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culture et histoire - Page 1320

  • IV.- Patrie et humanité

    Nous terminons aujourd'hui notre cycle "Patrie" commencé le 8 juin, destiné aux jeunes militants et à ceux qui iront au CMRDS 2015*, à partir des cours de philo d'André Bridoux (1893-1982). Voici la quatrième et dernière lecture.

    I.- Terroirs et frontières
    II.- Race, langage
    III.- Coutumes et communauté
    IV.- Patrie et humanité

    Nous terminons aujourd'hui notre cycle "Patrie" commencé le 8 juin, destiné aux jeunes militants et à ceux qui iront au CMRDS 2015*, à partir des cours de philo d'André Bridoux (1893-1982). Voici la quatrième et dernière lecture.

     

    Préambule

    L'année 1709 où le royaume de France est très menacé par la coalition des Anglais, Autrichiens et Hollandais dans la Guerre de Succession d'Espagne, Louis XIV appelle au sursaut la nation en ces termes : « Quoique ma tendresse pour les peuples ne soit pas moins vive que celle que j'ai pour mes propres enfants, quoique je partage tous les maux que la guerre fait souffrir à des sujets aussi fidèles, que j'aie fait voir à toute l'Europe que je désirais sincèrement les faire jouir de la paix, je suis persuadé qu'ils s'opposeraient eux-mêmes à la recevoir à des conditions également contraires à la justice et à l'honneur du nom français ». (texte intégral de l'appel du 12 juin 1709 lu dans les 39000 paroisses de France). En 1711, ce sera Denain ! Mais la force de cohésion et de riposte de la vieille nation gauloise doit être canalisée. A défaut, elle peut être dévastatrice comme l'ont montré les guerres européennes de la Révolution et de l'Empire. Voici ce qu'en dit Bridoux en 1944 :

    41.- Nécessité de son éducation : Patrie et Humanité

    Comme les sentiments familiaux, l'amour de la patrie doit être soumis à une éducation morale. Lorsqu'il est abandonné à lui-même, à plus forte raison lorsqu'il est soumis à des excitations imprudentes, il s'exaspère aisément ; il peut alors aveugler l'homme et l'entraîner à l'impérialisme, à la haine de l'étranger, au mépris des sentiments humains. Nous trouvons un excès de cet ordre dans le fameux vers de Corneille : «Albe vous a nommé, je ne vous connais plus.» Lorsqu'il est indiscipliné au contraire, loin de compromettre en nous les sentiments pacifiques et humains, il en facilité l'éclosion. 

    D'abord, on doit y puiser le ferme propos de ne jamais offenser la patrie des autres. Surtout, la patrie peut et doit être l'école de l'humanité ; c'est dans son atmosphère que nous faisons l'apprentissage de sentiments et des vertus qui pourront ensuite être étendus au-delà des frontières. Comment aimer les hommes si on ne les aime pas d'abord dans ses compatriotes ? Qu'on le veuille ou non, l'homme n'est pas un idéal abstrait ; il appartient à une patrie, comme à une famille ; on ne le trouve que là. Dans les relations humaines, il faut nécessairement compter avec les patries.

    Le sentiment d'appartenir à une patrie indépendante et prospère est dans l'âme d'un homme la pièce principale, la clef de voûte. Quand cette pièce vient à manquer, c'est-à-dire dans la ruine de la patrie, tout s'effondre. Le salut de la patrie maintient tout.

    Il y a peu de choses qui soient au-dessus de l'amour de la patrie et des devoirs qui lui correspondent. Clemenceau disait : «J'ai connu le monde, eh bien, pour moi ce qui compte, c'est l'amour de la France.» Peut-être n'y a-t-il rien de plus émouvant dans notre histoire que la visite qu'il fit en juillet 1918, dans les lignes de Champagne, aux troupes sacrifiées qui devaient faire face à la dernière offensive. Dans un des postes les plus menacés, les soldats lui offrirent un petit bouquet de fleurs des champs : «Mes enfants, leur dit-il, ces fleurs iront dans mon cercueil.» On sait qu'il a tenu parole.

