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culture et histoire - Page 1370

  • Privilégier le travail de qualité, une obsession corporative.

    J'étais il y a quelques jours à Troyes, au cœur des anciennes foires médiévales de Champagne, et j'en ai profité pour déposer une gerbe de fleurs de lys, au nom du Groupe d'Action Royaliste et de l'Action Sociale Corporative, au pied de la statue en bois polychrome de saint Crépin et de saint Crépinien, patrons des cordonniers, en l'église Saint Pantaléon : il s'agissait, en fait, de rendre hommage au Travail (en tant que monde et qu'activité), aux travailleurs artisans et producteurs, mais aussi à des Métiers (au double sens du terme, à la fois socio-professionnels et corporatifs) que notre société de consommation oublie, préférant pousser à racheter des chaussures destinées à être « vite usées, vite remplacées » plutôt que de les faire raccommoder ou ressemeler. Or, le travail, et en particulier le travail « bien fait », doit être valorisé et pas seulement le fait de consommer, ou d'acheter pour assouvir un désir qui est, parfois, juste celui... d'acheter !

    Cette obsession de la « belle ouvrage » est une caractéristique de l'esprit des corporations du Moyen-âge et des époques qui le suivent : peut-on dire que cela causera leur perte lorsque le XVIIIe siècle verra l'obsession de l'utilité désormais première du temps comptable et purement économique s'affirmer à travers la formule tristement célèbre de Benjamin Franklin, ce fameux « Time is money » qui allait triompher légalement avec la Révolution française, si fatale aux travailleurs et au Travail, par le décret d'Allarde de mars et la loi Le Chapelier de juin 1791 ? En tout cas, aujourd'hui, c'est « homo consumans » qui domine dans nos sociétés, au moins en nombre et en intentions, même si ces dernières naissent parmi le monde de la Finance, de l'innovation et de la publicité : le triomphe de Ford et de Séguéla, diraient certains... Comprenons-nous bien : il ne s'agit pas de dire que l'argent, la recherche et la réclame sont inutiles ou seulement néfastes, mais de regretter qu'ils ne soient pas à leur juste place, celle de moyens économiques et sociaux, de « facilitateurs » ou d'informateurs. Je ne regrette pas leur existence mais leur règne, tout simplement.

    Préférer la qualité à la quantité, telle devrait être la politique de chacun, et en particulier de ceux qui veulent que la question sociale ne soit pas forcément indexée sur les seules rentabilité et compétitivité : mais cela suffit-il dans notre société mondialisée ? On peut en douter, ne serait-ce que du fait de la tentation permanente faite aux consommateurs qui est le ressort privilégié de cette société de consommation dans laquelle nous vivons. C'est là que l’État peut jouer son rôle d'arbitre social et de garant de la « justice sociale » (cette formule que nous devons à... Louis XVI !), en promouvant « la qualité française » et en aidant les entreprises, les artisans, les travailleurs indépendants de ce pays (en priorité mais pas forcément en exclusivité) par des politiques et des stratégies économiques adaptées à chaque secteur d'activité et sans négliger les débouchés de chacune de ces productions : en somme, un néo-colbertisme pour notre temps qui pourrait motiver un « renouveau corporatif », non pour répéter le passé mais pour en retrouver l'inspiration, celle qui privilégie le travail sans négliger les travailleurs...

    http://nouvelle-chouannerie.com/index.php?option=com_content&view=article&id=1215:privilegier-le-travail-de-qualite-une-obsession-corporative&catid=49:2015&Itemid=60

  • Pour connaître Maurice Bardèche l’insoumis par Pierre LE VIGAN

    Polémiste, écrivain politique, critique littéraire, Maurice Bardèche (1907 – 1998) a été tout cela. Son image reste sulfureuse. Elle l’est même beaucoup plus que dans les années 1950, preuve que nous avons fait un grand pas vers le schématisme, l’intolérance et l’inculture. Philippe Junod, aidé de sa femme, a voulu mieux faire connaître celui qui fut le beau-frère et l’ami de Robert Brasillach mais qui avait, bien entendu, son tempérament, ses goûts et son histoire propres. Le pari de mieux connaître Bardèche est tenu dans le cadre des Cahiers des Amis de Robert Brasillach.

