culture et histoire - Page 1340
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Goldofaf - Génération Faf
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La Lorraine au carrefour de l’Europe : un destin historique entre Rhin et Meuse
Il existe à propos de la Lorraine, ainsi que de l’Alsace, une vision simpliste communément admise, qui réduirait leurs existences historiques à de simples jouets ballottés entre les mains des deux puissances allemande et française. Pourtant s’il fut nécessaire à la Lorraine de toujours composer avec les ambitions de ces deux encombrants voisins, sa position géographique et historique lui permit de jouer un rôle souvent déterminant dans l’histoire de l’Europe et donc du monde. Située (avec d’autres) à la jonction des mondes thiois et romans, entités charnelles dépassant largement le cadre des États allemands et français, la Lorraine par l’oubli de sa propre Histoire et par l’idée de son impuissance face à son destin, se condamne à rester confinée dans le rôle stérile et annihilant de frontière éternelle alors qu’elle est un centre. Si avec l’Alsace, on la prétend l’enjeu d’une réconciliation entre Allemagne et France, ce n’est en réalité qu’avec sa propre réconciliation entre ce qu’elle a d’allemand et ce qu’elle a de français, ou plutôt ce qu’elle a de Teutsch et de Frank, la traduction de ces deux mots franciques mis ensembles signifiant “peuple libre”, que la Lorraine peut renouer avec son destin de moteur d’une coopération thioise et romane sans l’intermédiaire d’une tutelle protectrice.
De la Lotharingie au Duché de Lorraine
La naissance de la Lorraine se confond avec la création du Saint Empire Romain et Germanique, puisqu’elle en fut un des duchés constitutifs. Pourtant, le mythe fondateur de son indépendance remonte incontestablement à la création, en 843 lors du traité de Verdun, du Lotharii regnum, domaine de Lothaire, l’aîné des trois petits-fils de Charlemagne. La Lotharingie que beaucoup ont considéré par intérêt comme une aberration géographique tirait pourtant sa légitimité de la réunion des anciens royaumes Burgonde incorporé aux conquêtes franques en 534 et d’Austrasie séparé en 511 de la Neustrie. Mais la mort sans descendance de Lothaire II, fils du précédent, allait rapidement sonner le glas du royaume et entre 870 et 879, aux traités de Meersen et de Ribemont la Lotharingie du Nord, menacée d’annexion simple par Charles le Chauve, amputée de la Bourgogne et de la Provence érigées temporairement en un royaume indépendant, allait être entièrement cédée aux héritiers de Louis le Germanique et transformée en duché. Rattachée au royaume de Germanie, la noblesse lotharingienne, déjà soucieuse du maintien de son autonomie fait appel à l’arbitrage du roi de France Charles le Simple qui annexe tout simplement le duché en 911. Après le revirement des nobles, elle sera réintégrée en 925 à la Germanie par Henri Ier l’Oiseleur qui fait nommer duc en 928, son gendre Gilbert, fils de l’un des plus puissants hommes de Lotharingie, Rainier de Hainaut. En 959, le duché est séparé en deux : la Basse et la Haute-Lorraine qui deviendra la Lorraine proprement dite. En 1048, Gérard d’Alsace, devenu premier duc héréditaire de Lorraine allait permettre au pays de connaître une relative stabilité puisque sa dynastie allait se maintenir en ligne directe pratiquement sans interruption pendant plus de 700 ans.
Des liens indéfectibles avec le Saint-Empire
Bâtie sur le même modèle que les autres duchés impériaux, la puissance lorraine est modérée par des terres épiscopales : Metz, Toul et Verdun dont les évêques nommés par l’Empereur lui sont dévoués, et par des puissants comtés : Bar, Vaudémont, Salm, échouant d’une manière générale aux branches cadettes. Les liens des ducs de Lorraine avec l’Empire semblent indéfectibles au cours des 300 premières années ; soutien de Thierry Ier de Lorraine à l’empereur Henri IV, liens matrimoniaux entre Mathieu Ier et la sœur de Frédéric Barberousse, alliance militaire avec Othon IV à Bouvines, soutien de Ferry II et Mathieu II à Frédéric II lors de sa déposition papale, soutien de Ferry III à Albert d’Autriche.
Mais avec le début de la colonisation allemande à l’Est et la reprise du commerce maritime, la Lorraine cesse d’être un important lieu d’échange, de plus la montée en puissance et le rayonnement de la France allait influencer profondément les populations romanophones de l’Empire (Ferry IV périt pour la France devant Cassel et Raoul le Vaillant s’en alla mourir avec la Chevalerie française à la bataille de Crécy) et bientôt Philippe le Bel put prendre Toul sous sa protection et imposer sa suzeraineté sur les territoires barrois de la rive ouest de la Meuse (NDLR : Dont le fief de Domrémy, qui en 1412 dépendait de la châtellenie de Vaucouleurs, propriété de la couronne de France depuis 1365 et faisait de ses habitants des sujets du roi, sans aucun rapport avec la Lorraine !!!). Cette terre dite “Barrois mouvant” allait être le levier du Drang nach Osten des ambitions françaises (NDLR : stratégie qui sera reprise par Richelieu qui avec l’Alsace put intervenir dans les affaires impériales et par le Komintern dont les soviets d’ouvriers placés dans les pays voisins purent appeler l’URSS à l’invasion ; faut-il aussi rappeler les mafias albanaises qui ont permis aux mafias social-démocrates d’occident d’envahir une partie de la Yougoslavie : Droit d’ingérence, quand tu nous tiens !!!) et dès lors les appétits des rois de France n’auront plus aucune satiété jusqu’à l’éradication totale de l’indépendance lorraine.
La politique française en Lorraine a permis à l’aîné d’une dynastie cadette de la Maison royale, René d’Anjou, duc de Bar par sa mère Yolande d’Aragon héritière du comté de Bar, d’épouser la fille de Charles Ier, mort sans héritier mâle, et de devenir duc de Lorraine. La France saura immédiatement tirer profit de cette alliance car René Ier est hostile aux Bourguignons autant par adhésion aux nécessités lorraines que par atavisme français : Autre Maison cadette des Valois, remontant à Philippe le Hardi, les ducs de Bourgogne s’éloignent de la France et nient leur vassalité d’autant plus que le duché devient une puissance de renommée internationale et acquière des terres dans le Saint Empire. La Bourgogne est une menace pour l’existence même de la France. Battu à Bulgueville en 1431, le duc de Lorraine et de Bar est fait prisonnier. Prétendant venir à son aide, le roi de France intervient mais est bloqué en 1468 devant Metz par les troupes lorraines refusant plus que jamais de tomber sous le joug français.
