
culture et histoire - Page 1375
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« L’avant-guerre civile » d’Eric Werner
Réédition d’un essai philosophique portant sur la redéfinition de la guerre civile et de la place nouvelle de l’État dans sa gestion.
Il y a dix-sept ans paraissait à L’Âge d’Homme, L’avant-guerre civile, d’Eric Werner. La réédition, chez Xenia, de ce livre voyant, pour reprendre l’expression de Slobodan Despot dans sa postface, fait suite à une autre réédition, en 2013, par cet éditeur, d’un livre du même auteur, De l’extermination, le thème commun aux deux livres étant la guerre étrangère et la guerre civile.Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les choses étaient relativement plus simples qu’aujourd’hui. Ou bien il existait un ennemi extérieur et cet ennemi permettait de limiter le risque d’éclatement de la collectivité en renforçant sa cohésion, ou bien il n’existait plus d’ennemi extérieur et ce risque grandissait. La guerre étrangère est ce qui remédie à la guerre civile, dit Eschyle.Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin de Deuxième Guerre mondiale, le périmètre délimitant l’intérieur de l’extérieur des territoires a varié en dimension, mais il est resté relativement bien dessiné. Et, aux temps modernes, la création de État-nation a, selon Eric Werner, empêché le fléau de la guerre civile en s’arrogeant le monopole de la violence physique légitime, au prix, et en contrepartie, il est vrai, de guerres interétatiques.À notre époque, ce qui a changé, c’est justement que les contours de l’extérieur et de l’intérieur sont devenus plus que flous et qu’en conséquence « la guerre civile devient, potentiellement au moins, une menace » : « personne n’est plus aujourd’hui sûr de rien: ni de sa propre identité, ni de celle des autres« . Les frontières interétatiques disparaissent de plus en plus et les organisations mondialistes prospèrent. La sécurité intérieure et extérieure se confondent, de même que les tâches de ceux qui sont chargés de les assurer, c’est-à-dire la police et l’armée.Des frontières intra-étatiques apparaissent: ethnies, langues parlées, religions etc. et conduisent à des antagonismes. Se délitant indéniablement (non pas parce que sa forme d’État-providence est remise en cause, mais justement parce qu’elle ne l’est pas), l’État est incapable d’empêcher que ces antagonismes ne dégénèrent. Les hommes de l’État, jouant avec le feu, les favorisent même, faisant leur l’adage divide ut impera, se disant qu’en les multipliant il y a quelque chance qu’ils se neutralisent et ne se transforment pas en guerre.L’État se délite et, dans le même temps, il se refait en menant une guerre intra-étatique, indirectement, contre ses propres citoyens. Il s’agit de les contrôler, de les espionner, de restreindre leur liberté d’opinion, d’expression et de recherche. Il s’agit de leur inoculer une pensée unique par la désinformation et la propagande. Il s’agit de les disloquer en s’en prenant à tout ce qui naturellement leur permettrait de s’opposer au pouvoir total que l’État exerce de plus en plus sur eux.La politique, telle que décrite dans ce livre, n’est rien moins qu’attractive, si tant qu’elle le soit de toute façon. Contrairement à ce qui se dit de manière générale, n’occupe-t-elle pas une place beaucoup trop importante dans la vie des hommes, alors que l’on prétend que c’est l’économie qui a tout envahi ? Les tensions entre les hommes sont pourtant moins grandes dans les pays où cette dernière se porte mieux et où l’activisme de l’État est limité par des contrepouvoirs: je pense évidemment à la Suisse, toute imparfaite qu’elle est.Dans la lignée de Benjamin Constant (qui pensait de son temps déjà qu’était advenue l’époque où le commerce remplaçait la guerre), après avoir rappelé qu’il existe deux manières pour un homme ou un peuple de se procurer ses moyens d’existence, les créer ou les voler (par la guerre notamment), Frédéric Bastiat concluait ainsi le chapitre XIX des Harmonies économiques :" La Spoliation comme la Production ayant sa source dans le cœur humain, les lois du monde social ne seraient pas harmoniques, même au sens limité que j’ai dit, si celle-ci ne devait, à la longue, détrôner celle-là…"Évidemment empêcher ainsi que le chaos social ne se produise, en satisfaisant au mieux les intérêts personnels légitimes des hommes, ne fait pas l’affaire des États et de ceux qui en vivent, parce que cela remet sérieusement en cause leur existence, qui ne peut être justifiée dès lors que pour la sécurité des biens et des personnes réduite au strict nécessaire… -
Génocide arménien : les responsabilités de l'islamisme, des Jeunes Turcs, de la franc-maçonnerie
A l'occasion du centenaire du terrible génocide des chrétiens arméniens pour les Turcs, Bernard Antony publie un ouvrage intitulé "Le génocide arménien 1915-2015".
"« Génocide arménien » : c'est l'expression dans laquelle se resserrent, autour de l'évocation du sort du peuple quantitativement le plus massacré dans le premier quart du XXème siècle, les tragédies des exterminations qui ont visé jusqu à nos jours, phase finale, à l'anéantissement de tous les chrétiens habitant dans les actuels pays de Turquie, d'Irak et de Syrie. Le génocide dit arménien a été en effet, après les massacres du XIXème siècle, celui d'une continuité d'éradication aussi des Assyro-chaldéens et des Grecs du Pont et d'Asie Mineure. Le 24 avril 1915, date de la déportation vers la mort des élites arméniennes sur décision du gouvernement des Jeunes Turcs marque, certes, le début du grand génocide des années 1915-1916, mais parachevé après 1918 par Mustafa Kemal sur le territoire de l'actuelle Turquie et continué ensuite jusqu à nos jours en Syrie et en Irak.
Bernard Antony, à travers les témoignages, en évoque les indicibles abominations dans toute l'étendue du mystère du mal. Il en rappelle, dans le refus des occultations révisionnistes ou négationnistes, les responsabilités convergentes du fanatisme islamique et des Jeunes Turcs, à la croisée de la franc-maçonnerie, des influences donmeh et du jacobinisme français."
Michel Janva http://lesalonbeige.blogs.com/my_weblog/web.html
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Fraction - Le journal du petit Franck
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Charles Martel et la bataille de Poitiers : mythe ou réalité ?