    Officiellement apolitique jusqu’en 1945, ses activités hors enseignement n’allèrent guère au-delà, sous l’Occupation, d’essayer de sauver Jean Cavaillès. Plus handicapé qu’aidé par ses liens familiaux trop voyants, il passe de maître de conférence à la Sorbonne à professeur à l’Université de Lille où il n’avait aucune attache.

    Ce qu’il ressort des études consacrées à Bardèche, est l’unité de sa vision des choses, du politique au littéraire. Cela ne veut évidemment pas dire que l’on soit obligé d’être « fasciste » pour, en même temps, lui reconnaître d’avoir beaucoup apporté à la connaissance de Balzac ou de Proust.  Mais il faut reconnaître que ce qu’il appelle « fascisme » est en fait quelque chose qui va au-delà d’un épisode historique, aussi important qu’il ait été (et sachant qu’il fut définitivement clos en 1945). Au-delà : c’est-à-dire une critique de la domination de l’économie sur nos vies, et une critique de la domestication de l’homme par le monde moderne.

    Bardèche était non pas un homme de concepts mais un homme de principes. Il  été pionnier en maints domaines dans une large mouvance intellectuelle : la critique de la « conscience universelle », c’est-à-dire l’appareil idéologique du nouvel ordre mondial américain, le refus de l’uniformisation planétaire par le règne des marchands, le souci de la liberté des peuples et de la continuité de ceux-ci qui doivent rester fidèles à leurs instincts (thèse assez rousseauiste), l’appel à l’indépendance de l’Europe. Pour des raisons parfaitement évidentes, il était conscient de ne pouvoir être à la bonne distance pour juger de l’action du général de Gaulle. Aussi demandait-il des avis autour de lui. Il faisait partie de ceux qui, à tort ou à raison (je m’interroge moi-même), ne prenait pas au sérieux la troisième voie gaullienne.

    De la création du modeste Mouvement social européen, qui n’était certes pas un mouvement de masse, à novembre 1982, date de la parution du dernier numéro de sa revue Défense de l’Occident (elle accueillit quelques uns de mes premiers articles), fondée trente ans plus tôt, Bardèche a été le principal « doctrinaire » (mais on hésite à employer ce terme un peu trop sec et désincarné)  mais plus encore le principal écrivain du nationalisme européen.  Il a permis à beaucoup de ceux qui l’ont lu d’aller au-delà, ou ailleurs, preuve que c’était avant tout un homme libre, un rebelle non aligné.

    Les témoignages regroupés dans le Cahier des A.R.B., souvent chaleureux, mais aussi bien sûr parfois critiques, aident à mieux connaître celui que l’on veut réduire à des caricatures, tant notre époque aime les idées simples, et fausses de préférence. Ce sont les idées les plus confortables, et notre époque aime son petit confort. Un excellent libraire, bibliophile de province, juif, et parfaitement (sic) de gauche me disait, à propos de la biographie de Balzac par Bardèche (Julliard, 1980) : « Il faut reconnaître que c’est quand même la meilleure des études parue sur Balzac ».

    Pierre Le Vigan

    • Cahiers des amis de Robert Brasillach, « Maurice Bardèche l’insoumis », n° 51 – 52, courriel : brasillach@europe.ch

    • D’abord mis en ligne sur Métamag, le 20 mars 2015.

    http://www.europemaxima.com/

  • Les Batailles qui ont changé l’Histoire – par Arnaud Blin

    Source : Realpolitik.tv.

    Cette recension a été publiée dans le numéro 4 de Conflits. Si vous souhaitez acheter ce numéro au format numérique, rendez-vous sur la e-boutique deConflits en cliquant ici.

    C’est au milieu du XIXe siècle que l’historien britannique J.F.C. Fuller publie sesBatailles décisives du monde occidental. Reflet de son époque, celles-ci étaient toutes des batailles remportées par les Occidentaux. Longtemps les orientalistes avaient négligé les faits militaires des sociétés non occidentales. Cela se justifiait, pour certains, par le fait qu’elles avaient été aisément vaincues au xixsiècle par l’Europe. Il fallut la victoire de Mao en 1949 pour que l’on s’intéressât à l’antique stratège chinois Sun Zi, pourtant traduit en français avant la Révolution française. On peut aussi s’étonner qu’il n’y ait aucune étude, avant ces dernières années, consacrée à l’histoire militaire de l’Empire ottoman qui fit trembler l’Europe de la chute de Constantinople (1453) au second siège de Vienne (1683) ou sur l’empire qui a connu la plus longue durée, celui des Byzantins.

