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culture et histoire - Page 1581

  • Autour de la politique religieuse

    On a vu, en ces dernières années, se répandre chez trop de nos catholiques, un singulier état d’esprit ; il consiste à tenir le christianisme pour une panacée politico-sociale, capable de remédier par elle-même à tous les maux politiques. Rien de plus fallacieux et de plus illusoire, si l’on songe que la diffusion du christianisme n’a pas suffi à tout arranger dans la société. C’est risquer de le compromettre que d’en attendre des réalisations parfaites dans un ordre politique et terrestre qui n’est pas sa fin propre.

    Mais cet apparent optimisme religieux ne cacherait- il pas une sorte de renoncement à agir dans le monde, par impuissance à en résoudre les difficultés ? Car cette postulation messianique d’une cité parfaite, dont tous les citoyens seraient des saints, s’accommode fort bien d’un pessimisme catastrophique à l’endroit de la cité présente, que l’on renonce du même coup à organiser et qu’on abandonne « au processus de corruption » qui la travaille. Faudra-t-il donc attendre la conversion de tous les citoyens pour rétablir l’ordre dans la rue, l’honnêteté dans la vie publique, la responsabilité dans les corps de l’État ? Un tel absolutisme politico-religieux mène pratiquement à une sorte d’indifférentisme civique qui fait de ceux qui s’en réclament de véritables émigrés de l’intérieur.

    HENRI MASSIS

    Les idées restent Lyon, Lardanchet, 1941

    Si ces lignes étaient signées Charles Maurras, on crierait au naturalisme, mais elles sortent de la plume d’un écrivain catholique, qui, après L’Enquête d’Agathon avec Alfred de Tarde, a écrit sur Ernest Psichari et Jacques Rivière, qui a composé deux séries de Jugements (Renan, Barrès, Gide etc.), défendu le thomisme avec Maritain, avant de se séparer de lui après 1926, quand Rome crut bon de condamner l’Action française, condamnation fort provisoire levée par Pie XII dès 1939. Henri Massis était rédacteur en chef de la Revue Universelle que dirigeait Jacques Bainville. Sa Défense de l’Occident révèle parfois des accents prophétiques. Henri Massis a rassemblé dans Les idées restent des pages sur l’art, la littérature, la morale, la politique et l’histoire « non pas comme une anthologie, mais comme une somme des réalités essentielles éparses dans ses livres ».

    “Indifférentisme”

    Nous relèverons quelques expressions : « panacée politico-sociale » marque déjà une réserve ; le christianisme est présenté comme le remède miracle de guérisseurs qui ne sont pas des médecins. « C’est risquer de le compromettre » souligne une réserve encore plus grande. La religion en tant que telle ne doit pas être impliquée dans les luttes de la cité qui ne sont point « sa fin propre ». Henri Massis parle ensuite de « postulation messianique » : nous risquons de  sortir de l’ordre politique et naturel pour entrer dans une sorte de "sens de l’histoire"  que le catholicisme traditionnel a toujours r e j e t é . « L a conversion de t o u s l e s c itoyens » pour « l’ordre dans la r u e » r e l è v e d’une utopie moralisante, moralisatrice. L’ordre dans la rue se situe avant la cité de Dieu.

    Mais que deviennent nos catholiques entraînés dans cette nébuleuse ? Ils vont tomber dans un « absolutisme politico-religieux », la pire des attitudes politiques qui les mènera à un « indifférentisme civique » . Ils deviendront naïvement les complices du désordre et de l’erreur puisqu’ils ne prendront pas parti pour ceux qui ont politiquement raison. Qui se résigne à voir la France en république travaille en fait pour le désordre qui est l’anarchie dans les têtes avant même de l’être dans l’État.