Le “Grand Duc d’Occident”
Le règne des Anjou en Lorraine ne sera qu’un intermède de trois générations et de la même façon qu’ils avaient acquis la Lorraine par alliance, la dignité ducale échoit au fils de Ferry II de Vaudémont, d’une branche cadette de la Maison de Lorraine, qui épouse Yolande d’Anjou. Mais la Lorraine est menacée par la politique anarchique du nouveau duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, qui après avoir visé la couronne impériale, veut réunir ses terres éparpillées en annexant la Lorraine. Cette politique du grand duc d’Occident visait à terme le rétablissement d’une nouvelle Lotharingie érigée en royaume indépendant. Mais le duc, mauvais diplomate et exécrable tacticien profite de l’inexpérience du jeune duc René II pour parader à Nancy et entre en Alsace en conquérant, bafouant les droits des Suisses dans le Sundgau. Rapidement une coalition armée réunit ces trois nations humiliées et en 1477 le Téméraire est battu et tué devant Nancy par les troupes du comte de Sohn, maréchal de Lorraine. Ainsi ce sont paradoxalement les principales nations concernées qui anéantissent la réalisation d’une ouvre lotharingienne qui aurait totalement changé la face du monde. Et ceci pour le plus grand bénéfice des Capétiens qui annexent les territoires de Bourgogne et tentent de faire subir le même sort mais sans y parvenir pour l’instant à ceux qui se trouvent en territoire impérial. La France vient d’augmenter son territoire à moindre frais et surtout, une fois La Bourgogne disparue les Français voient se prolonger devant eux un pont d’or qui les mènera jusqu’aux portes de Lorraine, le prochain objectif du nord-est.
Un duché “libre et non incorporable”
En revendiquant la couronne impériale, François Ier, qui s’alliera à la Turquie pour attaquer l’Empire sur deux fronts, ne fit qu’annoncer la couleur de ses ambitions à l’Est alors que les ducs de Lorraine avaient eu soin d’annoncer leur neutralité. Les événements leur permettront même d’obtenir leur indépendance totale vis-à-vis de l’Empire en déclarant à Nuremberg en 1542 le duché “libre et non incorporable”, seul un devoir de fidélité le lie encore à l’Empire, à l’instar de la ville de Metz qui avait accueilli en ses murs Charles-Quint en 1541. Pourtant l’indépendance du duché lorrain n’empêchera pas les troupes d’Henri II de s’emparer des évêchés lorrains par surprise, profitant de la brouille survenue entre l’Empereur et l’électeur Maurice de Saxe. Elles bénéficieront même de la trahison d’un Lorrain, puisque ces troupes seront commandées par le duc François Ier de Guise, duc d’une branche cadette des Lorraine et dont les ambitions françaises ne seront pourtant pas à la hauteur du destin impérial des aînés lorrains (voir notre petite note ci-après).
Pendant la guerre de Trente ans, le duc Charles IV refuse de s’allier à la France contre l’Empire. Richelieu ne lui pardonnera pas. L’occasion prétexte en sera les combats menés par le duc contre les Suédois, alliés protestants des Français catholiques et ennemis de l’Empereur, venus ravager la région. Ce sera le prétexte à l’invasion notamment par le sinistre Henri de Turenne qui aura lieu en 1633. Réfugié de l’autre côté du Rhin, Charles IV devient maréchal d’Empire et tente en vain de libérer son duché occupé par les armées de Louis XIII. La Lorraine est saccagée et perd 50 % de sa population. Le désastre est tel qu’un chroniqueur de cette l’époque déclare : « La Lorraine était le seul pays du monde qui eut donné à l’univers un spectacle plus horrible que celui du dernier siège de Jérusalem ». Si le traité de Saint-Germain-en-Laye lui restitue en partie ses possessions en 1641, Charles IV doit encore mener une guerre larvée. Seuls quelques îlots de résistance persistent (Cf. article de V. Lalevée). En 1647, tout est fini. Si le traité de Westphalie reconnaît l’indépendance de la Lorraine — mais l’occupation française durera treize ans encore —, en accordant à la France la possession de l’Alsace, de la Sarre et des places fortes de Longwy et de Sierck ainsi que des trois évêchés, il enfermait la Lorraine dans un étau. Le répit ne durerait que le temps mis pour annexer la Franche-Comté entre autres. C’est ensuite le traité de Vincennes en 1661 qui rend au duc ses États mais le répit sera de courte durée. Charles IV refuse le protectorat que Louis XIV avait cru pouvoir lui imposer et les guerres et l’occupation du duché reprennent. Charles IV avait dû abdiquer en faveur de son frère Nicolas François et à la mort de celui-ci, Charles V, également maréchal du Saint Empire devient le nouveau duc titulaire mais ne mettra jamais les pieds dans son duché. Mort en 1675, Charles IV aura toutefois la satisfaction de battre à Konzerbrücken le maréchal de France Turenne venu ravager le Palatinat et l’Alsace révoltée et ralliée à l’Empire après l’annexion par la France de la ville libre de Strasbourg. De son côté, Charles V en tant que maréchal des armées impériales ira également défendre les frontières orientales. Les Turcs, encore une fois alliés objectifs du royaume de France, assiègent Vienne et menacent toute la Chrétienté. À la tête d’une coalition d’armées germano-slave et en compagnie du prince Eugène de Savoie, autre fidèle de l’Empire originaire d’une région romanophone également issue de la mythique Lotharingie, il délivre Vienne en 1683 puis Bude en 1686 amorçant un recul des bandes musulmanes qui ne prendra fin qu’en 1922 (NDLR : mais il existe un mouvement inverse depuis les années cinquante avec pour point culminant la triste date de 1999 où la valetaille social-démocrate encourage une invasion américano-turque de l’Europe).