    42.- La nation est une âme, un principe spirituel

    Avec le temps, les enfants d'une même patrie sentent de plus en plus la force du lien qui les unit. Ils acquièrent une sensibilité commune, ils sont rapprochés par les mêmes souvenirs et les mêmes espérances, ils sont animés d'un vouloir-vivre commun. A la longue ils prennent conscience de n'avoir qu'une seule âme, d'être une seule personne, de former une nation. La nation est un être collectif, qui possède néanmoins l'unité sprituelle, comme la personne, et qui en prend conscience. Nul ne l'a mieux dit que Renan, dans une page justement célèbre... Ndlr : que tous les royalistes connaissent par coeur (le fameux texte de 1882 est ici). 

    (*) Camp Maxime Real del Sarte organisé chaque été par l'Action française depuis 1953. Il se tiendra cette année au château d'Ailly, à Parigny (Loire) près de Roanne, du 17 au 23 août 2015.

    43.- Conclusion du cycle

    S'achève ici le cycle de quatre lectures préparatoires au CMRDS 2015. On peut aussi s'en passer et y aller quand même. Plutôt que de vous soumettre un résumé de synthèse dans le procédé académique, le Piéton du roi vous fait part en conclusion d'une réflexion métaphysique qui laisse aujourd'hui douter de l'élan du sacrifice patriotique.

    Dans les siècles passés, l'espérance de vie des gens en nos contrées était la moitié de celle d'aujourd'hui. On pouvait donc attendre la force de l'âge et disparaître par après, naturellement. La force de l'âge était aussi celle de combattre à la guerre et, même si l'envie de vivre aussi longtemps que possible existait bien sûr, le risque d'abréger une vie pas si longue finalement laissait accepter le risque de la perdre. On prête aux Sioux de Little Big Horn un orgueil raisonné dans la fameuse phrase «C'est un beau jour pour mourir!» mais on ne se disputera pas pour savoir si elle ne fut pas prononcée aussi sur bien des champs de bataille d'Europe s'il faisait beau et quand on se tuait à la main. L'expression courante utilisée pour tuer son adversaire était d'ailleurs de le "dépêcher".

    La société moderne a sacralisé la vie en voulant faire oublier par maints artifices à tous ses consommateurs leur fin inéluctable. L'instinct de survie de l'espèce est un renfort appréciable du mercantilisme, et pour tromper son monde jusqu'au bout on en vient même à embaumer les cons. Dans cet environnement qui pousse à vieillir le plus longtemps possible (certains disent "vivre vieux" mais la vérité c'est "vieillir" pour finir dans des branchements de tuyaux) il me semble hasardeux d'appeler au sacrifice la nation comme Louis XIV avait su le faire avant la bataille de Malplaquet.

    Les témoins de la mobilisation de 1939 me l'avaient confié : dans les trains de mobilisés, c'était bien plus la résignation que l'enthousiasme de 14, état d'esprit défaitiste que les observateurs mettront sur le compte des pertes de la Grande Guerre qui avaient touché toutes les familles, toutes les villes et villages : cette nation était déjà trop morte pour remettre ça ! Sans préjuger donc de la prochaine mobilisation, je crains que le ciment de la patrie ne s'effrite bientôt, non tant par les coups de boutoir des étrangers qui sont bien réels, que par la résignation des nationaux. Les patries meurent aussi, dit André Bridoux. Ceux qui accourent à nos frontières ont pour beaucoup perdu la leur.

    http://royalartillerie.blogspot.fr/2015/07/iv-patrie-et-humanit.html

  • Jeanne, l'essence de la France

    Alain Bournazel raconte l'équipée de Jeanne d'Arc, dont il révèle le génie militaire. En pédagogue, il replace cette épopée dans l'ensemble de la grande histoire de France.

    Quand un historien, chef de collection aux Presses universitaires de France, rencontre un autre historien, spécialiste de l'histoire militaire, quand, de plus, l'un et l'autre sont de grands défenseurs de la nation française, cela donne un magnifique hommage à notre héroïne nationale. C'est ainsi que nous nous réjouissons de la publication de la Jeanne d'Arc (1412-1431)  d'Alain Bournazel, dans la collection Figures et Plumes que dirige le professeur Jean-Paul Bled. La sainte de la patrie rejoint donc, entre autres, Homère, Socrate, Jules César, Charlemagne dans une collection facilement accessible aux étudiants.