    Lisons le De Regno de saint Thomas, nous avons un exposé de politique naturelle. La Politique tirée de l’Écriture sainte de Bossuet ne se réfère pas non plus à l’enseignement de l’Évangile, elle induit des préceptes politiques de l’histoire du peuple hébreu dans l’Ancien Testament à la lumière des principes d’Aristote et de saint Thomas. L’épanouissement spirituel de l’homme suppose l’ordre dans la cité, mais il ne le fonde pas. "Politique d’abord."

    Gérard Bauddin L’Action Française 2000 n° 2748 – du 15 mai au 4 juin 2008

  • Des Amérindiens aux origines en partie européennes

    Radio Canada 

    Ex: http://metamag.fr 

    Les Amérindiens ne sont pas exclusivement d'origine asiatique, montre le séquençage complet du plus vieux génome humain connu à ce jour. Les analyses montrent qu'ils partagent aussi des gènes avec les Européens. En effet, ce génome montre des similitudes avec ceux des populations autochtones des Amériques de même que ceux des populations vivant aujourd'hui en Eurasie occidentale, mais pas en Asie orientale.

    L'analyse a été effectuée à partir de l'os d'un enfant mort il y a 24 000 ans près du lac Baïkal, dans le site paléolithique russe de Mal'ta, en Sibérie. L'équipe internationale dirigée par Eske Willerslev, généticien au Muséum d'histoire naturelle du Danemark, a prélevé un minuscule échantillon (0,15 gramme) du squelette de l'enfant dont les restes ont été retrouvés en 1920 sur le site paléolithique de Mal'ta. Elle est ainsi parvenue à en extraire de l'ADN pour analyser son génome, « le plus ancien jamais décrypté à ce jour pour un homme anatomiquement moderne », conclut-elle dans son étude publiée dans la revue Nature. Le groupe de chercheurs a ensuite comparé l'ADN au génome des humains actuels, en particulier des populations amérindiennes, dont la généalogie reste mystérieuse.

    La théorie dominante depuis près de 100 ans laisse à penser que les premiers humains à avoir occupé l'Amérique sont des tribus asiatiques qui auraient franchi le Pacifique en passant par le détroit de Béring, lors d'une glaciation qui avait fait baisser le niveau de la mer entre les côtes sibériennes et l'Alaska.

    Les récentes données montrent maintenant que les Amérindiens semblent en effet être génétiquement proches des populations d'Asie orientale, mais ouvrent également d'autres perspectives. Notamment, des crânes présentant des caractéristiques incompatibles avec une morphologie asiatique et appartenant à des hommes vivant bien avant l'arrivée des Européens suivant la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb.

    En outre, l'ADN mitochondrial de l'enfant sibérien, transmis exclusivement par la lignée maternelle, a pratiquement disparu aujourd'hui, mais il était fréquent (plus de 80 %) chez les chasseurs-cueilleurs européens de la fin du paléolithique et du mésolithique. Pour ce qui est de son ADN nucléaire, transmis par le père via le chromosome Y, il précède celui des populations occidentales actuelles et est à la base de la plupart des lignées amérindiennes, sans ressemblance forte avec les populations asiatiques. Eske Willerslev affirme : « Nous estimons que 14 % à 38 % des ancêtres des Amérindiens peuvent avoir pour origine génétique cette population sibérienne du paléolithique. »

    Ces nouvelles informations laissent à penser que les ancêtres des Amérindiens avaient déjà probablement divergé de ceux des Asiatiques lorsque ce croisement avec les chasseurs-cueilleurs sibériens est survenu. De plus, cette filiation précède le moment où les populations amérindiennes se sont diversifiées dans le Nouveau Monde. Ainsi, selon les auteurs de l'étude parue dans Nature, « la signature génétique occidentale présente chez les Amérindiens actuels ne provient pas seulement de croisements survenus après la découverte de l'Amérique par Christophe Colomb, comme on le pense souvent, mais aussi de l'héritage même des premiers Américains. » L'analyse d'un second échantillon d'ADN, prélevé sur un autre individu sibérien vieux de 17 000 ans, a confirmé leurs résultats en aboutissant à une signature génétique similaire.