Laurent Wetzel, haut fonctionnaire de l’Education nationale à la retraite, ancien élève de l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, agrégé d’histoire, auteur de Ils ont tué l’histoire-géo (éd. François Bourin, 2012).
♦ J’ai été saisi d’étonnement en découvrant, le 19 avril, sur le site Les Inrocks, l’article d’un certain Jean-Marie Durand, spécialiste des « idées », intitulé « Tu parles, Charles Martel ! La déconstruction d’un mythe identitaire », consacré à l’essai, paraît-il « éclairant », de deux « historiens », William Blanc et Christophe Naudin, Charles Martel et la bataille de Poitiers. De l’histoire au mythe identitaire.
« La plus puissante des familles franques, dans le pays de Metz,devint célèbre au temps qu’elle avait pour chef Charles, surnomméMartel parce qu’il a écrasé, comme avec un marteau, les Arabes qui avaient envahi la Gaule ».
A en croire cet idéologue et ces deux « historiens », bien décidés à terrasser les « historiens islamophobes », « la bataille de Poitiers est un événement mineur de notre histoire, qui « ne doit sa survie mémorielle qu’à l’utilisation qui en a été faite, depuis les années 1880, par l’extrême droite et le courant nationaliste » » ; « elle n’est pas historiquement le choc que beaucoup d’autres ont imaginé » ; « les grandes figures de l’enseignement sous la IIIe République – Jules Michelet et Ernest Lavisse – ne lui ont consacré que peu d’attention, Jules Michelet minimisant la bataille et le manuel Lavisse ne lui consacrant pas une ligne ».
On reste interdit devant tant de contre-vérités.
Jules Michelet, qui a publié son Histoire de France des origines à la mort de Louis XI, entre 1833 et 1844, sous la Monarchie de Juillet et non sous la IIIe République, soulignait au contraire dans cet ouvrage l’importance de ladite bataille :
« Les Sarrasins, maîtres de l’Espagne, s’étaient emparés du Languedoc. De la ville de Narbonne, leur innombrable cavalerie se lançait audacieusement vers le nord, jusqu’en Poitou, jusqu’en Bourgogne, confiante dans sa légèreté et dans la vigueur infatigable de ses chevaux africains. La célérité prodigieuse de ces brigands, qui voltigeaient partout, semblait les multiplier ; ils commençaient à passer en plus grand nombre : on craignait que, selon leur usage, après avoir fait un désert d’une partie des contrées du Midi, ils ne finissent par s’y établir. Une rencontre eut lieu près de Poitiers entre les rapides cavaliers de l’Afrique et les lourds bataillons des Francs (732) […]. Charles Martel poussa jusqu’en Languedoc, entra dans Nîmes et essaya de brûler les Arènes qu’on avait changées en forteresse. »
Ernest Lavisse, en 1913, dans son manuel pour le cours moyen, 1re et 2e année, a consacré en réalité trente lignes à Charles Martel, à l’invasion arabe et à la bataille de Poitiers. J’en extrais celles-ci :
« La plus puissante des familles franques, dans le pays de Metz, devint célèbre au temps qu’elle avait pour chef Charles, surnommé Martel parce qu’il a écrasé, comme avec un marteau, les Arabes qui avaient envahi la Gaule. En l’année 732, ils étaient arrivés près de Poitiers, quand ils rencontrèrent Charles Martel qui venait au devant d’eux avec une armée. Les Arabes, montés sur de petits chevaux rapides, et habillés de longs manteaux blancs, coururent vers la cavalerie franque. Les Francs, montés sur de grands chevaux du nord, les laissèrent venir et se défendirent avec leurs haches et leurs épées si bien que les Arabes reculèrent. Alors les Francs se mirent en marche. C’était comme une muraille de fer qui s’avançait. Les Arabes se retirèrent dans leur camp, et, pendant la nuit, ils s’enfuirent. Ainsi, Charles Martel a empêché les Arabes de conquérir notre pays. »
Dans son Abrégé de l’histoire du Moyen Age pour le cours de seconde, Victor Duruy parlait déjà, en 1857, de « la grande victoire de Charles Martel sur les infidèles, qui arrêta, entre Tours et Poitiers, le mouvement de l’invasion de l’islamisme vers l’Occident ».
En 1904, dans son manuel pour la classe de 5e, l’historien Charles Seignobos, républicain et protestant, insistait, avant de raconter la bataille de Poitiers, sur « les guerres qu’avait dû faire Charles Martel toute sa vie de tous les côtés, surtout dans le Midi contre les musulmans ».
En 1925, dans son manuel pour la classe de 4e, Arthur Huby, plus tard doyen de l’Inspection générale d’histoire-géographie, insistait aussi sur cet « événement exceptionnel » : « Sa victoire sur les Arabes tira Charles Martel hors de pair. La victoire de Poitiers (octobre 732), qui marqua l’arrêt de l’offensive arabe contre l’Europe, eut un immense retentissement. Charles Martel apparut comme le sauveur du monde chrétien tout entier. »
Sans oublier Jules Isaac (futur militant du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes) qui écrivait à la même époque, dans le fameux Malet-Isaac : « Charles Martel eut la gloire d’arrêter à Poitiers, en 732, une terrible invasion arabe. »
En 1935 enfin, dans leur petit manuel pour le cours élémentaire, 1re année, Mon Premier Livre d’Histoire de France, Léon Brossolette et Marianne Ozouf, père et sœur du héros de la Résistance, ont illustré une page entière d’une image en couleurs sous-titrée « Charles-Martel à Poitiers – Les rois francs, qu’on appelle les rois fainéants, ne savent plus commander leurs armées. Le duc Charles-Martel les commande à leur place. Il bat à Poitiers les rapides cavaliers arabes qui attaquent la Gaule ».
On observera cependant que ne figurent nulle part, dans les actuels programmes d’histoire du primaire et du collège, ni Charles Martel, ni la bataille de Poitiers, tous programmes signés, en 2008, par Xavier Darcos, avec la bénédiction de Nicolas Sarkozy et François Fillon, trois phares de ce qu’on appelle la « droite républicaine ».
