Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions depuis août 2015, reconduite pour un troisième mandat en août 2025. Un record de longévité à la tête de la Maison Ronde…
Souhaitée par Éric Ciotti, le président de l’Union des droites pour la République (UDR), la commission d’enquête sur « la neutralité, le fonctionnement et le financement de l’audiovisuel public » a débuté ses travaux ce mardi 25 novembre. « Tout le monde sera mis sur le gril, sans privilège de stars, prévient Éric Ciotti. Il est temps que l’audiovisuel public passe sous l’œil du peuple. Il y a beaucoup de scandales à révéler, beaucoup d’abus à dénoncer. C’est le moment de sortir les cadavres du placard. »
Au total, une cinquantaine d’auditions, filmées et diffusées en direct, seront menées durant un marathon étalé sur treize semaines.
Le rapport sera publié « entre fin mars et début avril » promet le rapporteur de la commission d’enquête, le député Charles Alloncle (UDR) : « Jamais encore l’audiovisuel public n’avait fait l’objet d’une commission d’enquête parlementaire, rappelle-t-il, et il est important d’éclairer les Français sur la destination de leur argent. »
Depuis la suppression de la redevance TV, le dispositif de financement de l’audiovisuel public repose sur l’affectation d’une fraction du produit de la TVA. Tous les Français paient pour la Maison Ronde, qu’ils regardent ou non des programmes du service public.
4 milliards d’euros, rappelle Charles Alloncle, « c’est la moitié du budget du ministère de la Culture. Cela représente l’équivalent de près de 100.000 salaires d’enseignants ou de policiers versés chaque année, de 20.000 places de prison, de 400 écoles. C’est à peu près la somme qui permettrait également de réhabiliter les 6000 églises en France menacées de délabrement. »
Alors que l’État cherche à réduire son déficit d’une quarantaine de milliards, dans un moment aussi où « l’on demande à tout le monde de se serrer la ceinture, c’est la moindre des choses que l’Assemblée nationale se penche sur la destination d’impôts et de taxes versés par les contribuables », martèle le rapporteur.
L’audiovisuel public, ses salaires mirobolants, ses sureffectifs, ses emplois fictifs, ses conflits d’intérêt…
En 2024, les frais de réception de France Télévisions se sont élevés à 46 millions d’euros (soit 126 000 € par jour), et les dépenses en taxis ont atteint 3,8 millions d’euros, en hausse de 800 000 € par rapport à 2023. Elles concernent notamment des trajets domicile-travail en dehors des horaires habituels.
Malgré un chiffre d’affaires de 3,3 milliards d’euros en 2024, France Télévisions cumule des déficits (81 millions d’euros entre 2017 et 2024) et une trésorerie au plus bas depuis 2022. Le budget 2025 prévoit un nouveau déficit de 40 millions d’euros
France Télévisions a réduit ses implantations franciliennes (passant de 16 sites en 2022 à 5 en 2025), mais le nombre de salariés reste élevé (près de 9 000), avec des critiques sur la productivité et des sureffectifs criants.
Certains médias et responsables politiques dénoncent des salaires « indécents » (330 000 euros net mensuels pour Delphine Ernotte !) et des avantages perçus comme disproportionnés, notamment pour les dirigeants, sans lien clair avec la performance ou l’intérêt général.
Selon Charles Alloncle, « il existe un soupçon d’insincérité des comptes de France Télévisions qu’il va falloir explorer ». Le rapporteur pointe également des erreurs stratégiques, comme l’échec de Salto, la plateforme de streaming créée conjointement avec TF1 et M6 qui a coûté, selon le dernier rapport de la Cour des comptes, 58 millions d’euros au groupe public. Ou le ratage de la réorganisation de France 3, « dont on ne voit pas les pistes d’optimisation ».
Le rapporteur promet d’enquêter sur des soupçons d’emplois fictifs, au sein de France Télévisions notamment. « Je pense au directeur des opérations spéciales du groupe, également adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris. Nous vérifierons l’effectivité de son travail. »
L’élu évoque par ailleurs des cas de « pantouflage », comme celui d’une ex-directrice de France 5 et directrice des programmes de France Télévisions ayant signé des contrats d’émissions avant de rejoindre la société qui les produit, Together Media, créée par Renaud Le Van Kim, un proche de Delphine Ernotte. « Si un député, un élu ou un haut fonctionnaire avait commis le dixième de cette rupture déontologique de pantouflage, il serait peut-être passé par la case pénale », insiste-t-il.
La question de la « neutralité » de l’audiovisuel public sera également au cœur des débats
En septembre, l’affaire Legrand-Cohen, du nom des deux journalistes du service public accusés, après la diffusion d’une vidéo, de connivence avec le PS et de parti pris à l’encontre de Rachida Dati, la ministre de la Culture, avait défrayé la chronique. Pour Charles Alloncle, cette affaire est loin d’être un cas isolé. Et de citer la comparaison entre Hitler et Jordan Bardella émise sur le plateau de France 5, la mention, sur la chaîne Franceinfo, d’« otages » et non de prisonniers palestiniens, ou encore de chiffres du « ministère de la Santé palestinien » sans préciser que ce « ministère » dépend du Hamas, etc.
« On peut avoir des doutes aussi lorsque l’on entend Delphine Ernotte mettre des cibles d’extrême droite sur des concurrents, en rupture de sa mission fondamentale », pointe-t-il.
Malgré ces scandales à répétition, Delphine Ernotte et Sibyle Weil, respectivement présidente-directrice générale de France Télévisions et présidente-directrice générale de Radio France, sont restées en place. Rappelons que pour un caviardage dans la retranscription de discours de Donald Trump, le président de la BBC et son adjoint à l’information ont dû présenter leur démission.
La Maison Ronde est squattée par la gauche et l’extrême gauche depuis des décennies. La tenue de la commission d’enquête a été dénoncée par tous les partis de gauche qui profitent largement de la boutique et ne voient pourquoi ça devrait s’arrêter.
Henri Dubost