    NDLR : Le célèbre archéologue russe, Mikhail Gerasimov a déjà établi que les oeuvres d'art préhistorique de la région de Mal'ta présentent de fortes ressemblances avec des figurines féminines d'Europe datant du paléolithique supérieur. Des similitudes semblables concernent les outils et les structures d'habitation.

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/04/20/des-amerindiens-aux-origines-en-partie-europeennes.html 

  • Peau Neuve

    L’ACTION FRANÇAISE 2000 va changer de présentation. Le numéro 2884 est le dernier de son espèce. Pourquoi changer ? Pour apporter aux lecteurs une information plus dense, plus riche, plus dynamique.

     

    Plus dense avec des articles plus courts ; plus riche avec un dossier systématique ; plus dy- namique en poursuivant la complémen- tarité entre le site de l’Action française (www.actionfrancaise.net) et son journal. L’Action Française 2000 est un journal "de combat", comme notre nouveau gouvernement : si ce dernier n’a pas encore fait ses preuves, sinon celle d’être tristement semblable aux précédents, notre journal, lui, peut s’enorgueillir de sa longévité et de la permanence de ses engagements. Depuis sa création, L’Action Française 2000 s’est efforcé d’ac- compagner le débat intellectuel français, en rendant compte du mouvement des idées et en replaçant constamment la réflexion royaliste comme une perspective normale du débat ; il a aussi examiné la place de la France dans le concert des nations, rendu compte des évolutions géopolitiques et regretté les choix hasardeux ou antinationaux de nos dirigeants successifs ; enfin, il a toujours tenu sa position d’observateur éclairé, refusant le jeu des partis et des adhésions partisanes, se donnant toujours le temps d’exposer les principes et d’analyser les propositions, sans trancher en fonction des passions du moment. Dans sa nouvelle formule, L’Action Française 2000 poursuivra cette ligne éditoriale, réaffirmant que « tout ce qui est national est nôtre » : l’évolution des institutions comme les nouveaux faits de société, notre souveraineté en souffrance comme l’économie mondialisée, et surtout l’avenir de l’intelligence, comme s’appellera désormais la rubrique consacrée aux idées et aux débats. À la faveur de sa nouvelle formule, le journal accueillera de nouveaux collaborateurs le combat est ancien mais les troupes toujours renouvelées — et ces pages sont un trait d’union. ❑

    http://www.actionfrancaise.net/craf/?Peau-Neuve

  • 1303 : Le roi seul maître au temporel

    Cette année-là, la dix-huitième de son règne, Philippe le Bel, trente-cinq ans, était le premier souverain d'Europe. Avec l'aide de légistes nourris de la notion romaine de souveraineté, il proclamait à toute occasion et non sans une certaine impétuosité l'indépendance de la couronne qu'il savait recevoir de Dieu seul.

    Le malheur avait voulu que régnât à Rome depuis 1295 un pape de haute culture mais obtus. Ayant succédé au pauvre et éphémère Célestin V dont il avait hâté la fin, le cardinal Caetani, devenu Boniface VIII, se faisait de la fonction papale une idée certes haute mais quelque peu totalitaire, prétendant imposer sa volonté aux rois non seulement dans les domaines de la foi et de la morale (cela ne se discutait pas) mais aussi dans les affaires politiques.

    Certes, la Chrétienté, que Maurras devait admirer comme la « grande fraternité des peuples baptisés » existait encore, mais les États s'affirmaient, s'organisaient, entraient dans l'histoire, devenant de réelles communautés de destin. S'ils pouvaient accepter l'arbitrage pontifical pour régler leurs différends entre eux, ils ne pouvaient admettre un impérialisme papal. Le grand-père du roi Philippe le Bel, Louis IX, que Boniface VIII avait lui-même canonisé en 1297, ne pensait pas autrement.