Ce qui n’empêche pas Philippe Nemo, dans son excellent manuel d’histoire pour les CE2-CM1-CM2, de préciser pour nos écoliers : « Les Arabes avaient conquis un immense empire qui s’étendait jusqu’en Europe. Ils s’étaient emparés de l’Espagne, et maintenant ils voulaient aussi envahir la France. Charles Martel gagna contre eux la bataille de Poitiers en 732 après J.-C. et il les força à se replier en Espagne. Le prestige acquis par Charles Martel à cette occasion fut très grand. » (La Librairie des Ecoles, 2012, p. 52).
Laurent Wetzel, 22/04/2015
http://www.polemia.com/charles-martel-et-la-bataille-de-poitiers-mythe-ou-realite/
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Radio Courtoisie - Libre Journal du 22/03/1989 - Robert Faurisson
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La Notion d’identité divise les droites : pour combien de temps encore ?
Jusqu’au début des années 2000, la science politique, tout en donnant de l’« extrême droite » des définitions très différentes selon les auteurs, s’accordait pour considérer que cette famille politique différait des droites conservatrices et libérales sur divers sujets fondamentaux. L’adhésion des droites traditionnelles à une conception inclusive de la nation, donc à une définition contractuelle de l’identité nationale, semblait le point non négociable empêchant une recomposition complète des droites européennes, qui aurait mis fin à l’ostracisme dont est l’objet, depuis 1945, toute idéologie ou formation suspectée de complaisance envers le racisme et la xénophobie, pour ne rien dire de l’antisémitisme.
C’est alors que sont apparues plusieurs formations dont la nature, l’histoire et, au besoin, la pratique de gouvernement ont démontré l’existence de droites populistes et xénophobes hybrides, à mi-chemin entre opposition globale au « système » et participation à celui-ci, rendue possible par des succès électoraux conséquents.
Citons la mue idéologique du vieux parti agrarien suisse, l’Union démocratique du centre ; la percée du FPÖ autrichien sous la houlette de Jörg Haider ; la participation durable aux gouvernements Berlusconi de la Lega nord et le rôle joué par le Dansk Folkeparti dans la vie politique danoise ainsi que le bref coup de tonnerre dans le paysage néerlandais que fut la Lijst Pim Fortuyn. Pendant que l’antifascisme traditionnel continuait à penser l’émergence des populismes xénophobes selon les schémas habituels de la continuité entre les années 30-40 et aujourd’hui, les extrêmes droites européennes révisaient leur logiciel politique. Les plus radicales prenaient acte du fait qu’elles demeureraient infréquentables si elles ne faisaient pas au moins quelques concessions aux règles du jeu démocratique : il n’y a plus guère désormais d’extrême droite putschiste, le fascisme assumé amène l’ostracisation, le néonazisme est une contre-culture de marge sans avenir politique. Simultanément, au sein des droites de gouvernement, la nécessité de récupérer les électeurs des partis nationaux-populistes eut pour résultat une offensive idéologique sans précédent autour de la promotion de trois valeurs : la sécurité, la critique de l’immigration et une vision identitaire de la nationalité. Ce ne sont pas ces valeurs en tant que telles qui déterminent l’appartenance à l’extrême droite ou le fait de faire des concessions à celle-ci : c’est l’établissement d’un lien causal entre insécurité et origine ethnico-religieuse, entre origine et capacité à devenir citoyen.
À l’extrême droite du champ politique, il existe désormais trois catégories distinctes de formations : les partis à vocation gouvernementale, les partis de témoignage et des partis hybrides, comme le FPÖ, le Vlaams Belang en Belgique et le Front national français, qui s’efforcent de faire cohabiter radicalité idéologique et pragmatisme tactique tout en affirmant clairement leur vocation à exercer le pouvoir dans le cadre d’une stratégie annoncée de normalisation et de respectabilité. Nous nous intéresserons ici aux droites populistes et xénophobes radicalisées, donc à la plupart des partis à vocation gouvernementale auxquels est accolée l’étiquette, plus médiatique que scientifique, d’« extrême droite ». Nous tenterons aussi de déterminer dans quelle mesure leur discours est susceptible d’entraîner celui des droites conservatrices et libérales traditionnelles vers des rivages nouveaux, vers une forme d’hybridation qui aboutirait en particulier à la promotion d’une vision ethniciste de l’identité nationale et européenne.
Quelles sont les formations de droite radicale qui réussissent aujourd’hui électoralement ? Il s’agit de formations qui sont parfois des scissions droitières de partis libéraux ou conservateurs (Wilders vient du VVD libéral, sa trajectoire politique ressemble à celle de Philippe de Villiers), parfois des formations établies qui ont subi un cours de radicalisation (l’UDC suisse sous la houlette de Christoph Blocher), parfois d’acteurs nouveaux, comme la Ligue du Nord. Leur fond commun est une critique sévère de la déconnection entre les élites et le peuple, qui débouche sur la mise en opposition d’une démocratie représentative dévoyée et d’une démocratie directe qui permettrait de gouverner selon la voix provenant du « bon sens populaire ». Elles partagent également la volonté de distinguer entre une droite faussement de droite, car gangrenée par le relativisme culturel, la permissivité et le politiquement correct, et une droite entièrement décomplexée, idéologiquement offensive, promouvant une forme d’identité nationale rompant avec la tradition contractuelle. Au coeur du débat : la critique du multiculturalisme, ou plutôt un habile paravent de celle-ci, qui en elle-même est légitime. On perçoit en effet sans difficulté que dans l’esprit d’Umberto Bossi par exemple, il n’est pas demandé à l’étranger de s’intégrer, ni même de s’assimiler : le projet identitaire « padanien », qui est une pure construction intellectuelle, repose sur l’idée même de non-assimilabilité des individus n’appartenant pas, par la naissance et par l’hérédité, à la communauté ethnique.