    Guerre de Cent ans

    Certes, les livres sur Jeanne d'Arc sont aujourd'hui légion, mais celui d'Alain Bournazel n'a pas son pareil pour replacer de façon très pédagogique l'épopée de Jeanne dans l'ensemble de la grande histoire de France. La longue guerre entre la France et l'Angleterre ne se comprend qu'en remontant à 1066, année où Guillaume de Normandie, vassal du roi de France, devint roi d'Angleterre. Un roi qui devait quand même toujours l'hommage au roi de France ! Situation qui se compliqua au fur et à mesure que les alliances matrimoniales ajoutaient à la puissance du roi anglais, lequel interprétant les lois dynastiques à son profit se mit à revendiquer la couronne de France. Ce fut alors la guerre de Cent ans qui mit la France en grand péril jusqu'au honteux traité de Troyes (1420) lequel réduisit les possessions du dauphin Charles à quelques territoires au sud de la Loire. Les Anglais avaient déjà assiégé Orléans. Humainement la situation était désespérée.

    L'exploit inespéré d'Orléans

    C'est alors qu'apparut une jeune fille de dix-sept ans, venue de Domrémy, en Lorraine. Alain Bournazel reprend toutes les étapes de l'équipée extraordinaire, mais en connaisseur il révèle le génie militaire de la jeune fille qui, ignorant les bien-pensants au bon sens borné, délivra Orléans le 8 mai 1429 : « Le siège durait depuis sept mois ; dix jours suffirent à Jeanne pour libérer la ville. L'exploit inespéré, inconcevable d'une femme, d'une paysanne, venue de sa lointaine province pour s'imposer parmi les hommes, dans le métier des armes, avait de quoi éberluer les cours, les villes et les chaumières. Dieu ou le diable, on quittait l'ordre naturel des choses. »

    En fait on le quittait pas, on le voyait de plus haut, car Jeanne gardait les pieds sur terre tout en regardant le ciel. La preuve : sa volonté sans faille de partir aussitôt faire sacrer le roi Charles à Reims. Il fallait rétablir l'ordre normal des choses pour que la France recouvrât l'autorité, l'unité et l'espérance. Sans quoi l'on n'aurait pas chassé les Anglais...

    Là encore la plume experte d'un militaire retrace les campagnes prodigieuses qu'eut à mener celle qu'on appelait alors la Pucelle d'Orléans tant sur la route de Reims que dans les mois suivants. Jusqu'à sa capture à Compiègne le 23 mai 1430, suivie de son ignoble procès où sa foi sublime bien ancrée en son patriotisme lui dicta de si courageuses réparties. Puis la condamnation et le bucher à Rouen le 30 mai.

    Le catalyseur de l'unité nationale

    Ses juges, tous du parti de l'étranger, avaient cru confondre une "sorcière", mais ils n'eurent pas le dernier mot, car dès que les Anglais furent partis, vers 1450, Charles VII fit ouvrir une information en vue de la révision du procès. Cela aboutit à sa canonisation le 16 mai 1920 et à l'institution de la fête nationale de Jeanne d'Arc le 10 juillet de la même année. Mais depuis déjà fort longtemps Orléans fêtait chaque année le souvenir de sa délivrance, tandis qu'à Paris, renforcé encore par la guerre de 1914-1918, le culte de l'héroïne nationale animait les coeurs français. M. Bournazel aurait pu signaler ici le rôle déterminant et périlleux que joua l'Action française au début du XXe siècle dans ce renouveau du culte de Jeanne.

    Il termine toutefois ce beau petit livre magnifiquement illustré et qui pousse à redécouvrir cet événement essentiel de notre histoire, en rappelant que la sainte de la patrie est « consubstantielle à l'idée même de la nation française qui prit conscience d'elle-même en se rassemblant autour de la puissance royale ». Il ajoute qu'en ce Moyen Âge finissant où la société se fissurait et se cherchait en de nouvelles structures, elle apparaît comme « l'essence de la France ». Suivre ce « puissant catalyseur de l'unité nationale », c'est assurément reprendre confiance en Dieu qui n'abandonnera jamais la France tant qu'il y aura des Français prêts à donner leur vie pour elle.

