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culture et histoire - Page 1371

  • La figure du Katechon chez Carl Schmitt

    Dans sa Théologie politique (1922), la figure du katechon est celle qui, par son action politique ou par son exemple moral, arrête le flot du déclin, la satanisation totale de ce monde de l’en-deçà. Catholique intransigeant, lecteur attentif du “Nouveau Testament”, Schmitt construit sa propre notion du katechon au départ de la Deuxième Lettre aux Thessaloniciens de Paul de Tarse. 

    Le Katechon est la force (un homme, un Etat, un peuple-hegemon) qui arrêtera la progression de l’Antéchrist. Schmitt valorise cette figure, au contraire de certains théologiens de la haute antiquité qui jugeaient que la figure du katechon était une figure négative parce qu’elle retardait l’avènement du Christ, qui devait survenir immédiatement après la victoire complète de l’Antéchrist. 

    Schmitt fonde justement sa propre théologie civile, après avoir constaté cette différence entre les théologiens qui attendent, impatients, la catastrophe finale comme horizon de l’advenance de la parousie, d’une part, et, ceux qui, par le truchement d’une Theologia Civilis tirée en droite ligne de la pratique impériale romaine, veulent pérenniser le combat contre les forces du déclin à l’œuvre sur la Terre, sans trop se soucier de l’avènement de la parousie. Les sociétés humaines, politiques, perdent progressivement leurs valeurs sous l’effet d’une érosion constante. 

    Le katechon travaille à gommer les effets de cette érosion. Il lutte contre le mal absolu, qui, aux yeux de Schmitt et des schmittiens, est l’anomie. Il restaure les valeurs, les maintient à bout de bras. Le Prof. Fabio Martelli a montré comment la notion de Katachon a varié au fil des réflexions schmittiennnes: il rappelle notamment qu’à l’époque de la “théologie de la libération”, si chère à certaines gauches, où un Dieu libérateur se substituait, ou tentait de se substituer, au Dieu protecteur du statu quo qu’il avait créé, Schmitt sautait au-dessus de ce clivage gauche/droite des années 60-70, et aussi au-dessus des langages à la mode, pour affirmer que les pays non-industrialisés (du tiers-monde) étaient en quelque sorte le katechon qui retenait l’anomie du monde industriel et du duopole USA/URSS. 

    Finalement, Schmitt a été tenté de penser que le katechon n’existait pas encore, alors que l’anomie est bel et bien à l’œuvre dans le monde, mais que des “initiés” sont en train de forger une nouvelle Theologia Civilis, à l’écart des gesticulations des vecteurs du déclin. C’est de ces ateliers que surgira, un jour, le nouveau katechon historique, qui mènera une révolution anti-universaliste, contre ceux qui veulent à tout prix construire l’universalisme, arrêter le temps historique, biffer les valeurs, et sont, en ce sens, les serviteurs démoniaques et pervers de l’Antéchrist.

    (résumé de Robert Steuckers de l’intervention du Prof. Dr. Fabio Martelli – Université d’été de la FACE, 1995 ; ce résumé ne donne qu’un reflet très incomplet de la densité remarquable de la conférence du Prof. Fabio Martelli, désormais Président de Synergies Européennes-Italie).

    http://robertsteuckers.blogspot.fr/2015/04/la-figure-du-katechon-chez-carl-schmitt.html

  • Bibliographie jüngerienne (1)

    Heimo SCHWILK, Ernst Jünger : Leben und Werk in Bildern und Texten, Klett-Cotta, 1988.
     