Le multiculturalisme que ces partis décrient n’est pas la coexistence, sur le territoire d’un État, de normes juridiques distinctes selon l’appartenance ethnique ou religieuse : cela n’existe nulle part en Europe occidentale. Cela n’est pas non plus le relativisme culturel, qui lui existe bien et qu’ont légitimé, dans les années postcoloniales, un certain masochisme et une certaine culpabilité occidentales. Pour Wilders comme pour Blocher, le multiculturalisme consiste en la présence sur le territoire national de personnes et de cultures étrangères aux références européennes et chrétiennes. Raison pour laquelle l’un et l’autre réclament l’interdiction du Coran et non de la lecture qu’en font les islamistes, tout comme ils dénoncent l’islam et non l’islamisme.
L’une des principales innovations de ces formations de type nouveau est de construire un programme politique d’exclusion sur la base de valeurs issues de la philosophie des Lumières. Alors que l’extrême droite de témoignage appelle à « la victoire de l’Europe blanche à laquelle nous oeuvrons (1)», les populismes scandinaves et néerlandais expliquent plus subtilement la nécessité pour les sociétés européennes de préserver les acquis de tolérance politique et religieuse, de défendre l’égalité des sexes et les droits des femmes, de prôner la liberté de la morale privée et les droits des homosexuels, et enfin de veiller à rétablir une laïcité sourcilleuse, argument d’ailleurs sujet à caution dans la mesure où ils ne remettent nullement en cause la place occupée dans le système politique par des partis politiques chrétiens parfois fondamentalistes (Pays-Bas), ou par une religion officielle (le luthéranisme est même religion d’État en Norvège). Mais il est d’autres valeurs clés, dans leur programme, qui peuvent historiquement être associées à la gauche ou au libéralisme politique : citons le droit des citoyens à la sécurité, la valorisation du travail, l’ascension sociale par le mérite, toutes idées que ces mouvements reprochent aux élites d’avoir oubliées ou dévoyées et que le bon sens supposément inné du peuple doit leur rappeler.
À l’inverse, et c’est leur contradiction majeure, ces partis promeuvent une vision de l’identité nationale qui diffère fondamentalement de celle proposée par la tradition libérale- conservatrice construite à partir des principes de 1789, sur la notion d’une citoyenneté acquise contractuellement, par l’effet de la volonté et sur la base des valeurs universelles des droits de l’homme. Dans les formations du type populiste scandinave, chez l’UDC suisse Oskar Freysinger comme chez Umberto Bossi et sa « jeune garde » d’élus leghistes, l’identité prime sur la nation, le Heimat sur la patrie : elle est invariante, fixée par l’espace, l’histoire et la tradition. La référence à l’ethnie n’est plus un tabou : « La Padanie est une terre, écrit Fredrico Prati, mais c’est ensuite un concept d’ordre ethnique, c’est un ensemble de peuples que rapprochent les liens du sang et des traditions (2). » Cette vision de l’identité est ethnodifférentialiste et reformule sur ce sujet les idées de la Nouvelle droite des années 70, mais elle est diamétralement opposée à ce que propose la Nouvelle droite des années 2000, puisque Alain de Benoist et le GRECE affirment que « l’identité ethnoculturelle des différentes communautés qui vivent en France aujourd’hui doit cesser d’être rabattuesur le domaine privé, pour faire l’objet d’une véritable reconnaissance dans la sphère publique (3)».
Les formations de type « droites radicalisées » rompent avec le consensus qui prévaut encore sur la question de l’identité et qui part de deux postulats : celui que l’acquisition de la nationalité repose sur l’adhésion à des valeurs ; celui que cette adhésion passe par l’intégration à une culture dominante, mais pas par la négation des cultures d’origine sitôt qu’elles ne nient pas ouvertement les valeurs de base du pacte social. Précisément, dans les années à venir, les droites de gouvernement seront confrontées à un problème majeur dans la définition qu’elles proposent de l’identité nationale. Ou bien elles choisiront de continuer à défendre un modèle de citoyenneté ouvert, ce qui ne leur permettra pas de récupérer en même temps l’électorat des partis nationaux-populistes (du type Front national en France), ou bien elles feront de cette manoeuvre politique une priorité et leur discours sur la nation deviendra nécessairement « identitaire ». Dans ce dernier cas, elles valoriseront une identité ethnico-culturelle qui articulera enracinements local, régional et national dans le cadre plus large d’une Europe des ethnies. Cela n’est pas une lubie ou un scénario catastrophe : de plus en plus fédérale, l’Union européenne tend à gommer l’échelon de l’État-nation classique et à laisser éclore de grandes entités possédant une cohérence à la fois historique, économique, politique et culturelle comme la Flandre, le Pays basque ou la Catalogne, lesquelles ont nombre d’attributs traditionnels de l’État et peuvent très bien s’intégrer (sans guerre civile d’ailleurs), dans le cadre plus lâche d’une Belgique ou d’une Espagne quasiment confédérales.
Dans le cas français, ce débat entre deux définitions de l’identité signifie que la politique actuelle consistant à définir de manière de plus en plus restrictive les conditions d’appartenance à la communauté nationale butera à un moment sur cette évidence : pour le noyau dur des électeurs du FN, l’identité française ne peut s’acquérir que si on est ethniquement européen et elle suppose l’acceptation du fonds catholique de nos valeurs, au moins comme norme culturelle à l’occasion rebaptisée du vocable trompeur de « judéo-chrétienne ». Tous les efforts de la droite pour chasser — au moins en paroles — sur les terres du FN ont de grandes chances d’échouer, parce que la mise en avant de la notion d’identité suppose une cohérence entre les différents niveaux d’identité, du plus proche (le pays, la région ou la province) au plus lointain (la civilisation européenne) en passant par la nation. Or, sur ce terrain, les droites identitaires ont l’avantage : « Une terre, un peuple » sera toujours plus facile à faire comprendre que de stigmatiser les Roms en faisant l’apologie de l’élargissement de l’Union européenne vers les Balkans et de promouvoir la « diversité » des élites françaises en mettant en avant la notion, juridiquement inexistante, de « Français d’origine étrangère (4)». Le pari de Marine Le Pen est qu’au sein de la droite de gouvernement, une fraction acceptera, notamment en cas de défaite en 2012, de rejoindre une union des « droites nationales » qui accepterait la définition identitaire de la nation. Le cas de figure n’est pas si irréaliste.