    Les Batailles qui ont changé l’Histoire, de Arnaud BlinL’excellent ouvrage d’Arnaud Blin, un des stratégistes les plus remarquables de sa génération, auteur entre autres d’un Tamerlan(Perrin, 2008) tout à fait original, remet en perspective les batailles à l’échelle du monde non occidental et cherche à déterminer en quoi elles ont été décisives.

    Son choix, discutable comme tout choix, a le mérite de réhabiliter des batailles considérées généralement comme secondaires parce qu’elles n’ont pas engagé de gros bataillons. Parmi celles-ci, la plus importante n’est-elle pas la chute de Tenochtitlan/Mexico en août 1521 par une troupe d’Espagnols de moins de deux mille hommes, renforcés par des contingents indiens désireux d’en finir avec la tyrannie aztèque ? En une opération combinée terrestre et lacustre dirigée par un capitaine de génie alliant le sens politique, la diplomatie et la stratégie – sans même évoquer le courage physique – un empire est abattu. L’Amérique latine aura ainsi été constituée comme un « extrême Occident » par une poignée d’Ibériques.

     

    Comment ne pas appeler décisives les victoires non connues du public occidental de Yarmouk et de Qadisiya (636/637) remportées par les Arabes récemment islamisés, qui leur donnent la possession pérenne du Levant au détriment de l’Empire romain d’Orient ainsi que de l’Irak et de la Perse islamisée après la chute de la dynastie Sassanide (641) ?

    Bien sûr, Arnaud Blin aborde des batailles qui nous sont plus familières et dont l’impact ou les conséquences ont été importantes : Gaugamèles (- 331), Zama (- 202), les champs Catalauniques (451), Lépante (1571), la Moscowa (1812) ou Stalingrad (1942-1943). Mais il ne néglige pas d’autres affrontements concernant des sociétés autres comme celle d’Ain Jalut (1260) où les Mamelouks donnent un coup d’arrêt à l’extraordinaire et foudroyante conquête mongole.

    Cette mondialisation de la bataille répond admirablement à l’élargissement culturel dont nous avons besoin.

    G.C.

    Arnaud Blin, Les Batailles qui ont changé l’Histoire, Éditions Perrin, 2014, 395 pages 23,90 €

    http://fr.novopress.info/186825/les-batailles-change-lhistoire-arnaud-blin/#more-186825

  • La figure du Katechon chez Carl Schmitt

    Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l’en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. 

    Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l’Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu’elle retardait l’avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l’Antéchrist. 

    Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l’advenance de la parousie, d’une part, et, ceux qui, par le truchement d’une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l’œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l’avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l’effet d’une érosion constante. 

    Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l’anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu’à l’époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu’il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l’anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. 

    Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n’existait pas encore, alors que l’anomie est bel et bien à l’œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l’écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C’est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l’universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l’Antéchrist.

    (résumé de Robert Steuckers de l’intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli – Université d’été de la FACE, 1995 ; ce résumé ne donne qu’un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie).

    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2015/04/la-figure-du-katechon-chez-carl-schmitt.html

  • Bibliographie jüngerienne (1)

    Heimo SCHWILK, Ernst Jünger : Leben und Werk in Bildern und Texten, Klett-Cotta, 1988.
     