    Tout avait commencé entre Boniface et Philippe par une basse question d'argent. En principe, étant chargé de l'assistance publique, le clergé ne payait pas d'impôt, mais pour mener la guerre contre les Flamands, le roi, ayant besoin de beaucoup d'argent, leva en 1295, la "décime" que, bon gré mal gré, le clergé accepta. Puis il voulut percevoir un impôt général du "cinquantième", ce dont les évêques allèrent se plaindre à Rome. Le pape publia la bulle Clericis laïcos précisant d'un ton très dur que les rois ne pouvaient lever un impôt sans l'autorisation du Saint-Siège, tandis que le roi interdisait tout passage de monnaie à l'étranger. Suivirent moult bulles papales et déclarations royales, véhiculant menaces et défis avec exagérations des deux côtés, jusqu'au jubilé de 1300 où l'on put croire à un apaisement. Dès l'année suivante Boniface VIII arbora une tiare avec une seconde couronne manifestant son autorité au-dessus des rois. Les positions restaient aussi fermes et les tempéraments tout aussi entiers.

    Pour envenimer les choses, surgit un agité, Bernard Saisset, évêque de Pamiers, qui, fâché avec tout le monde sauf avec le pape, parlait de soulever le Languedoc. Le roi le fit arrêter, le pape le réclama, puis se fâcha et publia la bulle Ausculta filii, affirmant que le pape est au-dessus des rois même au temporel et intimant au roi l'ordre de se débarrasser de ses conseillers. À quoi Philippe répondit en convoquant le dimanche des Rameaux 1302 à Notre-Dame une vaste assemblée d'évêques de clercs, de princes et de barons, et de représentants des communes (une sorte d'embryon d'états généraux) qui marqua l'union intime du roi et de ses sujets sur la grave question de la liberté du royaume. Le garde des Sceaux, Pierre Flotte, affirma que « le roi n'a pas de supérieur au temporel ». Une députation envoyée à Boniface s'entendit dire par celui-ci que si Philippe ne venait pas à résipiscence, « nous le déposerions comme un varlet ». Et sur ce fait de fulminer l'excommunication et de convoquer un concile avec obligation pour les évêques français d'y venir...

    Philippe le Bel, qui venait de subir à Courtrai une défaite contre les Flamands, ne voulait plus tergiverser. Désormais, il allait demander ce qu'aucun roi n'avait jamais osé : la déposition du pape ! Comme le montre Jacques Bainville, ce n'est qu'en voyant que l'intransigeance pontificale pouvait ébrécher son autorité et l'unité morale du royaume que Philippe le Bel frappa le grand coup : il envoya avec une petite troupe et dans le plus grand secret son conseiller Guillaume de Nogaret à Anagni pour qu'il se saisît de la personne du pape et l'amenât à comparaître devant un concile général en vue de sa destitution. La nuit du 7 septembre 1303 eut lieu la rencontre. Le pape fut enlevé, mais plus aucun historien sérieux ne dit qu'il aurait été giflé. Deux jours après, la foule le libérait ; quinze jours plus tard, Boniface VIII mourait d'émotion, assez peu regretté même de son entourage romain.

    Ledit "attentat d'Anagni" ne fut qu'une démonstration audacieuse et risquée d'une juste exaspération. En octobre, le nouveau pape Benoît XI levait les sanctions contre Philippe le Bel et lui consentait la "décime" pour deux ans. Puis l'année suivante, son successeur Clément V allait être le premier pape à s'installer à Avignon, sous protection française.

    Philippe le Bel, que l'on sait par ailleurs extrêmement pieux n'avait point agi par "laïcisme". Il voulait seulement affirmer avec la fougue de la jeunesse d'une nation en pleine éclosion que pour le bien de l'un et de l'autre le pape et le roi devaient être pleinement souverains chacun dans son domaine et que spirituel et temporel ne devaient pas empiéter l'un sur l'autre. On aimerait voir la République agir aujourd'hui de la sorte à l'égard de tous les papes de la pensée unique...