L’avenir des thèmes identitaires au sein des droites européennes participe du mouvement plus large qui a vu émerger, dès les années 70, l’idée ethnodifférentialiste, dont Pierre-André Taguieff a montré comment elle se substituait au racisme hiérarchisant, inéluctablement associé à la folie national-socialiste. Reformulée après le 11 septembre 2001 dans le contexte nouveau du « choc des civilisations » et de la désignation de l’islam comme ennemi principal des peuples européens, l’idée identitaire semble à même de permettre à l’extrême droite de s’insérer progressivement dans une « zone grise » se situant à la limite des droites de gouvernement et des populismes radicaux. Son relatif succès électoral, outre qu’il force déjà les droites conservatrices à reformuler leur doctrine de l’identité nationale » dans le sens d’un raidissement idéologique, prouve que la question du rapport entre les identités communautaires et la nation sera l’un des grands débats intellectuels et politiques des années à venir.
notes
1 Pierre Vial, du mouvement Terre et Peuple, lors de la « Quatrième journée de synthèse nationale », tenue à Paris le 11 novembre 2010.
2 Militant leghiste, Prati a publié un livre au titre évocateur : Völkische Weltanschauung, Effepi Edizioni, Gènes, 2009.
3 A. de Benoist et Ch. Champetier, « Manifeste de la Nouvelle droite de l’an 2000 », Éléments, n° 94, février 1999. Le GRECE des années 80 a été agité par une controverse sur cette définition de l’idéologie identitaire. À la conception « communautarienne » d’Alain de Benoist s’oppose celle de Pierre Vial : celle de « la fin du monde blanc » décrite par Jean Raspail en 1973 dans son roman Le Camp des saints.
4 Laquelle par ailleurs est intuitivement comprise par la fraction la plus ethnocentrique de l’électorat comme signifiant « d’origine non européenne » et non chrétienne.
Première parution : Jean-Yves Camus, » La notion d’identité divise les droites : pour combien de temps encore ? », La Règle du jeu, mai 2011, pp.1-8.
source :
http://tempspresents.com/2011/07/13/jean-yves-camus-identite-divise-droites/
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Histoire du fascisme français
L'extrémisme français entre deux époques. Une réponse aux thèses de Zeev Sternhell et un bilan actuel de la droite extrême.
De nombreux ouvrages traitent de la montée de l’extrême droite en Europe et de la séduction des discours populistes dans un monde de plus en plus complexe. La France n’échappe pas à ce terrain d’études. De nouveaux mouvements extrémistes ravivent d’anciens démons de son histoire.
Les deux ouvrages (un recueil et la revue Lignes) ici recensés sont à mettre en parallèle, comme un écho, du passé vers l’avenir. Leurs motivations sont différentes mais ils offrent une analyse pointue des différents mouvements à l’œuvre en France, d’une part au début du XXème siècle et, d’autre part au début du XXIème siècle.
Ces périodes ne sont pas identiques même si la tentation est grande de construire des passerelles. Il n’en reste pas moins que le cas français passionne. Le berceau des libertés et des droits de l’homme n’a jamais été débarrassé d’une droite ultra-conservatrice. Elle a été l’occasion pour certains historiens d’affirmer que le fascisme prend sa source dans le pays de Rousseau, Voltaire et Montesquieu. N’est-ce pas trop?
La France préfasciste d’avant-guerre
Le débat, initié par l’historien israélien Zeev Sternhell, sur les origines françaises du fascisme ne cesse de se poursuivre. Il mobilise ses contradicteurs qui s’emploient avec détermination à démontrer que la thèse de l’historien des idées ne passe pas la barrière des faits, ni en France, ni en Europe. Non, la France n’est pas le pays où prend naissance, avant 1914, le mouvement fasciste qui inondera l’Europe. Ce n’est pas le travail global de l’historien, dont on peut relire la vie et la pensée dans le livre-entretien Histoire et Lumières, paru l'année dernière et commenté ici, qui est remis en cause. Sa thèse, issue de son étude des mouvements nationalistes français d’avant 1914, ne convainc pas. Pour le démontrer, des grandes signatures de la science politique française et européenne se rassemblent dans un ouvrage justement intitulé Fascisme Français?, et dirigé par Serge Berstein et Michel Winock, celui-là même qui fut, par le passé, l’éditeur de Sternhell... Winock ouvre la voie: même si des mouvements existent en France avant 1914, l’Italie connaît elle aussi sa part d’ombre. Plus grave est l’occultation par Sternhell de la Grande Guerre, qui porte les frustrations d’après-guerre et la violence des mouvements européens des années 1920 d’où naîtra le fascisme. Le mot est d’ailleurs prononcé pour la première fois en 1919, en Italie.
Le rejet en France de l’absolutisme monarchique et clérical au XVIIIème siècle produira des réactions contre-révolutionnaires, mais de là à en faire un véritable système, la nomenklatura universitaire manque de s’étouffer.
Rappel à l’ordre
Les faits sont têtus et constituent un rappel à l’ordre salutaire qu’empruntent Alain-Gérard Slama, Jacques Julliard, Jean-Pierre Azéma, Paul Thibaud ou Jean-Noël Jeanneney. Ce n’est pas une union de circonstance, honorant la mémoire de Réné Rémond et défendant les intérêts d’une caste d’intellectuels directement visée par Sternhell. C’est, semble-t-il, la volonté de sortir d’une controverse et d’éclairer le lecteur sur les démons français du début du XXème siècle: boulangisme, antidreyfusard, Barrès, catholiques conservateurs… Le fascisme, par définition totalitaire, violent et communautaire, ne s’accorde pas en France avec une droite qui, malgré tout, reste attachée majoritairement au fond républicain de l’époque. L’idéalisme philosophique de Sternhell, alimenté par sa vison binaire d’une contre-offensive naturelle à la révolution laïque et républicaine française, relève plus de la caricature que de la démarche scientifique. Steven Englund plonge une plume virulente contre cette vision de la France de l’époque, démontrant que les faits donnent raison à la clairvoyance populaire plutôt qu’aux séductions boulangistes. La France n’a pas été épargnée par les mouvements fascisants et notamment celui du PSF dans l’entre-deux-guerres. Elle a connu, avant la Première Guerre mondiale, un fourmillement préfasciste, à la recherche d’une voie entre républicanisme et nationalisme. L’ouvrage démontre parfaitement comment s’organise, dans tous ces réseaux hétéroclites, la dérive de la pensée. Rien n’en fait pour autant le berceau du fascisme européen, ni la marque d’une quatrième droite française. Ces tentations idéologiques, bardées d’antisémitisme et de nationalisme, trouveront en Italie et en Allemagne une virulence totalitaire et une violence organisée. L’analyse de Sternhell est donc une «relecture du passé qui ne passe pas».