La fin de l’indépendance lorraine
Enfin en 1697, le traité de Ryswick rend le duché de Lorraine au fils de Charles, Léopold après vingt-sept ans d’occupation française. Le duc est accueilli dans la liesse générale, incontestable témoignage de l’attachement des Lorrains à leur indépendance et leurs ducs. Mais la guerre de succession d’Espagne, de 1701 à 1714 fournira le prétexte à la France pour encore une fois pénétrer sur le territoire ducal afin d’apporter des troupes dans la place forte de Sierck et combattre Les armées coalisées anglaises et impériales commandées par le duc de Marlborough et Eugène de Savoie. En 1728, la neutralité perpétuelle du duché est reconnue par la France, le Saint Empire et l’Angleterre. Mais la guerre de succession de Pologne fournira un nouveau prétexte à Louis XV pour fouler la neutralité lorraine qu’il avait lui-même reconnue — comme l’avait été avant la neutralité perpétuelle de la Franche-Comté. Pour se venger des Autrichiens et des Russes qui avaient préféré installer Auguste III de Saxe sur le trône polonais plutôt que son beau- père, Stanislas Leszcsynski, Louis XV occupe la Lorraine à titre de terre d’Empire alors que son indépendance avait été assurée en 1542. Obligé de fuir, le jeune duc François III se réfugie en Autriche puis épouse en 1736 Marie-Thérèse d’Autriche future héritière de la couronne impériale. Sur intervention de la France, le prochain empereur sous le nom de François Ier de Habsbourg-Lorraine doit abandonner en 1735 son duché au profit du roi sans royaume Stanislas devenu le nouveau duc de Bar et de Lorraine. Simple pantin entre les mains françaises, la baudruche polonaise transmettrait en viager “son” domaine à la France à l’heure de sa mort qui surviendra en 1766. En réalité le pays était commandé par un Français, Chaumont de la Galaizière, Stanislas se contentant d’être le paravent pour préparer calmement la domination française. Certains Lorrains refusent d’être “vendus comme porcelets” aux Français. À leur tête, Charles Alexandre frère du dernier véritable duc lorrain. En 1744, il épouse Marie-Anne, sœur de Marie-Thérèse et gouvernante des Pays-Bas mais auparavant et pendant deux ans, il va profiter de l’attaque coalisée des Français et des Prussiens contre l’Autriche pour tenter de récupérer son bien. D’autres résistants Lorrains l’accompagneront dans sa tentative désespérée comme le colonel Jean-Daniel de Menzel, qui rêvait de lancer ses hussards. sur Paris mais mourra d’une blessure reçue sur les bords du Rhin en 1744. Le roi de Pologne fuit rapidement vers Paris et le sort des armes semble d’abord favorable au prince Charles Alexandre. Mais, malgré la défection des Prussiens, Charles qui s’apprêtait à déferler sur la Lorraine est rappelé en Bohème et doit abandonner définitivement sa terre natale.
Ainsi se termine l’histoire de la Lorraine indépendante. Une nouvelle phase, celle de l’assimilation à la France tant combattue va s’enclencher et le résultat sera finalement assez probant, vu le nombre de Lorrains érigés en défenseurs sincères de la République française. La Maison de Lorraine, elle, est retournée à sa source, puisque le fondateur Gérard d’Alsace était issu d’une branche cadette de la Maison de Habsbourg, faisant d’eux La plus ancienne famille régnante en ligne directe. Mais, comme le rappelle Jean-Marie Cuny dans l’entretien qu’il nous a accordé, jamais les descendants des ducs de Lorraine n’ont oublié leur ancienne patrie.
► Frédéric Schramme, Nouvelles de Synergies Européennes n°51, 2001
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Nuit, Silence et Amulettes… par Champsaur
Tiré du site « lafautearousseau »
A Fort Meade, au plus près des oreilles de la NSA
Etonnements, indignations, imprécations, tartufferie et cris d’orfraies ont suivi les pseudo « révélations » de Libération et Médiapart, Edwy Plenel et Laurent Joffrin réunis. Et dans cette affaire, tout est posture et gesticulation. Les grandes oreilles ne se sont pas ouvertes d’hier, pour les besoins de la communication et de la réclame des protagonistes.
Le jeudi 14 novembre 2013, nous avions publié dans Lafautearousseau une note fort intéressante signée Champsaur et qui avait pour titre : «Nuit, Silence et Amulettes… ».
L’actualité nous y ramène. Extraite des riches archives de notre site, cette étude nous paraît tout aussi pertinente qu’elle l’était il y a deux ans. LFAR •
L’auteur a passé une quinzaine d’années dans les Services Spéciaux français, dans des activités opérationnelles, SDECE nom changé en DGSE. C’est donc perplexes et éberlués que nous sommes nombreux à avoir observé le déluge sur des activités de la NSA, sigle ne signifiant nullement Nuit, Silence et Amulettes, mais National Security Agency.
Ce département de la communauté du renseignement américain est très connu des professionnels ainsi que de la littérature spécialisée, ce qui représente au niveau international beaucoup de monde. Même s’il ne l’est pas du grand public …
Et donc cette vague d’étonnements, de surprises feintes, d’indignations théâtrales, d’affabulations accusatrices ont certes occupé des pages et des heures de média, mais sans que l’on perçoive le but de cette agitation, qui de toute évidence ne modifiera pas l’utilisation intensive de moyens techniques sophistiqués pour la promotion des intérêts des États Unis d’Amérique.
http://www.liberation.fr/monde/2013/06/26/a-fort-meade-au-plus-pres-des-oreilles-de-la-nsa_914019
Les Services Spéciaux ont toujours cajolé des devises ronflantes. La DGSE affiche un Nox generat lumen, ou Ad augusta per angusta. La NSA américaine « They serve in silence ».
Il est très cocasse de lire ou d’écouter des anciens des Services français, ayant vaguement tenu des postes de responsabilités, venir doctement offrir des explications, alors qu’ils furent plutôt inexistants lorsqu’ils étaient en fonction…
Un peu de vocabulaire
Une série de synonymes : codage et code secret, chiffrement et chiffre, encryptement, cryptologie, les mêmes mots pour désigner l’action rendant illisible un message. Une fonction d’un service d’écoute est de « décrypter » le signal intercepté. C’est donc la course entre l’épée et le bouclier. Il est important de souligner que la France possède depuis l’origine de cette fonction (vers 1900) les meilleurs spécialistes des codes secrets, spécifiquement en la personne des mathématiciens des laboratoires de mathématiques de Normale Sup et de l’X, tel Jacques Stern.
Jacques Stern
http://www2.cnrs.fr/presse/communique/947.htm
Classifié : c’est la mention attribuée à une information qui décide de son niveau de confidentialité et du droit à son accès, protégé par la Loi. Les échelles de classification sont variables selon les pays. Peu d’industries en sont pourvues.
Les natures du signal à transmettre, il n’y en a que trois : voix, texte ou image.
Les supports : il n’y en a que deux, le fil (aujourd’hui la fibre optique), et les ondes, transitant majoritairement par satellites.
Il n’y a que trois manières de récupérer du renseignement, ce que Richard Nixon appelait les Arts de la nuit :
• Par source humaine (donc un agent qui trahit; un de nos maîtres nous enseignait que recruter un agent, c’est fabriquer un traitre);
• Par intrusion clandestine dans des locaux;
• Enfin par moyens techniques, autrement appelés interceptions.