     

    Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000  du 2 au 15 juillet 2009

  • Les dix commandements du libéralisme

    La recomposition en cours est d’ampleur, et ne constitue rien moins qu’une véritable révolution anthropologique, qui se déploie partout et à chaque instant. Ce bouleversement est si radical que toute notre culture et notre monde se voient comme retournés de l’intérieur : 
         - En art, la transgression permanente (de quoi ? pour quoi ?) est devenue la règle, au point que le bluff cynique est ce qui fait tenir l’ensemble du dispositif spéculatif agrégé autour de cette vaste supercherie. (« Même si l’on ne comprend rien, c’est peut-être très profond, donc ne risquons pas de paraître réactionnaire en disant que c’est nul. ») Le retournement de l’œuvre opéré par Duchamp (« Vous voyez cet urinoir ? Eh bien puisque vous le regardez dans une exposition, c’est donc que c’est une œuvre : prenez conscience que c’est vous, spectateurs, qui octroyez la valeur artistique aux choses. ») est devenu un dogme, s’accordant d’ailleurs parfaitement avec les exigences égotiques du marché, qui ne s’occupe guère de la qualité des produits, tant que ça se vend. 
         - A l’école, l’absence de figure d’autorité contre (et même tout contre) laquelle l’élève peut se construire empêche la formation de réels individus émancipés, capables de jugement critique relativement à des savoirs arrêtés, bien que nécessairement en partie arbitraires, qui leur auraient été donnés. Pierre Bourdieu et son analyse de la reproduction sociale est alors sous le feu de la critique. S’il est indéniable que des rapports de classe traversent profondément l’institution scolaire, Dufour refuse de la réduire à cela, précisément parce que l’élévation a toujours été le moyen de la pédagogie depuis l’Antiquité, visant avant tout à apprendre aux jeunes humaines à réfréner leurs pulsions afin d’être en mesure de vivre en société. Désormais, des générations entières d’élèves sont donc sacrifiées aux seuls vrais parents qui les éduquent en les rabaissant : la télévision, Internet et le marché, main dans la main. - La sexualité devient contrat libéral dans le mouvement même où elle est intégrée au marché pour qu’en soient tirés de juteux profits : un site internet pornographique moyen génère de 10 000 dollars à 15 000 dollars par jour, voire jusqu’à 100 000 dollars pour les plus performants, et chaque seconde, 28 858 internautes et 2 304 € atterrissent sur les portails du sexweb 2.0. 
          - Avec les grands Sujets, les distinctions fondatrices pour l’organisation humaine s’estompent aussi, à commencer par la différence sexuelle et générationnelle. Le marché a besoin d’enfants capricieux prêts à céder à leurs pulsions consuméristes et consumatoires, et consacre logiquement la figure de l’adulescent (« l’adulte-adolescent »), qui à 40 ans aime toujours les superhéros, les dessins animés, les gadgets et les bonbons. Relativement à la distinction sexuelle, Dufour s’en prend aux théories queer, qui prétendent brouiller les identités de genre (masculin/féminin) sans s’attaquer aux fondements de la domination des femmes par les hommes. 
     
    Le Divin Marché analyse les Dix Commandements du libéralisme : 
    1. Tu te laisseras conduire par l’égoïsme. 
    2. Tu utiliseras l’autre comme un moyen pour parvenir à tes fins. 
    3. Tu pourras vénérer toutes les idoles de ton choix, pourvu que tu adores le Dieu suprême, le Marché. 
    4. Tu ne fabriqueras pas de Kant-à-soi visant à se soustraire à la mise en troupeau. 
    5. Tu combattras tout gouvernement et tu prôneras la bonne gouvernance. 
    6. Tu offenseras tout maître en position de t’éduquer. 
    7. Tu ignoreras la grammaire et tu barbariseras le vocabulaire. 
    8. Tu violeras les lois sans te faire prendre. 9. Tu enfonceras indéfiniment la porte ouverte par Duchamp. 
    10. Tu libéreras tes pulsions et chercheras une jouissance sans limite. 
     