Retour ou renouveau de l’extrémisme au XXIe siècle ?
Cette poussée, souvent disséminée, du rejet de l’autre et du repli sur soi n’est donc pas un monopole français. Elle n’est pas non plus celui d’une époque. Le numéro 45 de la revue Lignes présente «Les nouvelles droites extrêmes» et expose avec beaucoup de style et d’intérêt le développement actuel d’une extrême droite toujours aussi diffuse et insidieuse. Le philosophe Jacob Rogozinski et l’essayiste Michel Surya rassemblent de passionnantes contributions d’universitaires sociologues, philosophes, politistes, journalistes, anthropologues. Il ne s’agit pas d’une nouveauté pour les auteurs mais bien d’un retour des conservatismes les plus durs qui ont pu trouver quelques points de convergence dans l’actualité. La question des identités nationales et religieuses, croisant celle des identités sexuelles ou du prétendu enseignement du «genre» dans les écoles, ont donné à voir une étrange kermesse de rue, dans laquelle chacun a tenté de trouver son rôle et placer sa voix. Là aussi, l’ouvrage évite de parler de fascisme, les événements et les discours ne se diluant pas forcément dans les urnes, malgré un Front national qui promet encore des lendemains meilleurs.
L’antisémitisme ou l’homophobie ont repris une place sur la scène médiatique, «détabouisant» des thèmes que l’on croyait définitivement enterrés. Les auteurs décortiquent les mouvements à l’œuvre en France et les discours les plus sidérants entendus durant le printemps 2014, notamment lors du passage de la «Manif pour tous» au «Printemps français». Frédéric Neyrat démontre comment le concept de nationalisme semble parfois dépassé et remplacé par celui d’identitaire, devenu une idéologie qui permet toutes les fantasmagories. Ce discours foncièrement minoritaire et confidentiel a pris une place considérable dans l’espace public. Cette place vient paradoxalement renforcer la légitimité de ces discours absurdes, notamment sur la question du genre, fort bien expliquée par Jean-Philippe Milet. D’une manière générale, la montée du Front national, en parallèle de ces poussées extrémistes, questionne les auteurs car son réservoir est empli d’une peur collective mal identifiée, mêlant l’immigration, la concurrence économique étrangère et la bureaucratie bruxelloise.
Epoques différentes, mêmes dérives ?
Entre la nouveauté et le renouveau, l’analogie avec les années 1930 est parfois frappante, notamment pour l’antisémitisme. «Mais attention de ne pas tomber dans l’anachronisme», prévient Jérémy Guedj, «l’Etat d’Israël n’existait pas, ni la cause palestinienne… néanmoins l’histoire s’impose à la réflexion actuelle».
Face à ces mouvances et au choc des résultats aux élections européennes et départementales, Jean-Loup Anselme envisage, non pas la fin des partis de gouvernement mais plutôt une décomposition à gauche et une recomposition à droite. D’autres auteurs sont plus durs, notamment avec la gauche, évoquant une capitulation intellectuelle. Le sociologue Gérard Mauger évoque, quant à lui, le combat «mythologique» entre le beauf et le bobo, préfigurant des luttes sociétales nouvelles.
Ne pas confondre «libéralisme culturel» et «mondialisation néolibérale», réconcilier les champs intellectuels et éducatifs avec la classe populaire, décrypter les hoaxes et autres théories du complot, dénoncer les fabrications de coupables sur mesure… sont autant de propositions détaillées dans cette revue que l’on pourra lire avec beaucoup d’attention.
Aujourd’hui, comme hier, les pratiques politiques et républicaines, faites de constructions partisanes morcelées, se doivent de monter à l’assaut de ces idées conservatrices, racistes et inégalitaires. Le peuple ne doit pas être exclu de ce nouvel avatar du vivre ensemble.Slate :: lien
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Le « sens de l’histoire » « républicaine » sarkozyste
A l’occasion du sommet extraordinaire qui a réuni hier les dirigeants européens, il a été décidé de porter le le budget de l’opération de surveillance et de sauvetage en mer Triton à 9 millions d’euros par mois (au lieu de trois actuellement) et d’obtenir l’accord de l’ONU pour mener des actions militaires contre les trafiquants de Libye convoyant les immigrés vers l’Europe. Concernant l’accueil et la prise en charge des clandestins à leur arrivée, l’unanimité est moins évidente. Face à des opinions publiques vent debout contre toute nouvelle immigration massive, la prudence a été de mise chez des gouvernants soucieux de ne pas faire enfler la vague antibruxelloise. Le plan d’action proposait aux Etats membres de l’UE d’accueillir «au moins 5.000 personnes» ayant déjà obtenu le statut de réfugiés. La France prendra sa part «en accueillant entre 500 et 700 Syriens», a annoncé François Hollande. Mais la chancelière Allemande Angela Merkel a précisé qu’aucun chiffre ne figure dans la déclaration finale «parce que nous pensons que 5000 n’est pas suffisant». Il est vrai que les commentateurs sont nombreux à répéter en boucle, à essayer den nous persuader que sans l’apport de l’immigration l’Allemagne mourra avant la fin du siècle. Une Allemagne riche mais il est vrai très vieillissante avec trop peu d’enfants –« un cercueil en or » selon l’expression de Jean-Marie Le Pen- qui est condamnée, obligée de s’ouvrir toute grande à un apport de sang neuf…plutôt que de mettre en place une politique nataliste autochtone vigoureuse, d’incitation au renouvellement des générations, mais qui serait frappée d’horribles connotations historiques…
D’ Histoire il est aussi question à l’UMP puisque c’est une dimension historico-idéologique que veut donner Nicolas Sarkozy à son combat contre le FN. Combat qu’il entend gagner en 2017 grâce à une «martingale» rapportait Le Monde : «exclure toute alliance avec le FN mais reprendre ses thématiques traditionnelles (dénonciation de l’immigration, du communautarisme et de l’assistanat), tout en se démarquant sur le projet économique». «Lutte à mort» contre l’opposition nationale qui justifierait également le changement de nom de l’UMP (trop entachée par les affaires) transformée en « les Républicains ».
