entraver Marine Le Pen aggravent le sentiment des électeurs d’être dépossédés de leurs voix.
Ceux qui écartent l’arbitrage du peuple programment leur déroute. La droite de gouvernement est déjà en lambeaux. Les Républicains qui se sont alliés aux socialistes à l’Assemblée, eux-mêmes désireux de suspendre la réforme des retraites et de taxer les riches, ont achevé de rompre leur union avec le courant souverainiste de leur parti. Jean-François Copé (LR), qui accuse le RN d’avoir un programme socialiste, est resté muet devant l’incohérence de la fausse droite cheminant avec Olivier Faure (PS). Bruno Retailleau, président d’un parti qui ne lui obéit qu’à moitié, n’a d’autres choix rationnel que de s’éloigner de ces politiciens et de leurs tambouilles pour rejoindre les nationaux d’en face : c’est dans ce creuset que l’histoire s’écrit sur les ruines du progressisme.
Dans leur refus de se tourner vers les citoyens, les squatteurs de la démocratie admettent implicitement la victoire idéologique de Marine Le Pen. Elle est une menace à leur survie. Dans son bureau à l’Assemblée, le portrait d’un chat, posé sur la cheminée, sert de fond visuel à ses interventions à côté du drapeau tricolore. Le 3 octobre, la fondatrice du RN, éleveuse diplômée de félins, s’est rendue à une invitation du premier ministre à Matignon accompagnée d’un chaton qu’elle nourrissait au biberon. Cette passion ne fait pas un programme. Toutefois sa proximité animale affichée parle à ceux qui vivent avec les 17 millions de chats que compterait la France. Elle parle aussi aux Français qui n’existent plus aux yeux des boutiquiers de la politique, soucieux d’eux-mêmes.
La stabilité, telle qu’elle est défendue par l’oligarchie agrippée à ses pouvoirs, signifie l’immobilité, le statu quo, le silence dans les rangs. Elle est une violence pour les indésirables qui réclament des élections clarificatrices. Retarder ces échéances démocratiques ne fera que renforcer les frustrations des dégagistes.
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