En dernière analyse, il n’y en a pas d’autres.
Un peu d’histoire
La NSA américaine fut créée formellement en Novembre 1952, en agrégeant plusieurs services d’écoutes qui fonctionnaient depuis l’entrée en guerre des États-Unis.
(Lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/National_Security_Agency)
Avec le Projet Manhattan (fabrication de l’arme atomique), la nécessité apparut de renforcer la protection du secret contre l’espionnage soviétique dès le début des recherches (1942). Un des résultats le plus connu fut l’arrestation et l’exécution des espions soviétiques Julius et Ethel Rosenberg, les États Unis préférant essuyer une violente campagne des relais de Moscou plutôt que de dévoiler la source de leurs informations (en l’espèce les interceptions radio).
Notons que la NSA n’a jamais réellement caché la puissance de ses moyens et son efficacité. L’action la plus spectaculaire vers le public ayant été en Juillet 1995 la déclassification de quelques archives (autour de 2.900 télégrammes soviétiques du KGB vers des illégaux aux USA, une goutte d’eau) de l’opération Venona, avec parfois des pseudonymes transparents (confirmation que Pierre COT était un agent soviétique), et d’autres conservant leur mystère (un ou une collaboratrice immédiate de De Gaulle à Alger en 1943, source soviétique, et identité connue des seuls Américains).
(Lien : http://fr.wikipedia.org/wiki/Projet_Venona)
Au cours des cinquante dernières années la proportion de renseignements obtenus par moyen techniques a considérablement augmenté, représentant par exemple 90% de la production de la DGSE. La raison en est la facilité, moins dangereux que les deux autres procédés. De surcroit intercepter des ondes ne relève pas de l’atteinte à la vie privée. D’où la considérable montée en puissance de la NSA. Qui se chiffre par son budget. On répertorie seize services de renseignement américains pour un budget de 53 milliards $ (soit presqu’exactement la totalité du budget de la défense français; à noter que l’activiste américain Steve Aftergood avance le montant de 75 milliards $ …). Dans cette enveloppe la NSA pèse 11 milliards $, ce qui est absolument considérable (soulignons la disproportion avec le budget total de la DGSE soit 780 millions $, plus 73 millions $ de fonds spéciaux)
La France est suspendue aux Services américains pour son propre renseignement, autant qu’elle est une cible.
La lutte contre le terrorisme avancé par Washington, est un prétexte éventé depuis longtemps. Les quelques affaires dites françaises, proposées au public par nos Services dans ce domaine (DCRI) viennent de chez eux. Nous savons depuis bien longtemps que la mission de la NSA est le renseignement politique et économique dans le seul intérêt des États Unis d’Amérique, avec une surveillance tout azimut. En Mars 2000 le patron de la CIA, James Woosley (photo), déclarait dans le Wall Street Journal que le renseignement américain espionnait tous les concurrents pour des raisons économiques.
Une bonne synthèse du bond technologique accompli ces dernières années par la NSA est toute entière dans la revue « Wired » de Mars 2012, détaillant la construction d’un gigantesque centre de stockage et de traitement dans l’Utah :
http://www.wired.com/threatlevel/2012/03/ff_nsadatacenter/all/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Utah_Data_Center
Il faut être très clair qu’il n’y a aucune possibilité de légiférer pour contrôler cette activité qui n’empiète qu’à la marge sur la vie privée. Un appel via un téléphone portable suit un circuit très complexe dont une branche est par nature en transmission radio, donc ouvertement accessible.
Cette montée en puissance considérable de la NSA va de pair avec le développement des « data centers » où la France et l’Europe ont un retard dommageable, voire auront d’énormes difficultés à en retrouver la maitrise, si jamais…
La réponse de la France à cette situation est médiocre et relève du coup de menton. Ce fut à partir de 2003 une agitation pusillanime autour du concept foireux de « l’intelligence économique », et du « patriotisme économique », beaucoup de salive, beaucoup de papiers, beaucoup de temps perdu. Alors que les Américains ont créé les structures simples pour distribuer au mieux le produit du renseignement industriel et commercial vers leur tissu économique, la France n’a cessé de se pénaliser en s’interdisant de fournir la maigre moisson de ses Services à ses entreprises. Les plus acharnés à organiser cette frontière sectaire entre l’activité économique privée et l’État, n’ont pas eu la décence de se taire depuis que les media glosent abondamment sur les activités de la NSA. Sans le talent de John Le Carré.
Les cris de chat huant poussés par certaines autorités de la France peuvent laisser penser que les fonctionnaires ne lisent pas les journaux ! Alors qu’est public le budget de la défense américain qui est égal à la somme des budgets de la défense de tous les autres pays du monde.
Rien n’est confidentiel dans ce qui est écrit ici et la littérature professionnelle à la disposition du public est particulièrement copieuse.
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Dette publique, un siècle de bras de fer
L’échec de leurs politiques a privé les partisans de l’austérité de l’argument du bon sens économique. De Berlin à Bruxelles, les gouvernements et les institutions financières fondent désormais leur évangile sur l’éthique : la Grèce doit payer, question de principe ! L’histoire montre toutefois que la morale n’est pas le principal arbitre des conflits entre créditeurs et débiteurs.
Il fut un temps où les Etats se libéraient facilement du fardeau de la dette. Il suffisait par exemple aux rois de France d’exécuter leurs créanciers pour assainir leurs finances : une forme balbutiante, mais commune, de « restructuration » (1). Le droit international a privé les débiteurs d’une telle facilité. Il aggrave même leur situation en leur imposant le principe de continuité des engagements.
Si les juristes se réfèrent à cette obligation par une formule latine — Pacta sunt servanda (« Les conventions doivent être respectées ») —, les traductions les plus diverses ont circulé au cours des dernières semaines. Version moralisatrice : « La Grèce a le devoir éthique de rembourser sa dette » (Front national). Version nostalgique des cours de récréation : « La Grèce doit payer, ce sont les règles du jeu »(M. Benoît Cœuré, membre du directoire de la Banque centrale européenne). Version insensible aux susceptibilités populaires : « Les élections ne changent rien » aux engagements des Etats (M. Wolfgang Schäuble, ministre des finances allemand) (2).