    Ce magnifique ouvrage d’iconographie, composé des extraits les plus significatifs de l’œuvre de Jünger, et des lettres les plus chargées de sens, est le compagnon inséparable du “Jüngerien”, le livre de chevet auquel il reviendra sans cesse. Il est une compilation réussie, une compilation qui n’ennuie pas mais incite sans cesse à la méditation. Heimo Schwilk, le dynamique néo-conservateur berlinois, germaniste raffiné, homme qui suscite d’emblée la sympathie, a subdivisé son maître-ouvrage en six tranches biographiques : l’enfance et l’adolescence (1895-1912), la guerre (1914-1918), l’époque militante du “Travailleur” et de la “mobilisation totale” (1918-1933), l’observation du gouffre (1933-1948), l’époque du franchissement de la “ligne” (1948-1965), l’époque de l’acceptation sereine et joyeuse du monde (1965-1988). Dans sa conclusion, Schwilk relate avec une extraordinaire précision et une remarquable concision la phase politique de Jünger, sans oublier la maturation littéraire qui se poursuit à cette époque, indépendamment de l’effervescence politique : lecture des grands poètes français, Baudelaire, Verlaine, Rimbaud, Huysmans. Sans oublier non plus l’amitié qui l’a lié à Alfred Kubin. Schwilk souligne aussi le caractère “urbain” et “moderne” du nationalisme des frères Jünger, en opposition au ruralisme völkisch. « Le national-révolutionnaire — écrit Schwilk — est un révolutionnaire “sans phrase”, qui ne se sent tenu que par la réalité et par la nécessité historique, qui veut croire à la foi et se met au service des tendances dynamiques de son temps, qui, elles, condamnent le monde bourgeois au déclin ». Jünger dans ce microcosme, « voit dans tout rapport positif à l’élémentaire, une caractéristique de l’âge post-bourgeois ». De cette époque date aussi l’amitié avec Carl Schmitt, qui lui apprend à connaître Léon Bloy et lui enseigne que le “péché originel” de la modernité est, justement, la négation du “péché originel”. C’est l’expressionniste Arnolt Bronnen qui tente en vain de rapprocher Goebbels et Jünger, tandis que celui-ci est aussi en contact avec Erich Mühsam, Bert Brecht et Ernst Toller, les hommes de l’ultra-gauche communisante. Mais les groupuscules politiques sont décevants : ils veulent tirer la couverture à eux, ne parviennent pas à s’entendre, se chamaillent entre chefaillons. Cette déception, couplée à celle de la guerre et de la défaite, au sentiment d’horreur de la guerre ultra-mécanisée, conduit Jünger à une forme sublime de pacifisme : il s’oppose désormais au conservatisme romantique, à l’utopisme des progressistes, à l’autorité légitime et à la violence des terroristes, et adopte, par le biais de son héros d’Héliopolis, Lucius de Beer, la “position théologique” : Jünger parie désormais sur l’individu (d’élite, l’individu hyperconscient) et sur le pouvoir inspiré par l’amour. Cette nouvelle orientation conduit à une critique de la technique, partagée par son frère Friedrich Georg : l’hyper-technicisation arrache l’homme au temps historique, son seul temps réel. Mais au-dessus de l’histoire des hommes, il y a l’harmonie cosmique, dont le retour périodique, tous les 76 ans, de la Comète de Halley, est un indice. Ernst Jünger aura eu le bonheur de la voir deux fois. En conclusion : un livre qui permet de prendre le pouls d’une existence fascinante dans son intensité guerrière, dans son originalité politique, dans le sublime des distances qu’elle est capable de prendre face aux événements et aux phénomènes, dans sa démarche de séismographe du monde, dans son acceptation mystique de l’harmonie cosmique.
    ♦ Martin MEYER, Ernst Jünger, Carl Hanser Verlag, München, 1990.
     
     
    L’objet de ce livre est d’explorer l’arrière-plan philosophique de l’œuvre jüngerienne. La guerre mondiale démontre à Jünger l’immédiateté de l’histoire, où le cœur a davantage de poids que le cerveau. Meyer évoque Vico. Après 1918, il distingue chez Jünger une période surréaliste qui explique son amitié avec l’inclassable Kubin et sa proximité avec Walter Benjamin. Meyer a une formule pertinente : “anarchisme prussien”. L’idéologie sous-tendant Le Travailleur, est un produit des futuristes, de Spengler et de Max Weber. La distance esthétique que pratique Jünger après ses déceptions politiques, de Lettre de Sicile à la deuxième version du Cœur aventureux, découle du primat désormais accordé à la nature plutôt qu’à l’histoire. Meyer plonge dans l’anthropologie jüngerienne et ses multiples linéaments : la doctrine d’Arnold Gehlen qui voit en l’homme un “être de manques”, la thématique de la douleur, le concept schmittien du politique, Rousseau et Sade. Dans la critique du nihilisme, consécutive à l’essai Über die Linie, Meyer voit une conjonction des questions ontologiques soulevées par Heidegger et des visions apocalyptiques de Léon Bloy et de Carl Schmitt. Bloy était un “démolisseur”, animé par des convictions catholiques. Ce qu’il démolissait , c’était le monde bourgeois, indigne de durer, mais Bloy n’adhérait pas pour autant à la “philosophie au marteau” de Nietzsche : l’éternel retour laisse ce “catholique intolérant” froid, de même que l’amor fati, qui séduira Jünger pendant son époque nationale-révolutionnaire. Plus tard, la philosophie de la nature a pris définitivement le dessus chez Ernst Jünger, à la remorque d’un physicien du XIXe siècle, Gustav Theodor Fechner (1801-1887). Fechner était un panthéiste qui croyait que toute créature, animale ou végétale, avait une âme. La nature ne hiérarchise pas les êtres, elle les juxtapose. Dans cette optique, tout anthropocentrisme dénote une mécompréhension profonde du sens de la création. Tout est lié à tout. La philosophie implicite des Chasses subtiles est un héritage de Fechner, qui consolide et enrichit la “méthode physiognomique”, pense Meyer. Le livre de Martin Meyer est difficile, car il est surtout un chantier de suggestions dans l’univers ardu des philosophes, auquel, justement, le lecteur-philosophe reviendra. Inlassablement.