    Guillaume Carnino, « Dany-Robert Dufour, une psychanalyse du libéralisme », inRadicalité, 20 penseurs vraiment critiques

  • Puissante et incontrôlée - La Troïka

    L’enquête « Puissante et incontrôlée : la troïka » du journaliste allemand Harald Shuman dissèque l’organisme le plus puissant en Europe, bien que constitué de hauts fonctionnaires non élus : la Troïka. Celle-ci a imposé des mesures d’austérité partout en Europe, jusqu’à provoquer de véritables catastrophes socio-économiques et sanitaires, comme en Grèce. Fruit d’un an d’investigation, le reportage dresse un bilan de ces politiques sur les peuples et mène une enquête sur les prises de décisions arbitraires et le fonctionnement anti-démocratique de la Troïka.

    A noter : Une interview de Yánis Varoufákis avant d'être premier ministre (2014)

     

     http://www.agoravox.tv/tribune-libre/article/puissante-et-incontrolee-la-troika-50521

  • La Mafia rouge : butin de guerre

    Au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, un impressionnant butin de guerre est confisqué en Allemagne et rapporté en URSS. De la machinerie lourde aux tableaux de grands maîtres, les Soviétiques font main basse sur tout ce qu’ils peuvent trouver. Ces « réparations » de guerre deviennent une source illégale de revenus pour les hauts gradés soviétiques. Une rivalité émerge ainsi entre le haut commandement de l’Armée rouge et l’entourage de Staline.

     


    La mafia rouge : "Butins de guerre". [Docu***] par stranglerman

    http://fortune.fdesouche.com/

  • Une étrange défaite

    Quiconque a vécu les jours de décembre 2008 à Athènes sait ce que signifie, dans une métropole occidentale, le mot « insurrection ». Les banques étaient en pièces, les commissariats assiégés, la ville aux assaillants. Dans les commerces de luxe, on avait renoncé à faire réparer les vitrines : il aurait fallu le faire chaque matin. Rien de ce qui incarnait le règne policier de la normalité ne sortit indemne de cette onde de feu et de pierre dont les porteurs étaient partout et les représentants nulle part – on incendia jusqu’à l’arbre de Noël de Syntagma. A un certain point, les forces de l’ordre se retirèrent : elles étaient à court de grenades lacrymogènes. Impossible de dire qui, alors, prit la rue. On dit que c’était la « génération 600 euros », les « lycéens », les « anarchistes », la « racaille » issue de l’immigration albanaise, on dit tout et n’importe quoi. La presse incriminait, comme toujours, les « koukoulophoroi », les « encagoulés ». Les anarchistes, en vérité, étaient dépassés par cette vague de rage sans visage. Le monopole de l’action sauvage et masquée, du tag inspiré et même du cocktail Molotov leur avait été ravi sans façon. Le soulèvement général dont ils n’osaient plus rêver était là, mais il ne ressemblait pas à l’idée qu’ils s’en étaient faite. Une entité inconnue, un égrégore était né, et qui ne s’apaisa que lorsque fut réduit en cendres tout ce qui devait l’être. Le temps brûlait, on fracturait le présent pour prix de tout le futur qui nous nous avait été ravi. 
         Les années qui suivirent en Grèce nous enseignèrent ce que signifie, dans un pays occidental, le mot « contre-insurrection ». La vague passée, les centaines de bandes qui s’étaient formées jusque dans les moindres villages du pays tentèrent de rester fidèles à la percée que le mois de décembre avait ouverte. Ici, on dévalisait les caisses d’un supermarché et l’on se filmait en train d’en brûler le butin. Là, on attaquait une ambassade en plein jour en solidarité avec tel ou tel ami tracassé par la police de son pays. Certains résolurent, comme dans l’Italie des années 1970, de porter l’attaque à un niveau supérieur et ciblèrent, à la bombe ou à l’arme à feu, la Bourse d’Athènes, des flics, des ministères ou encore le siège de Microsoft. Comme dans les années 1970, la gauche promulgua de nouvelles lois « antiterroristes ». Les raids, les arrestations, les procès se multiplièrent. On en fut réduit, un temps, à lutter contre « la répression ». L’Union européenne, la Banque mondiale, le FMI, en accord avec le gouvernement socialiste, entreprirent de faire payer la Grèce pour cette révolte impardonnable. Il ne faut jamais sous-estimer le ressentiment des riches envers l’insolence des pauvres. On décida de mettre au pas le pays entier par un train de mesures « économiques » d’une violence à peu près égale, quoique étalée dans le temps, à celle de la révolte. 
         A cela répondirent des dizaines de grèves générales à l’appel des syndicats. Les travailleurs occupèrent des ministères, les habitants prirent possession des mairies, des départements d’universités et des hôpitaux « sacrifiés » décidèrent de s’auto-organiser. Et il y eut le « mouvement des places ». Le 5 mai 2010, nous étions 500 000 à arpenter le centre d’Athènes. On tenta plusieurs fois de brûler le Parlement. Le 12 février 2012, une énième grève générale vient s’opposer désespérément à l’énième plan de rigueur. Ce dimanche, c’est toute la Grèce, ses retraités, ses anarchistes, ses fonctionnaires, ses ouvriers et ses clochards, qui bat le pavé, en état de quasi-soulèvement. Alors que le centre-ville d’Athènes est à nouveau en flammes, c’est, ce soir-là, un paroxysme de jubilation et de lassitude : le mouvement perçoit toute sa puissance, mais réalise aussi qu’il ne sait pas à quoi l’employer. Au fil des ans, malgré des milliers d’actions directes, des centaines d’occupations, des millions de Grecs dans la rue, l’ivresse de la révolte s’est éteinte dans l’assommoir de la « crise ». Les braises continuent évidemment de couver sous la cendre ; le mouvement a trouvé d’autres formes, s’est doté de coopératives, de centres sociaux, de « réseaux d’échange sans intermédiaires » et même d’usines et de centres de soin autogérés ; il est devenu, en un sens, plus « constructif ». Il n’empêche que nous avons été défaits, que l’une des plus vastes offensives de notre parti au cours des dernières décennies a été repoussée, à coups de dettes, de peines de prison démesurées et de faillite généralisée. Ce ne sont pas les friperies gratuites qui feront oublier aux Grecs la détermination de la contre-insurrection à les plonger jusqu’au cou dans le besoin. Le pouvoir a pu chanceler et donner le sentiment, un instant, de s’être volatilisé ; il a su déplacer le terrain de l’affrontement et prendre le mouvement à contre-pied.On mit les Grecs devant ce chantage « le gouvernement ou le chaos » ; ils eurent le gouvernement et le chaos. Et la misère en prime. 
         Avec son mouvement anarchiste plus fort que partout ailleurs, avec son peuple largement rétif au fait même d’être gouverné, avec son Etat toujours-déjà failli, la Grèce vaut comme cas d’école de nos insurrections défaites. Cartonner la police, défoncer les banques et mettre temporairement en déroute un gouvernement, ce n’est pas encore le destituer. Ce que le cas grec nous enseigne, c’est que sans idée substantielle de ce que serait une victoire, nous ne pouvons qu’être vaincus. La seule détermination insurrectionnelle ne suffit pas ; notre confusion est encore trop épaisse. Que l’étude de nos défaites nous serve au moins à la dissiper quelque peu. 
    Comité invisible, A nos amis

