
Il est impossible que les pouvoirs publics ne sachent pas que la dermatose nodulaire guérit dans 95% des cas, et qu’il n’y ait donc pas lieu de procéder à l’abattage des troupeaux. Il est impossible que les préfets et les gendarmes l’ignorent, et dans ce cas comment peuvent-ils ne pas regimber à appliquer des ordres manifestement illégaux au regard de la réalité ? Comment ne peuvent-ils pas réclamer un nouveau protocole au lieu de se faire les complices d’un massacre qui ne sert pas l’intérêt de la nation, puisqu’ils participent activement à la destruction de notre souveraineté alimentaire, qui est tout aussi cruciale que notre souveraineté énergétique ou militaire.
Que doit leur dicter leur conscience face à ce sujet qui ne devrait pas être un dilemme pour eux, mais l’occasion de faire entendre la voix de l’intelligence et du patriotisme, dont ils font figure de garants de par leur position. En lieu et place d’incarner cette justice teintée de sagesse, ils se montrent intraitables dans la démolition d’un secteur primordial d’un des éléments de la survie de notre état, son agriculture, ce par quoi un pays peut tenir debout, l’alimentation. Le premier devoir des FDO et des préfets devrait être la loyauté envers le peuple, et non la fidélité aveugle à l’endroit d’un gouvernement qui dérive et prend ses ordres, sans même s’en cacher, à l’extérieur de nos frontières.
On va nous dire que l’illégitimité du pouvoir n’a pas à être décidé par des fonctionnaires, encore que ces derniers peuvent se fier à la réalité du terrain, au reflet des enquêtes d’opinions dont ils ne sauraient être sourds, ni même de ces échos qui nous viennent de l’étranger qualifiant notre régime de despotique. Et ces fonctionnaires ont aussi des familles… ce qui devrait les inciter à se poser des questions. Si tout le monde s’en remet simplement à l’histoire d’une élection en faisant fi de ce qui se passe en ce moment, des événements qui prouvent que les choses ont changé depuis l’élection, alors il y a un problème, d’autant que ceux qui devraient se manifester, à savoir nos élus ne remplissent plus leur fonction eux non plus. Ils n’œuvrent que pour leur propre sauvegarde et ça aussi, c’est aujourd’hui visible. Il n’y a hélas plus d’autorité pour faire état de ce décalage et la norme consiste à écouter et suivre celui qui est à la tête, même si la voix sourde du peuple, devenue largement majoritaire, conteste sa légitimité. C’est bien là le souci de notre régime, n’avoir pas les moyens de trancher une situation pour le moins confuse, où un pays se trouve dirigé par un gouvernement sans majorité, et où un président n’a pas respecté le verdict des urnes pour nommer les Premiers ministres qui se sont succédé depuis la dissolution. Il n’y a pas besoin d’être un expert ou un juge pour se rendre compte que le fruit de l’élection a été détourné, quid alors de la légalité d’une décision que prend un homme qui s’assoit sur le résultat des urnes ? Sa seule légitimité électorale l’autorise-t-elle à faire ce qu’il veut comme il le veut sans que personne ne vienne lui faire comprendre qu’il dépasse les bornes ? Il y a, ou il devrait y avoir, un moment ou ceux qui sont le bras armé du pouvoir se posent la question de devoir se soumettre à un élu qui combat le peuple en permanence, et se dire que ne pas dénoncer cette dérive c’est tout de même se faire le complice d’une forfaiture. Ne sont-ils là que pour obéir, ou pour faire en sorte que la cohésion de notre nation ne se délite pas devant des injustices de plus en plus flagrantes, de moins en moins comprises et acceptées par une population qui jusque là reste sobrement républicaine, c’est-à-dire respectueuse d’un ordre qui ressemble de plus en plus à un désordre voulu.
Face à cette situation, inédite dans l’histoire, d’un pouvoir qui liquide le pays avec constance, la perte de sécurité et la fracture sociale s’accentuent, les Français constatant qu’ils ne peuvent plus compter que sur eux-mêmes pour préserver leurs intérêts. Les institutions censées les aider dans cette tâche leur devenant définitivement hostiles et ses représentants des adversaires farouches et malveillants dont il faut se méfier plus qu’il ne faut s’y fier. Si chaque métier recèle ses avantages et ses inconvénients, il en est qui possèdent aussi une valeur morale, qui porte en eux une obligation qui va au-delà de l’application de consignes. Cette exigence tisse le lien de confiance qu’une population doit avoir avec ceux qui ont pour mission de la protéger, comme elle doit exister entre ceux qui décident de l’impôt. Cette promesse détruite avec le politique, vient de se rompre avec les scènes hallucinantes de blindés et d’hélicoptères lancés contre des paysans, honnêtes travailleurs s’il en est. Les intéressés peuvent hausser les épaules, se dire qu’après tout ils ne font qu’obéir, qu’ils sont en cela préservés par la loi, la hiérarchie. Cela leur donne bonne conscience et clos le débat, comme si cet ultime argument pouvait les dégager de la responsabilité finale de leurs actes, faisant de ce mot « obéissance » un sésame qui exempterait son auteur de tout devoir moral.
Le problème est que cette force qui reste à la loi s’applique en plus à géométrie variable et qu’on aurait aimé voir les moyens déployés contre les paysans, déployés également contre les narco-trafiquants, contre les manifestations pro-palestiniennes interdites qui se tiennent quand même, contre les « amis de la Terre » qui au nom du climat, s’auto légitiment les pires violences. Non, force reste à la loi contre les gens d’ici qui travaillent ou qui pleurent leurs morts, comme les partisans de Thomas, avec qui on fait respecter par la puissance étatique l’interdiction de manifester. Non seulement les ordres ne sont pas les mêmes mais l’action également diffère. De quoi consommer un peu plus les ruptures entre le peuple et ceux chargés de les protéger.