Lors de la réunion publique qui s’est déroulée mercredi à Nice en soutien à Christian Estrosi, l’ancien chef de l’Etat a tenté de justifier son choix : «la gauche, ils sont d’abord socialistes (sic), ensuite républicains. Nous, nous sommes d’abord républicains, ensuite gaullistes, libéraux, centristes, radicaux ». Un aveu qui permet aux Français de juger de la différence profonde de nature existant entre les partis du Système, cette droite là d’un côté et le Front National de l’autre dont les membres, qui peuvent être de sensibilités différentes, sont d’abord et avant tout des patriotes de l’espèce amoureuse, c’est-à-dire des nationaux, des défenseurs du fait national.
La journaliste Christelle Bertrand, sur le site Atlantico, doute qu’il soit très judicieux de ressortir «une vieille idée» -celle de rebaptiser l’UMP Les Républicains date de 11 ans-, «plutôt que de plancher sur un concept d’avenir ». « Le choix révèle peut-être, une fois de plus, le vide relatif autour de Nicolas Sarkozy en termes de têtes pensantes.» Elle souligne surtout qu’«on assiste, à travers le choix de ce nouveau nom, à un étrange mouvement idéologique. En effet, Nicolas Sarkozy a expliqué, le 7 avril dernier, lors d’une commission exécutive de l’UMP: quand j’étais président de la République je n’aurais pas dû parler d’identité nationale mais dire que le voulais défendre les valeurs de la République. L’ancien président, en choisissant le nom les Républicains, prend clairement ses distances avec son ancien conseiller Patrick Buisson initiateur du débat sur l’identité nationale, quitte à déboussoler une partie de son électorat attachée à cette notion, quitte à froisser les plus centristes qui y voient une américanisation de la droite française ».
Cette américanisation actant une mise à distance de la dimension charnelle de l’identité française au profit des seules règles républicaines n’est pas pour surprendre. C’est ce même Nicolas Sarkozy qui confessait il y a quelques années à Philippe de Villiers : «Tu as de la chance, toi tu aimes la France, son histoire, ses paysages. Moi, tout cela me laisse froid. Je ne m’intéresse qu’à l’avenir ». Du passé faisons table rase, à l’image d’un avenir hors sol, coupé de ses racines profondes dans l’imaginaire sarkozyste.
A Nice M. Sarkozy s’est pourtant fait le chantre de la Provence, symbole de la «civilisation méditerranéenne», «lieu du raffinement, de la culture»… à la transmission de laquelle, plus généralement, a renoncé l’UMP au pouvoir.
Dans une récente tribune publiée dans Le Figaro, Madeleine Bazin de Jessey, agrégée de Lettres classiques, porte-parole de Sens Commun, secrétaire nationale en charge des programmes de formation à l’UMP, dénonçait (avec raison) les «nouveaux programmes d’histoire pour le collège». «Ainsi, l’étude de l’Islam sera obligatoire, mais celle du christianisme médiéval facultative – ceux qui choisiront de l’enseigner devront le faire uniquement sous l’angle de l’ emprise de l’Eglise sur les mentalités rurales. Dans une société en mal d’intégration et de cohésion nationale, on ne manquera pas de s’étonner d’une curiosité si grande pour les religions venues d’ailleurs, et d’une révulsion si manifeste pour nos racines (…). N’est-ce pas pourtant en redonnant à l’élève ces racines que nous le rendrons d’autant plus ouvert à l’altérité? (…) ».
Mme Bazin de Jessey, c’est un comble, semble souffrir de trou de mémoire ou ignorer ( ?) que cette évolution (involution) ,à été accompagnée, propagée, encouragée, actée par les ministres de l’Education, bien peu nationale, que furent dernièrement sous la droite au pouvoir Xavier Darcos et Luc Chatel.
En 2010, l’historien Dimitri Casali s’était justement ému de ce que «Clovis, Charles Martel, Hugues Capet, Louis IX, dit Saint Louis, François Ier, Louis XIII ont disparu des instructions officielles de sixième et de cinquième. Le programme de sixième passe sans transition de l’Empire romain au IIIe siècle à l’empire de Charlemagne, soit une impasse de six siècles(…). A côté des oubliés et des relégués des programmes, il y a les optionnels… » et « parmi ces périodes optionnelles figure le premier Empire (1804-1815). »
«(…) Clovis, Louis IX, François Ier, Louis XIII, Louis XIV, Napoléon Ier… La disparition ou l’amenuisement de ces souverains et de leur règne laisseraient-ils penser qu’ils n’ont plus de réalité historique? (…). «La même question peut être posée concernant la relégation du règne de Louis XIV en fin de programme de cinquième. Pourquoi faire disparaître ou réduire des règnes notamment caractérisés par le rayonnement de la France à l’étranger? »…parce que tout rêve de grandeur et de fierté nationale doit être banni des cerveaux des jeunes Français ?
Dans les faits « François Ier, Henri IV, Louis XIV et Napoléon sont en effet réduits à leur plus simple expression au profit l’ouverture aux autres civilisations de notre monde, comme les empires africains du Songhaï et du Monomotapa »…
De la même façon relevait-il encore, «la disparition de dates et de périodes capitales de l’histoire de France poursuit-il, ainsi que le système des options aboutissent à une Histoire à trous, lacunaire, atomisée, qui rend beaucoup plus difficile l’assimilation par les élèves de la chronologie, cette juste représentation de la profondeur historique (…). La chronologie serait-elle devenue démodée? ».
«Un peuple qui oublie son Histoire est un peuple perdu » soulignait encore M. Casali . Mais notait alors Bruno Gollnisch, est-il encore autorisé aux Français d’imaginer leur avenir à la lumière de leur grand passé historique? Cela est-il compatible avec le progressisme et le « sens de l’histoire » socialiste ou sarkozyste ?