    MICHEL FROMENTOUX  L’Action Française 2000 du 1 er au 14 mai 2008

  • Alain de Benoist : « Les guerres idéologiques modernes ont pris le relais des anciennes guerres de religion »

    Entretien avec Alain de Benoist paru sur Boulevard Voltaire le 24/04/2014 – Nicolas Gauthier pour Boulevard Voltaire. – (…) Grande est l’impression que, désormais, non content de battre l’ennemi, il faut l’annihiler, le criminaliser, voire le convertir… N’assistons-nous pas à des parodies de croisade, les droits de l’homme ayant remplacé les Évangiles ?

    Dès que l’on se situe sur le terrain de la morale, une telle évolution est inévitable. Les guerres de religion sont par définition les plus meurtrières, parce que l’ennemi n’y est plus perçu comme un adversaire du moment, qui pourrait éventuellement devenir un allié si les circonstances changeaient, mais comme une figure du Mal. C’est pour en finir avec les guerres de religion qu’au lendemain des traités de Westphalie (1648) un nouveau droit de la guerre (jus ad bellum), lié à l’avènement de ce qu’on a appelé le jus publicum europaeum, a vu le jour. Son but explicite était d’humaniser la guerre, de la « mettre en forme », selon l’expression de Vattel. C’était une guerre à justus hostis : on admettait que celui-là même que l’on combattait pouvait avoir ses raisons. Il était l’ennemi, mais il n’était pas le Mal. La victoire s’accompagnait d’un traité de paix, et nul ne cherchait à perpétuer, au lendemain des combats, une hostilité qui n’avait plus lieu d’être.

    Les guerres idéologiques modernes ont pris le relais des anciennes guerres de religion, avec lesquelles elles ont une évidente parenté : il y est toujours question du Bien et du Mal. Ces guerres modernes ressuscitent le modèle médiéval de la guerre à justa causa, de la « guerre juste », c’est-à-dire de la guerre qui tire sa légitimité de ce qu’elle défend une « juste cause ». L’ennemi est, dès lors, nécessairement tenu pour un criminel, un délinquant, qu’il ne faut pas seulement vaincre, mais dont on doit aussi éradiquer tout ce qu’il représente. Les guerres « humanitaires » d’aujourd’hui sont des guerres au nom de l’humanité : qui se bat au nom de l’humanité tend nécessairement à regarder ceux qu’il combat comme hors humanité. Contre un tel ennemi, tous les moyens deviennent bons, à commencer par les bombardements de masse. Dès lors s’effacent toutes les distinctions traditionnelles : entre les combattants et les civils, le front et l’arrière, la police et l’armée (les guerres deviennent des « opérations de police internationale ») et finalement la guerre et la paix, puisque avec la « rééducation » des populations conquises, la guerre se prolonge en temps de paix. Quant au soldat, comme l’écrit Robert Redeker, l’auteur du Soldat impossible, il est « remplacé par un mixte de policier, de gendarme, d’intervenant humanitaire, d’assistance sociale, d’infirmier et de pédagogue », chargé de « convertir, en punissant les récalcitrants, tous les États aux droits de l’homme et à la démocratie ». Ce n’est plus qu’une apparence de soldat. (…)

    Texte intégral : bvoltaire.fr/alaindebenoist/les-guerres-ideologiques-modernes-pris-relais-anciennes-guerres-religion,56814