La dette hellénique dépasse les 320 milliards d’euros ; proportionnellement à la production de richesse, elle a bondi de 50 % depuis 2009. Selon le Financial Times, « la rembourser requerrait de la Grèce qu’elle fonctionne comme une économie esclave » (27 janvier 2015). Mais les « principes » s’accommodent mal d’arithmétique. « Une dette est une dette », martèle la directrice du Fonds monétaire international Christine Lagarde (Le Monde, 19 janvier 2015). Autrement dit : qu’importe de savoir si la Grèce peut ou non payer, il faut qu’elle paie…
Pas suffisamment stupides pour payer
La doctrine Pacta sunt servanda n’a pourtant rien de granitique (3) :
« L’obligation que formule le droit international de rembourser ses dettes n’a jamais été considérée comme absolue et s’est fréquemment vue limitée ou nuancée », précise un document de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) (4).
Dénonciation des dettes « odieuses » (emprunts réalisés par un pouvoir despotique (5)), des dettes « illégitimes » (contractées sans respecter l’intérêt général de la population (6)) ou des « vices de consentement », les arguments juridiques ne manquent pas pour justifier la suspension des paiements, voire l’effacement de tout ou partie des créances qui accablent un pays. A commencer par l’article 103 de la Charte de l’Organisation des Nations unies (ONU), qui proclame : « En cas de conflit entre les obligations des membres des Nations unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières prévaudront. » Parmi celles-ci, on trouve, à l’article 55 de la Charte, l’engagement des Etats à favoriser « le relèvement des niveaux de vie, le plein-emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social ».
Un jeune Grec sur deux est au chômage ; 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ; 40 % a passé l’hiver sans chauffage. Une portion de la dette a été générée sous la dictature des colonels (1967-1974), au cours de laquelle elle a quadruplé ; une autre a été contractée au préjudice de la population (puisqu’elle a largement visé à renflouer les établissements de crédit français et allemands) ; une autre encore découle directement de la corruption de dirigeants politiques par des transnationales désireuses de vendre leurs produits, parfois défectueux, à Athènes (comme la société allemande Siemens (7)) ; sans parler des turpitudes de banques telles que Goldman Sachs, qui a aidé le pays à dissimuler sa fragilité économique… Les Grecs disposent de mille et une justifications pour recourir au droit international et alléger le fardeau d’une dette dont un audit établirait les caractères odieux, illégitime et illégal (lire « L’Equateur dit “non” »). Mais la capacité de faire entendre sa voix repose avant tout sur la nature du rapport de forces entre les parties concernées.
En 1898, les Etats-Unis déclarent la guerre à l’Espagne en prétextant une explosion à bord de l’USS Maine, qui mouille dans le port de La Havane. Ils « libèrent » Cuba, qu’ils transforment en protectorat — réduisant « l’indépendance et la souveraineté de la République cubaine à l’état de mythe (8) », selon le général cubain Juan Gualberto Gómez, qui avait pris part à la guerre d’indépendance. L’Espagne exige le remboursement de dettes que l’île avait « contractées auprès d’elle » ; en l’occurrence, les frais de son agression. Elle s’appuie sur ce que M. Cœuré aurait sans doute appelé les « règles du jeu ». Comme l’indique la chercheuse Anaïs Tamen, « la requête espagnole s’appuyait sur des faits analogues, notamment le comportement de ses anciennes colonies qui avaient pris à leur charge la part de la dette publique espagnole ayant servi à leur colonisation ». Les Etats-Unis eux-mêmes n’avaient-ils pas « reversé plus de 15 millions de livres sterling au Royaume-Uni lors de leur accession à l’indépendance » (9) ?
Washington ne l’entend pas ainsi et avance une idée encore peu répandue (qui contribuera à fonder la notion de dette odieuse) : on ne saurait exiger d’une population qu’elle rembourse une dette contractée pour l’asservir. La presse américaine relaie la fermeté de cette position : « L’Espagne ne doit pas entretenir le moindre espoir que les Etats-Unis soient suffisamment stupides ou veules pour accepter la responsabilité de sommes ayant servi à écraser les Cubains », clame le Chicago Tribune du 22 octobre 1898. Cuba ne versera pas un centime.
Quelques décennies auparavant, le Mexique avait tenté de développer des arguments similaires. En 1861, le président Benito Juárez suspend le paiement de la dette, en grande partie contractée par les régimes précédents, dont celui du dictateur Antonio López de Santa Anna. La France, le Royaume-Uni et l’Espagne occupent alors le pays et fondent un empire qu’ils livrent à Maximilien d’Autriche.
Une réduction de 90% pour l’Allemagne
A l’image de l’URSS, qui annonce en 1918 qu’elle ne remboursera pas les dettes contractées par Nicolas II (10), les Etats-Unis réitèrent leur coup de force au bénéfice de l’Irak au début du XXIe siècle. Quelques mois après l’invasion du pays, le secrétaire au Trésor John Snow annonce sur Fox News : « De toute évidence, le peuple irakien ne doit pas être accablé par les dettes contractées au bénéfice du régime d’un dictateur désormais en fuite » (11 avril 2003). L’urgence, pour Washington : assurer la solvabilité du pouvoir qu’il vient de mettre en place à Bagdad.
Emerge alors une idée qui stupéfierait les tenants de la « continuité des engagements des Etats » : le paiement de la dette relèverait moins d’une question de principe que de mathématique. « Le plus important, c’est que la dette soit soutenable », ose un éditorial du Financial Times le 16 juin 2003. La logique convient à Washington : les chiffres ont parlé, et les Etats-Unis s’assurent que leur verdict s’impose aux yeux des principaux créanciers de l’Irak, France et Allemagne en tête (avec respectivement 3 et 2,4 milliards de dollars de titres en leur possession). Pressés de se montrer « justes et souples », ceux-ci — qui refusaient d’effacer plus de 50 % de la valeur des titres qu’ils détenaient — concèdent finalement une réduction de 80 % de leurs créances.
Trois ans auparavant, ni la loi des chiffres ni celle du droit international n’avaient suffi à convaincre les créanciers de Buenos Aires de faire preuve de « souplesse ». Pourtant, culminant à environ 80 milliards de dollars lors du défaut de paiement, en 2001, la dette argentine s’avère insoutenable. Elle découle de surcroît d’emprunts en grande partie réalisés par la dictature (1976-1983), la qualifiant au titre de dette odieuse. Qu’à cela ne tienne : les créanciers exigent d’être remboursés, faute de quoi ils interdiront à Buenos Aires l’accès aux marchés financiers.
L’Argentine tient bon. On lui promettait la catastrophe ? Entre 2003 et 2009, son économie enregistre un taux de croissance oscillant entre 7 et 9 %. Entre 2002 et 2005, le pays propose à ses créanciers d’échanger leurs titres contre de nouveaux, d’une valeur 40 % plus faible. Plus des trois quarts acceptent en renâclant. Plus tard, le gouvernement relance de nouvelles négociations qui aboutissent, en 2010, à un nouvel échange de titres auprès de 67 % des créanciers restants. 8 % des titres en suspension de paiement depuis 2001 n’ont cependant toujours pas fait l’objet d’un accord. Des fonds vautours s’emploient aujourd’hui à les faire rembourser, et menacent de conduire l’Argentine à un nouveau défaut (11).