  • Institut Iliade : la reconquête culturelle en marche

    Source : Présent n°8344 du 28 avril 2015 via l’institut Iliade — L’institut Iliade pour la longue mémoire européenne organisait son colloque annuel samedi 25 avril sur le thème de l’univers esthétique des Européens. Hommages appuyés à Dominique Venner, scène placée sous le signe de Diane chasseresse, les organisateurs et intervenants n’ont pas caché leur inspiration païenne. L’Iliade n’en reste pas moins un acteur majeur de la défense de notre identité et de nos traditions. Jean-Yves Le Gallou, l’un des trois fondateurs avec Bernard Lugan et Philippe Conrad, nous a livré ses impressions sur la tenue de cet événement. Les débats peuvent être vus ici.

    Etes-vous satisfait de l’affluence et de l’organisation du colloque ?

    Absolument. Nous avons rempli le grand amphithéâtre de la Maison de la Chimie, à savoir l’orchestre plus le balcon, soit 800 places. Par ailleurs, beaucoup de jeunes sont venus, alors même que le sujet est assez difficile. A la fois philosophique et historique, l’univers esthétique des Européens n’est pas une thématique facile. Ce sujet fait travailler les neurones mais aussi le sentiment, puisque nous sommes dans l’esthétique. Je crois donc que c’est un grand succès.
    C’est aussi, je pense, un signe des temps parmi d’autres qu’il est en train de se passer quelque chose en France et en Europe. Il y a dans l’âme de toutes ces personnes qui sont présentes, de tous âges, hommes et femmes, un grand désir de ressourcement face au déracinement, à l’effacement de notre mémoire. Je crois que c’est une source d’espoir.

    La reconquête culturelle vous paraît-elle possible ? Parce nous partons de très loin, tout de même. Le monde moderne ayant tout envahi, c’est une véritable gageure.

    Effectivement, nous partons de loin. Ils ont tout, par conséquent nous ne pouvons que conquérir des positions. Il y a évidemment beaucoup de réponses possibles. Il y a la réponse par la volonté de retrouver
    le beau alors qu’on nous impose la laideur, notamment avec ce qu’on appelle l’art, qui est plutôt un « non-art », contemporain. Face à l’immonde monde moderne, le recours, et le retour à la nature s’imposent, comme nous l’a rappelé Slobodan Despot [NDLR : suisse d’origine serbe, écrivain et photographe]. Et puis il y a enfin la redécouverte de nos sources anciennes, de notre mémoire.

    Quels sont les prochains rendez-vous de l’Institut Iliade ?

    La vocation principale de l’Institut Iliade est la formation et la transmission. Donc nous avons entamé au mois de janvier un premier cycle de formation. Un cycle, c’est cinq week-ends de deux jours, là aussi très exigeant, à la fois par les sujets traités et le travail qui est demandé aux stagiaires. Nous allons avoir également un deuxième cycle de formation, pour 20 personnes, à partir du mois de septembre. Et puis, bien sûr, un nouveau colloque l’année prochaine sur un thème qui reste encore à déterminer. Vous pouvez suivre toute notre actualité sur notre site internet et notrepage Facebook.

    http://fr.novopress.info/