    Ce magnifique ouvrage d’iconographie, composé des extraits les plus significatifs de l’œuvre de Jünger, et des lettres les plus chargées de sens, est le compagnon inséparable du “Jüngerien”, le livre de chevet auquel il reviendra sans cesse. Il est une compilation réussie, une compilation qui n’ennuie pas mais incite sans cesse à la méditation. Heimo Schwilk, le dynamique néo-conservateur berlinois, germaniste raffiné, homme qui suscite d’emblée la sympathie, a subdivisé son maître-ouvrage en six tranches biographiques : l’enfance et l’adolescence (1895-1912), la guerre (1914-1918), l’époque militante du “Travailleur” et de la “mobilisation totale” (1918-1933), l’observation du gouffre (1933-1948), l’époque du franchissement de la “ligne” (1948-1965), l’époque de l’acceptation sereine et joyeuse du monde (1965-1988). Dans sa conclusion, Schwilk relate avec une extraordinaire précision et une remarquable concision la phase politique de Jünger, sans oublier la maturation littéraire qui se poursuit à cette époque, indépendamment de l’effervescence politique : lecture des grands poètes français, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Huysmans. Sans oublier non plus l’amitié qui l’a lié à Alfred Kubin. Schwilk souligne aussi le caractère “urbain” et “moderne” du nationalisme des frères Jünger, en opposition au ruralisme völkisch. « Le national-révolutionnaire — écrit Schwilk — est un révolutionnaire “sans phrase”, qui ne se sent tenu que par la réalité et par la nécessité historique, qui veut croire à la foi et se met au service des tendances dynamiques de son temps, qui, elles, condamnent le monde bourgeois au déclin ». Jünger dans ce microcosme, « voit dans tout rapport positif à l’élémentaire, une caractéristique de l’âge post-bourgeois ». De cette époque date aussi l’amitié avec Carl Schmitt, qui lui apprend à connaître Léon Bloy et lui enseigne que le “péché originel” de la modernité est, justement, la négation du “péché originel”. C’est l’expressionniste Arnolt Bronnen qui tente en vain de rapprocher Goebbels et Jünger, tandis que celui-ci est aussi en contact avec Erich Mühsam, Bert Brecht et Ernst Toller, les hommes de l’ultra-gauche communisante. Mais les groupuscules politiques sont décevants : ils veulent tirer la couverture à eux, ne parviennent pas à s’entendre, se chamaillent entre chefaillons. Cette déception, couplée à celle de la guerre et de la défaite, au sentiment d’horreur de la guerre ultra-mécanisée, conduit Jünger à une forme sublime de pacifisme : il s’oppose désormais au conservatisme romantique, à l’utopisme des progressistes, à l’autorité légitime et à la violence des terroristes, et adopte, par le biais de son héros d’Héliopolis, Lucius de Beer, la “position théologique” : Jünger parie désormais sur l’individu (d’élite, l’individu hyperconscient) et sur le pouvoir inspiré par l’amour. Cette nouvelle orientation conduit à une critique de la technique, partagée par son frère Friedrich Georg : l’hyper-technicisation arrache l’homme au temps historique, son seul temps réel. Mais au-dessus de l’histoire des hommes, il y a l’harmonie cosmique, dont le retour périodique, tous les 76 ans, de la Comète de Halley, est un indice. Ernst Jünger aura eu le bonheur de la voir deux fois. En conclusion : un livre qui permet de prendre le pouls d’une existence fascinante dans son intensité guerrière, dans son originalité politique, dans le sublime des distances qu’elle est capable de prendre face aux événements et aux phénomènes, dans sa démarche de séismographe du monde, dans son acceptation mystique de l’harmonie cosmique.
    ♦ Martin MEYER, Ernst Jünger, Carl Hanser Verlag, München, 1990.
     
     
    L’objet de ce livre est d’explorer l’arrière-plan philosophique de l’œuvre jüngerienne. La guerre mondiale démontre à Jünger l’immédiateté de l’histoire, où le cœur a davantage de poids que le cerveau. Meyer évoque Vico. Après 1918, il distingue chez Jünger une période surréaliste qui explique son amitié avec l’inclassable Kubin et sa proximité avec Walter Benjamin. Meyer a une formule pertinente : “anarchisme prussien”. L’idéologie sous-tendant Le Travailleur, est un produit des futuristes, de Spengler et de Max Weber. La distance esthétique que pratique Jünger après ses déceptions politiques, de Lettre de Sicile à la deuxième version du Cœur aventureux, découle du primat désormais accordé à la nature plutôt qu’à l’histoire. Meyer plonge dans l’anthropologie jüngerienne et ses multiples linéaments : la doctrine d’Arnold Gehlen qui voit en l’homme un “être de manques”, la thématique de la douleur, le concept schmittien du politique, Rousseau et Sade. Dans la critique du nihilisme, consécutive à l’essai Über die Linie, Meyer voit une conjonction des questions ontologiques soulevées par Heidegger et des visions apocalyptiques de Léon Bloy et de Carl Schmitt. Bloy était un “démolisseur”, animé par des convictions catholiques. Ce qu’il démolissait , c’était le monde bourgeois, indigne de durer, mais Bloy n’adhérait pas pour autant à la “philosophie au marteau” de Nietzsche : l’éternel retour laisse ce “catholique intolérant” froid, de même que l’amor fati, qui séduira Jünger pendant son époque nationale-révolutionnaire. Plus tard, la philosophie de la nature a pris définitivement le dessus chez Ernst Jünger, à la remorque d’un physicien du XIXe siècle, Gustav Theodor Fechner (1801-1887). Fechner était un panthéiste qui croyait que toute créature, animale ou végétale, avait une âme. La nature ne hiérarchise pas les êtres, elle les juxtapose. Dans cette optique, tout anthropocentrisme dénote une mécompréhension profonde du sens de la création. Tout est lié à tout. La philosophie implicite des Chasses subtiles est un héritage de Fechner, qui consolide et enrichit la “méthode physiognomique”, pense Meyer. Le livre de Martin Meyer est difficile, car il est surtout un chantier de suggestions dans l’univers ardu des philosophes, auquel, justement, le lecteur-philosophe reviendra. Inlassablement.