Les créanciers acceptent donc de mauvaise grâce la perte de valeur des titres qu’ils détiennent. Pourtant, ils s’y résignèrent lors de la conférence internationale visant à alléger la dette de la République fédérale d’Allemagne (RFA), qui se tint à Londres entre 1951 et 1952. Les débats de l’époque rappellent ceux entourant la Grèce contemporaine, à commencer par la contradiction entre « principes » et bon sens économique.
« Des milliards de dollars sont en jeu, rapporte alors le journaliste Paul Heffernan, qui suit les débats pour The New York Times. Mais il ne s’agit pas uniquement d’une question d’argent. Les conférences du palais de Lancaster House vont avant tout traiter de l’un des principes vitaux du capitalisme international : la nature sacro-sainte des contrats internationaux » (24 février 1952). Ces préoccupations à l’esprit, les négociateurs — principalement américains, britanniques, français et allemands — entendent également celles de l’Allemagne. Dans un courrier du 6 mars 1951, le chancelier Konrad Adenauer enjoint à ses interlocuteurs de « prendre en compte la situation économique de la République fédérale », « notamment le fait que la charge de sa dette s’accroît et que son économie se contracte ». Comme le résume l’économiste Timothy W. Guinnane, chacun convient bientôt que « réduire la consommation allemande ne constitue pas une solution valide pour garantir le paiement de sa dette (12) ».
Un accord est finalement signé le 27 février 1953, y compris par la Grèce (13). Il prévoit une réduction d’au minimum 50 % des montants empruntés par l’Allemagne entre les deux guerres mondiales ; un moratoire de cinq ans pour le remboursement des dettes ; un report sine die des dettes de guerre qui auraient pu être réclamées à Bonn, ce qui conduit Eric Toussaint, du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), à estimer la réduction des dettes allemandes à 90 % (14) ; la possibilité pour Bonn de rembourser dans sa propre monnaie ; une limite aux montants consacrés au service de la dette (5 % de la valeur des exportations du pays) et au taux d’intérêt servi par l’Allemagne (5 % également). Ce n’est pas tout. Désireux, précise Heffernan, « qu’un tel accord ne soit que le prélude à un effort visant à aiguillonner la croissance allemande », les créanciers fournissent à la production germanique les débouchés dont elle a besoin et renoncent à vendre leurs propres produits à la République fédérale. Pour l’historien de l’économie allemand Albrecht Ritschl, « ces mesures ont sauvé la mise à Bonn et jeté les fondations financières du miracle économique allemand (15) » des années 1950.
Depuis plusieurs années, Syriza — au pouvoir en Grèce à la suite des élections du 25 janvier 2015 — demande à bénéficier d’une conférence de ce type, animée par les mêmes préoccupations. Au sein des institutions bruxelloises, on semble toutefois partager le sentiment de Leonid Bershidsky : « L’Allemagne méritait qu’on allège sa dette, pas la Grèce. » Dans une tribune parue le 27 janvier 2015, le journaliste du groupe Bloomberg développe son analyse : « L’une des raisons pour lesquelles l’Allemagne de l’Ouest a bénéficié d’une réduction de sa dette, c’est que la République fédérale devait devenir un rempart de premier rang dans la lutte contre le communisme. (…) Les gouvernements ouest-allemands qui bénéficièrent de ces mesures étaient résolument antimarxistes. »
Le programme de Syriza n’a rien de « marxiste ». La coalition revendique une forme de social-démocratie modérée, encore commune il y a quelques décennies. De Berlin à Bruxelles, il semblerait toutefois que même cela soit devenu intolérable.
Notes :
(1) Sur l’histoire de la dette, lire François Ruffin et Thomas Morel (sous la dir. de), Vive la banqueroute !, Fakir éditions, Amiens, 2013.
(2) Respectivement sur LCI, le 4 février 2015 ; dans International New York Times, les 31 janvier et 1er février 2015 ; et sur la British Broadcasting Corporation (BBC), le 30 décembre 2014.
(3) Ce qui suit puise dans les travaux d’Eric Toussaint et Renaud Vivien pour le Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM).
(4) Cnuced, « The concept of odious debt in public international law » (PDF), Discussion Papers, n° 185, Genève, juillet 2007.
(5) Lire Eric Toussaint, « Une “dette odieuse” », Le Monde diplomatique, février 2002.
(6) Comme dans le cas de la France. Lire Jean Gadrey, « Faut-il vraiment payer toute la dette ? », Le Monde diplomatique, octobre 2014.
(7) Cf. Damien Millet et Eric Toussaint, La Dette ou la vie, Aden-CADTM, Bruxelles, 2011.
(8) Cité par Richard Gott dans Cuba : A New History, Yale University Press, New Haven, 2004.
(9) Anaïs Tamen, « La doctrine de la dette “odieuse” ou l’utilisation du droit international dans les rapports de puissance », travail présenté le 11 décembre 2003 lors du troisième colloque de droit international du CADTM à Amsterdam.
(10) Les fameux emprunts russes, stockés par de nombreux épargnants français et finalement remboursés, pour un montant de 400 millions de dollars, à la suite d’un accord entre Paris et Moscou, en 1996.
(11) Lire Mark Weisbrot, « En Argentine, les fonds vautours tenus en échec », Le Monde diplomatique, octobre 2014.
(12) Timothy W. Guinnane, « Financial Vergangenheitsbewältigung : The 1953 London debt agreement », Working Papers, n° 880, Economic Growth Center, Yale University, New Haven, janvier 2004.
(13) Il ne traite pas de l’emprunt forcé imposé par Berlin à Athènes en 1941.
(14) Entretien avec Maud Bailly, « Restructuration, audit, suspension et annulation de la dette », CADTM, 19 janvier 2015.
(15) Albrecht Ritschl, « Germany was biggest debt transgressor of 20th century », Spiegel Online, 21 juin 2011.
http://fortune.fdesouche.com/385997-dette-publique-un-siecle-de-bras-de-fer#more-385997
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I-Media S2e18 - Les médias dans la campagne grecque
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« la droite constitue sur un mode sécularisé la postérité légitime du christianisme »
Professeur d'histoire du droit et des Institutions à l'Université de Paris il, Jean-Louis Harouel a publié, entre autres ouvrages, La grande falsification - l'art contemporain (2009); Le vrai génie du Christianisme: Laïcité, Liberté, Développement (2012); et Revenir à la nation (2014), aux éditions Jean-Cyrille Godefroy. Il prépare actuellement un livre sur la droite.