  • La machine à exclure

    La République n'est pas un système de gouvernement, c'est une idée. Et cette idée a littéralement pris possession de la France depuis le XVIIIe siècle, produisant ce que l'on peut appeler non une démocratie mais une Idéocratie. Une idée... Mais quelle idée ? demande Hubert Champrun... L'idée d'un nouveau commencement... qui périme tout ce qui n'est pas lui.

    Le projet républicain fiançais est d'emblée universaliste. C'est bien la France qui change, mais cette transformation se veut radicale au point d'être une métamorphose; ses promoteurs entendent qu'elle soit fondatrice d'un ordre nouveau qui doit étendre son empire sur toutes les nations. Le nouvel État qui naît est sans doute français, mais l'adjectif désigne bien plus ce qui vient de naître - et bien plus sûrement ce qui va advenir qu'une quelconque continuité historique. On pourrait débattre de la proclamation effective de la Première République, de la Convention nationale, etc. : retenons que le projet républicain tel qu’il est immédiatement mis en œuvre est fondé sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (un des textes fondamentaux de notre actuelle Constitution), avec fameux premier article, « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits », qui abolit, il la suite du 4 août, quelques siècles de vie commune et quelques millénaires de civilisation: clergé, noblesse, métiers, villes et provinces ne sont plus rien. La Déclaration universelle des droits de homme, de 1948, reprendra la formule dans son :1e premier: « Tous les êtres humains naissent et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués raison et de conscience et doivent agir les uns les autres dans un esprit de fraternité. »