Une amnésie voulue, entretenue qui s’insère dans une perspective d’abrutissement, d’endoctrinement, de déracinement et d’acculturation des peuples , changés en « masses », réduits à de simples agglomérats de tubes digestifs. Le tout au nom de « l’intégration », de la propagande visant et à accélérer la mise en place du « village planétaire », d’une gouvernance mondiale qui suppose largement de faire table rase du passé…Certes nous l’avons vu, au-delà des propos d’estrade, tout cela « laisse froid » le président de l’UMP.
http://gollnisch.com/2015/04/24/le-sens-de-lhistoire-republicaine-sarkozyste/
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Maurras plus que jamais vivant
Le dernier ouvrage de François-Marie Algoud collectionne des milliers de faits, autant de battements de coeur ponctuant l'histoire de l'Action française et de la France entière pendant un siècle et demi.
Le troisième tome d'Actualité et Présence de Charles Maurras de François-Marie Algoud vient enfin de paraître et l'événement fera la joie de tous nos amis ayant lu Un très grand poète (la musique des vers au service du beau et du vrai) et L'Altissime (au service de la France et de l'Église). Le titre du nouveau est en lui-même tout un programme : Le Grand Siècle de l'Action française - Faits chronologiques marquants de son histoire et de celle de la France de 1859 à nos jours (1). Comme aux précédents, tout Français qui se prévaut d'être maurrassien et d'Action française (les deux ne font-ils pas qu'un ?) devra lui donner une bonne place dans sa bibliothèque, mais plus encore aura à coeur de le lire et de le faire lire autour de soi, notamment aux jeunes générations.
Le siècle de l'Action française
Car un ouvrage de François-Marie Algoud est beaucoup plus qu'un livre. On y sent vibrer l'âme de l'auteur, ou plutôt celle de l'ami empressé à vous faire partager dans un foisonnement inouï (quand on aime on ne compte pas !) de textes, de citations, de photos, de dessins et d'anecdotes, les enthousiasmes qui ne l'ont jamais quitté depuis sa jeunesse militante, ainsi que ses colères, que rien ne peut encore apaiser, contre un régime politique qui, en dépit des avertissements du Maître, ne cesse de conduire la France à la décadence.
Le récent ouvrage (presque 500 pages), véritable travail de bénédictin, collectionne des milliers de faits qui éclairent non seulement l'histoire de l'Action française, mais de la France entière pendant un siècle et demi, car notre ami a le souci de poser des points de repère avant même la naissance de Maurras (1868) et bien après sa mort (1952), de même qu'il explore tout l'horizon social, politique, religieux, artistique de la France contemporaine, soulignant à chaque fois combien la présence, ou trop souvent, malheureusement, la mise à l'écart de l'Action française a pesé dans la tournure des événements et dans l'évolution des esprits. Permettez à votre serviteur, ayant eu l'insigne honneur de préfacer ce nouveau volume, de répéter ici que bien vite ces dates qui se télescopent, qu'on les exalte ou qu'on les déplore, apparaissent comme les battements de coeur de la France qui veut vivre, qui veut vivre selon son destin de Fille aînée de l'Église et qui n'est pas décidée à s'en laisser empêcher.
Jamais n'avait été mis aussi systématiquement en évidence cette vérité qu'il faudra bien reconnaître un jour, à savoir qu'il n'est pas un seul méfait, abandon ou scandale politique que telle action ou déclaration de l'Action française n'ait prévu, dénoncé, souvent sanctionné au prix du sang de ses militants. Léon Daudet, Jacques Bainville, Maurice Pujo, Henri Vaugeois, Maxime Real del Sarte, Georges Calzant, Pierre Juhel, Pierre Pujo sont toujours à l'oeuvre au détour de quelque page, faisant bouillonner le patriotisme en plein Quartier Latin, ou défendant le culte de sainte Jeanne d'Arc, ou réclamant la mise hors d'état de nuire de ministres corrompus...
Garder l'espérance
Que 1899 ait vu se créer la Ligue d'Action française juste après les débats catastrophiques de l'Affaire Dreyfus ; que 1908 ait vu naître L'Action Française quotidienne et aussi le comte de Paris futur héritier de la couronne de France ; que 1947 ait vu à la fois surgir le plan calamiteux Langevin-Wallon destiné à soviétiser l'école en France et renaître sous le nom provisoire d'Aspects de la France, le journal de l'Action française ; que 1968, année de tous les désordres, ait été aussi celle où le centenaire de la naissance de Maurras a été ardemment marqué par des colloques et des manifestations de toutes sortes... on dirait (et les exemples abondent) qu'à chaque élan de la république vers l'abîme, le Christ qui aime les Francs se plaît à susciter comme un clin d'oeil aux Français pour les amener à se ressaisir...
Au passage François-Marie Algoud n'hésite pas, avec sa solide érudition et sa chaude expérience des événements, à tordre le cou à bien des idées reçues sur la crise de 1926 (il n'oublie pas le rôle des carmélites de Lisieux et du pape Pie XII), ou sur les années quarante où l'Action française ne s'est jamais compromise avec l'occupant (c'est même de ses rangs que sortirent les premiers résistants dès le 11 novembre 1940).
On voit combien ce gros livre élégant et si vivant, où apparaît clairement la logique des événements, est avant tout un livre d'espérance. Les combats plus récents de l'Action française pour la France, pour sa souveraineté, pour ses départements d'outremer, pour la liberté de l'enseignement, pour le respect de la vie..., combats menés pendant tant d'années sous la conduite du très regretté Pierre Pujo qui nous a quittés le 10 novembre 2007, sont salués par François-Marie Algoud qui sait et qui montre que l'Action française n'a nullement fini son temps. On ne saurait trop le remercier de tels encouragements au soir d'une vie toute donnée à Dieu, à la France et au Roi.
Michel Fromentoux L’ACTION FRANÇAISE 2000 du 5 au 18 mars 2009
1) - Éd.de Chiré, 484 p., 60 euros.
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Fraction - L'appel