Monde et Vie : Les notions de droite et de gauche vous semblent-elles avoir encore un sens aujourd'hui ? Si tel est le cas, dans quelle mesure ?
Jean-Louis Harouel : L'antithèse entre droite et gauche résulte d'une différence de nature qui repose sur de très anciennes racines religieuses.
On trouve de lointaines anticipations de la gauche dans de grandes falsifications du christianisme : la gnose, avec son affirmation que l’homme est Dieu, son rejet de la Bible et de sa morale, son exaltation du communisme des biens et des personnes ; et d'autre part le millénarisme qui prétendait réaliser le paradis sur la terre, généralement sous la forme d'une société communiste. Avec dans les deux cas l'affirmation que le mal est un problème extérieur à l'homme résultant d'un état de choses insatisfaisant. Une fois sécularisé, tout cela a produit les facettes innombrables et souvent contradictoires d'une religion de l'humanité dont l'actuel avatar le plus évident est le culte intolérant des droits de l'homme qui détruit les nations européennes au nom de l’amour de l'autre jusqu'au mépris de soi. Tout cela est nourri d'idées chrétiennes devenues folles, selon la formule de Chesterton, car détournées de leur sens originel, coupées de la religion, et appliquées aux choses terrestres. La gauche apparaît comme une descendance illégitime du christianisme.
Inversement, la droite constitue sur un mode sécularisé sa postérité légitime. Le christianisme, comme l'a souligné Paul Veyne, n'est pas un projet politique et social pour ce bas monde. Son exigence de perfection, son souffle d'égalité et de liberté sont orientés vers le salut dans l'Au-delà. Les préceptes évangéliques sont restés reliés à leur substrat biblique, porteur de précieuses valeurs de durée : valorisation de la patrie, de la famille, souci de l'ordre social, code moral strict, exigence d'une justice protégeant les innocents, caractère normal de l'inégalité corrigée par la charité, considération pour la richesse et le savoir. Tout cela était dominé par le Décalogue, avec son programme de discipline sociale et de justice destiné à contenir le mal qui est en l'homme. Les masses de granit de la Bible ont permis à l'Europe chrétienne de développer les virtualités égalitaires, libératrices et universalistes de l'Evangile tout en gardant les pieds sur la terre. Là sont les racines de la droite.
La gauche est-elle caractérisée par la foi dans le progrès ?
La gauche appartient à cette forme sécularisée du millénarisme qu'est l'historicisme, lequel transforme l'histoire en cheminement de l'humanité vers un salut collectif terrestre. Caractérisant une grande parue de la philosophie allemande du XIXe siècle, cette vision inspire également la plupart des courants socialistes et plus généralement la pensée de gauche. Le socialisme, observait Durkheim, « est tout entier orienté vers le futur ». Selon une formule déjà présente chez Zola, la gauche se considère comme « le parti de demain ». La gauche, souligne Jean-Claude Michéa, est animée par la croyance progressiste en l'existence d'un « mouvement historique providentiel - et irréversible - qui ouvrirait peu à peu au genre humain les portes de l'Avenir radieux ». Or si la gauche se croit le parti de l'avenir, en réalité elle compromet l'avenir du fait qu'elle rejette les valeurs de durée. La gauche n'est pas le parti de demain mais celui de l'utopie qui est un autre nom du millénarisme.
Peut-il exister une utopie de droite, ou l'homme de droite est-il fondamentalement réaliste ?
La droite, à l'instar du christianisme, refuse la tentation de chercher à instaurer sur la terre un monde voulu partait et de faire naître un homme nouveau. L'objectif de la droite se borne à rendre un monde imparfait le plus vivable possible malgré la présence du mal en l'homme.
D'aucuns objecteront que le nazisme, comme l’a montré Frédéric Rouvillois, avait une fort dimension utopique. Mais l'utopie nazie ne relevait pas de la droite. Ambassadeur à Berlin, André François-Poncet notait que le nazisme s'affirmait comme « d'extrême gauche » et « farouchement révolutionnaire ». Même si le nazisme n'a persécuté que la part juive de la bourgeoisie allemande, il était, comme le démontre George L. Mosse, porteur d'un projet de révolution antibourgeoise et anticapitaliste. François Furet a observé que communisme et nazisme prétendaient offrir « quelque chose comme un salut, en face des misères de l’égoïsme bourgeois ». Par-delà la profonde différence de contenu de ces deux utopies, il s'agissait dans les deux cas de réaliser le paradis sur la terre, et les mêmes mots furent employés pour décrire la société harmonieuse que Ton entendait fonder. Leur commune nature utopique - volonté d'instaurer une société réconciliée et de taire apparaître un homme nouveau - rapproche qu'on le veuille ou non le nazisme et la gauche.
La gauche tout entière est inspirée peu ou prou par l'utopie. Certes, par réalisme, une partie de la gauche peut choisir de rester à mi-chemin de son rêve utopique, mais celui-ci demeure la référence : société réconciliée et humanité changée. L'utopie est la toile de fond de la pensée de gauche. C'est pour cela qu'il n'y a pas de cloison étanche entre le communisme et la gauche dite modérée. Au sein de la gauche, il y a unicité de nature, avec seulement des différences de degré. D'où l'antithèse avec la droite qui est l'anti-utopie.
Propos recueillis par Eric Letty monde&vie Juin 2015
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Du gouvernement de nos rois
Le roi de France exerce un pouvoir d'essence familial, conférant à l'État capétien une humanité étrangère à la République. L'histoire en révèle de multiples illustrations.
« Le roi représente dans le royaume l'image du père. » Ainsi s'exprime Hugues de Fleury (XIe siècle) dans son ouvrage sur le pouvoir royal et la dignité ecclésiastique (Libellus de regia potestate et sacerdotali dignitati). « Vous aurez en lui un père, nul jusqu'à présent n'a invoqué en vain son patronage. » C'est par ces mots qu'Adalbéron, archevêque de Reims avait recommandé aux grands du royaume de choisir Hugues Capet pour roi.