    Le premier Empire, agent révolutionnaire du dépassement des nations

    Ce que pose la déclaration de 1789 est valable déjà, pour toute l'humanité, et les révolutions ont bien en tête de prêcher à tout l'univers.

    les nations demeurent dans les discours, c'est qu'elles paraissent alors être les formes naturelles et insurpassables du vivre ensemble, les corps intermédiaires que sont les provinces étant déjà balayés et les formes d'organisation politique étrangères (principautés et autres duchés) déjà condamnées. Le premier empire, puis l'expansion coloniale du XDC% sauteront aisément le pas et dépasseront le cadre national pour proposer d'étendre un empire raisonnable sur tous les territoires qui accepteraient, volens nolens, d'être illuminés. Le territoire n'est donc plus une réalité traditionnelle mais une contingence historique : la France est un projet salvateur de l'humanité, et ses frontières ne sont pas tant celles qu'un long usage a plus ou moins consacrées, au hasard des guerres et des alliances, que le théâtre administratif de son gouvernement éclairé; mieux, ses peuples ne sont pas forcément ceux qui résident en ces territoires mais la collection des individus qui adhèrent au projet républicain. On pourrait bien sûr examiner la xénophobie évidente des révolutionnaires et de leurs épigones de plus en plus lointains : c'est oublier que la nation est d'abord un projet purement contractualiste, et que la destruction des Français et les massacres opérés par les armées révolutionnaires et impériales sont d'abord des opérations politiques nécessaires d'épuration. Ce que proclame la République nouvelle, c'est l’abolition de tous droits préexistants à ceux qu'elle reconnaît: les frontières n'ont pas d'existence, le vocabulaire n'est pas fixé, les langues doivent disparaître, les coutumes s'abolir, les êtres se réincarner en d'autres eux-mêmes, transfigurés par la foi républicaine, transmutés de sujets en citoyens, etc.

    Tout est déjà là qui animera toute la vie politique française : ne jamais réellement reconnaître au passé la moindre valeur que celle qui, ponctuellement, permet de légitimer la disparition de tout ce qui n'est pas purement républicain - toutes traditions (des manières de se tenir à table aux dogmes du catholicisme, de l'enseignement du latin au maintien d'une armée) confondues dans une même détestation.

    Et cette exigence d'adaptation permanente n'a jamais quitté la pensée des républicains qui ont gouverné la France et son empire - et encore moins les intentions de ceux qui ont jeté la France, logiquement, et avec ferveur, sur la voie de l’européanisation et de la mondialisation. La république française veut que chacun porte le projet républicain : le règne universel d'un individu parfaitement égal à tous les autres, absolument indifférencié, quitte à être perpétuellement redéfini et requis d'adhérer à sa redéfinition, sous peine d'être... au mieux exclu, au pire éliminé. Le rêve réel de la République française n'est pas l'empire mondial qu'elle régenterait mais la dissolution absolue de la France une fois obtenue l'unanimité planétaire. Cas unique, et prodigieux ! d'un régime qui ne poursuit que son anéantissement et ne consent à exister que comme moyen subordonné à sa cause.

    « Le rêve réel de la République est la dissolution de la France »

    Le pur et délirant amour d'une humanité théorique conduit ainsi la France républicaine, aujourd'hui, à nier les genres après avoir aboli ses frontières, renoncé à sa monnaie, abandonné sa législation, dissous son peuple, détruit sa religion, bref réalisé la tabula rasa la plus radicale qui soit, en pouvant avec orgueil mettre en avant qu'elle n'en tire réellement aucun profit, sinon d'être encore et toujours le phare d'une humanité nouvelle. La République française n'est ni une tyrannie, ni un totalitarisme, ni un absolutisme - même si elle en a tous les traits roides, intolérants et brutaux : elle est ce régime singulier porté par une chimère dont seuls les communistes ont rêvé, l'annihilation de toute différence, au prix de sa propre disparition. Aucun moyen n'est immoral rapporté à cette fin - et la République française s'attache donc à disparaître totalement, et son peuple avec elle. Héroïque vertu.

     

    Hubert Champrun monde & vie   10 juin 2015