  • Institut Iliade : la reconquête culturelle en marche

    Source : Présent n°8344 du 28 avril 2015 via l’institut Iliade — L’institut Iliade pour la longue mémoire européenne organisait son colloque annuel samedi 25 avril sur le thème de l’univers esthétique des Européens. Hommages appuyés à Dominique Venner, scène placée sous le signe de Diane chasseresse, les organisateurs et intervenants n’ont pas caché leur inspiration païenne. L’Iliade n’en reste pas moins un acteur majeur de la défense de notre identité et de nos traditions. Jean-Yves Le Gallou, l’un des trois fondateurs avec Bernard Lugan et Philippe Conrad, nous a livré ses impressions sur la tenue de cet événement. Les débats peuvent être vus ici.

    Etes-vous satisfait de l’affluence et de l’organisation du colloque ?

    Absolument. Nous avons rempli le grand amphithéâtre de la Maison de la Chimie, à savoir l’orchestre plus le balcon, soit 800 places. Par ailleurs, beaucoup de jeunes sont venus, alors même que le sujet est assez difficile. A la fois philosophique et historique, l’univers esthétique des Européens n’est pas une thématique facile. Ce sujet fait travailler les neurones mais aussi le sentiment, puisque nous sommes dans l’esthétique. Je crois donc que c’est un grand succès.
    C’est aussi, je pense, un signe des temps parmi d’autres qu’il est en train de se passer quelque chose en France et en Europe. Il y a dans l’âme de toutes ces personnes qui sont présentes, de tous âges, hommes et femmes, un grand désir de ressourcement face au déracinement, à l’effacement de notre mémoire. Je crois que c’est une source d’espoir.

    La reconquête culturelle vous paraît-elle possible ? Parce nous partons de très loin, tout de même. Le monde moderne ayant tout envahi, c’est une véritable gageure.

    Effectivement, nous partons de loin. Ils ont tout, par conséquent nous ne pouvons que conquérir des positions. Il y a évidemment beaucoup de réponses possibles. Il y a la réponse par la volonté de retrouver
    le beau alors qu’on nous impose la laideur, notamment avec ce qu’on appelle l’art, qui est plutôt un « non-art », contemporain. Face à l’immonde monde moderne, le recours, et le retour à la nature s’imposent, comme nous l’a rappelé Slobodan Despot [NDLR : suisse d’origine serbe, écrivain et photographe]. Et puis il y a enfin la redécouverte de nos sources anciennes, de notre mémoire.

    Quels sont les prochains rendez-vous de l’Institut Iliade ?

    La vocation principale de l’Institut Iliade est la formation et la transmission. Donc nous avons entamé au mois de janvier un premier cycle de formation. Un cycle, c’est cinq week-ends de deux jours, là aussi très exigeant, à la fois par les sujets traités et le travail qui est demandé aux stagiaires. Nous allons avoir également un deuxième cycle de formation, pour 20 personnes, à partir du mois de septembre. Et puis, bien sûr, un nouveau colloque l’année prochaine sur un thème qui reste encore à déterminer. Vous pouvez suivre toute notre actualité sur notre site internet et notrepage Facebook.

    http://fr.novopress.info/