Un gouvernement familial
Le gouvernement des Capétiens fut d'abord une affaire de famille : la reine Constance, épouse de Robert le Pieux s'occupe des finances du royaume, de même Bertrade d'Anjou, épouse de Philippe Ier. Bien que Philippe Auguste, qui ne supportait pas Ingeburge de Danemark, ait écarté les femmes du gouvernement, la reine, en l'absence de Louis XIV, signera les ordres du roi. Le Conseil est une affaire de famille, formé des parents, des alliés et des hommes de confiance. Les états généraux étaient la curia regis, la cour du roi étendue. En 1789, la réunion de députés imbus d'idées législatives ne représente plus qu'une caricature de ce qu'étaient les états. « Commander à un royaume ou à sa maison, il n'y a de différence que les limites. » (Le maréchal de Tavannes, XVIe siècle) La belle Aiglantine vient à la Cour pour demander au roi un mari (Chanson de Gui de Nanteuil, XIIIe siècle). Moeurs médiévales, dira-t-on, mais lorsque Louis XIV accomplit son premier voyage en Alsace une jeune fille de Ribeauvillé lui demanda une dot pour son prochain mariage. Le roi lui fit donner un sac de pistoles.
Le chef des familles du royaume
Louis XIV se faisait établir des bulletins sur les familles de Versailles et de Paris par le lieutenant général de police et le procureur du roi au Châtelet. Ainsi, en sus des affaires de l'Etat s'intéressait-il à la vie de ses sujets, ses enfants. On nous objectera que le roi ne s'occupait que des familles nobles ou des grandes familles bourgeoises de Paris. En date du 24 mars 1702, le lieutenant général de police demande à l'intendant du Nivernais d'empêcher la fille du nommé Deschamps, barbier à Cosme, de raser les clients de son père : « Il faut que vous le lui défendiez, en avertissant le père de donner à sa fille des occupations plus convenables à une personne de son sexe. » Représentant du roi, le lieutenant de police sera appelé par les Parisiens "père temporel". Ses audiences dans son hôtel, auxquelles assistait Diderot au XVIIIe siècle pour étudier les moeurs de ses contemporains, continuaient celles de saint Louis sous son chêne.
« Le roi traite ses sujets et leur distribue la justice comme un père à ses enfants » dit Bodin. Quelle est l'essence de cette justice ? « Une émanation de l'autorité paternelle » ajoute le même auteur. La plupart des princes se font représenter l'épée au poing, le roi de France paraît avec la main de justice, deux lions sous ses pieds figurant force et violence terrassées par le droit.
Une sollicitude paternelle
Henri Plantagenet requiert l'arbitrage du roi de France dans son différend avec Thomas Becket, l'empereur Frédéric II lors de son conflit avec Innocent IV ; les différends entre les rois d'Aragon et de Castille seront soumis à Louis XI. Des étrangers, simples particuliers, font appel à la justice du roi. Cambrai, ville d'Empire, se donna spontanément au roi en 1477. Les Cambrésiens « ne peuvent être si bien gardés et entretenus en paix et tranquillité par autre prince que par le roi de France ».
Une telle sollicitude paternelle de la part du chef de l'Etat ne fera sourire que les niais. Si un Louis XIV qu'on veut caricaturer sous la forme d'un Jupiter inaccessible aux siens – « L'Etat c'est moi » – s'intéressait à la vie intime de ses sujets, ce n'est pas par esprit totalitaire ; il s'y intéressait personnellement, en père, s'imposant ce surcroît de travail pour garder à la monarchie son caractère humain, charnel qui en faisait et la force et le charme.
Nos pères étaient des sujets, des enfants de leur souverain, non des administrés, des assujettis d'une démocratie de plus en plus distante, qui, entre deux passages aux urnes, abandonne de fait, à cause de sa débilité, l'essentiel du pouvoir à des bureaux qui nous connaissent par l'intermédiaire de numéros et gèrent nos existences à l'aide de règlements et non de lois. Seul le gouvernement royal est humain.
Gérard Baudin L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 18 juin au 1er juillet 2009
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L’idéologie dominante relativise le mythe fondateur des Lumières
La réforme du collège de Najat Vallaud-Belkacem prévoit que l’enseignement des Lumières en Histoire sera optionnel. L'Homme Nouveau a demandé au Professeur Xavier Martin son avis. Extrait :
"[...] Ladite annonce me laisse sans voix : j’ai cru d’abord que mes oreilles me trahissaient. Alors oui, pourquoi ? La France, pays des Lumières, pays des Droits de l’homme, pays des « valeurs de la République » : c’est un tout magmatique dans l’inlassable formatage médiatico-académique ici rappelé. Le sacro-saint anti-racisme (imaginaire), l’idolâtrée (mais sélective) liberté d’expression se prévalent jour et nuit des Lumières… La perspective de délaisser à la légère un adossement théoriquement aussi flatteur, de disqualifier voire mettre au rebut ce resplendissant esprit des Lumières comme une vieille chaussette, est pour le moins énigmatique, et laisse songeur. [...]
Bref, à la question posée, je vois une seule explication rationnelle, mais j’ai du mal à y souscrire résolument : depuis vingt ans, une certaine relecture des Lumières a malmené assez vivement notre vulgate républicaine à cet égard. Elle montre sans grand mal, à la faveur d’une immense masse de citations, que ce courant, sous maints rapports déterminants, a été violemment le contraire de ce dont on le crédite :négation de l’unité de l’espèce humaine, hyper-élitisme forcené, mépris des gens de couleur, des femmes, des gens de condition modeste, mécanisation du comportement des individus(le fameux Homme Machine, 1747), donc négation du libre arbitre et conception mécaniciste des relations interindividuelles(donc, ipso facto, sociopolitiques),biologisme scientiste inclinant au racisme et à l’antiféminisme, absence de confiance dans la raison humaine(oui !),animalisation du petit peuple… Cette énumération, sévère quoique incomplète, souffrirait quelques nuances, voire ponctuellement quelques solides tempéraments, mais elle résume assez nettement la tendance lourde du dossier.
[...] Sur cette profonde et diamétrale restitution, abondamment documentée, des vraies « Lumières »,les grands médias, comme on s’en doute, ont fait silence. Et néanmoins l’occultation n’est pas totale. Au moins modestement le vrai, en cette matière, progresse et s’insinue, et sans bruit, vaille que vaille, par capillarité, s’infiltre aux interstices. Conséquence : les tireurs de ficelles (s’ils existent) ont peut-être jugé meilleur d’abandonner sans tambour ni trompette ce glorieux champ de bataille.[...]
Il est toutefois vrai que depuis le bicentenaire de la Révolution, qui au fil de colloques richement subventionnés, avait en fait bien défraîchi l’image convenue de cette dernière, la tendance del’idéologie dominante est de prudemment relativiser ses mythes fondateurs de 1789 (donc des Lumières) pour transplanter résolument son camp de base référentiel autour de 1945. [...]"
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Goldofaf - Champ de mars