  • Croatie : la révolution d’avril 1941

    Le jeudi 10 avril 1941, soit 4 jours après le début de l’offensive allemande contre la Yougoslavie, il est aux alentours de 16h10 (1) lorsque l’ancien colonel Slavko Kvaternik s’exprime sur les ondes de Radio Zagreb et proclame, au nom d’Ante Pavelić, le rétablissement de l’indépendance croate. Quelques minutes plus tard, la station diffuse un bref message de Vladko Maček, demandant au peuple croate de reconnaître l’autorité du nouveau pouvoir et de loyalement coopérer avec lui. La ville est d’ores et déjà sous le contrôle des miliciens du Parti Paysan, des militants de l’Oustacha et des volontaires issus de diverses associations patriotiques comme Uzdanica. Témoin « neutre » des événements, le consul américain John James Meily raconte :
    « Le mercredi 9 avril, le bruit court que toute la Garde Civique du Parti Paysan est passée du côté frankiste ; les officiels serbes présents à Zagreb et notamment le Vice-Ban s’apprêtent à quitter la ville. Le jour suivant, le 10 avril, la Garde Civique et une partie au moins de la Garde Rurale se déclarent ouvertement favorables aux Frankistes (2) ; vers 10 heures du matin, le Vice-Ban reçoit l’un de nos fonctionnaires en s’écriant ‘C’est la débacle ! La débacle totale !’. À midi, le chef de cabinet du Ban nous informe que la Yougoslavie, c’est fini ; que dans quelques heures, les troupes allemandes vont entrer en ville ; que la Croatie va se déclarer indépendante et que le Parti Paysan s’arrangera avec les Frankistes. C’est quelques minutes avant l’entrée des premiers soldats allemands dans Zagreb que le général Kvaternik, un chef frankiste ou oustachi, proclame à la radio, au nom du Poglavnik Dr Ante Pavelić, l’État Indépendant Croate (…) Vers 16 heures, des milliers de citoyens enthousiastes acclament les premières unités mécanisées allemandes. Dans le même temps, un petit groupe organisé de Frankistes, ou d’oustachis comme ils se nomment eux-mêmes, avec à leur tête le major oustachi Ćudina, des étudiants frankistes et la Garde Civique s’emparent des bâtiments publics, de la gare et de la radio, sans rencontrer de résistance. C’est ainsi que la Croatie se sépare, sans effusion de sang (seul un policier a été tué), de l’État yougoslave » (3).
    La proclamation de l’indépendance n’apparaît donc aucunement comme une initiative ou une manœuvre allemande. Les protagonistes de cette journée du 10 avril sont bien tous des Croates, la Wehrmacht n’est pas encore arrivée et seul le Dr Edmund Veesenmayer (1904-1977) représente sur place les autorités du Reich. La révolution qui commence ne pourrait avoir lieu sans un vaste consensus : à cette date, l’Oustacha ne peut, en effet, mobiliser, au mieux, que 4.000 à 5.000 militants assermentés et armés, ce qui serait tout à fait insuffisant en cas de résistance yougoslave. En réalité, le colonel Kvaternik sait pouvoir compter sur la Garde Civique et la Garde Rurale dont les chefs — Zvonko Kovačević, Đuka Kemfelja, Milan Pribanić — disposent de 142.000 hommes bien entraînés. À cette force d’essence politique s’ajoutent encore les effectifs de la police et de la gendarmerie dont les commandants, Josip Vragović et le général Tartalja acceptent eux aussi de cautionner le coup de force. Ces gens n’ont quand même pas tous été soudoyés par la Wilhelmstrasse ! Cette conjonction de forces disparates n’est possible que parce que les chefs du Parti Paysan — V. Maček et A. Košutić — approuvent (4) ou laissent faire et que l’objectif, à savoir l’indépendance nationale, fait clairement l’unanimité. D’ailleurs, si l’on en croit le récit du consul Meily, mais également les témoignages du consul allemand Alfred Freundt et du général Kühn, la population de Zagreb ne cache pas sa joie.
    Un soulèvement général
    L’assise populaire et le caractère spontané du soulèvement croate trouvent leur confirmation dans une multitude de rébellions locales (5) qui précèdent ou suivent les événements de Zagreb. Ainsi, dès le 3 avril, le capitaine d’aviation Vladimir Kren déserte-t-il et s’envole-t-il pour Graz afin de convaincre les Allemands de ne pas bombarder les villes croates. Trois jours plus tard, le colonel Zdenko Gorjup et d’autres pilotes croates se mutinent sur un aérodrome de Macédoine. Le 7 avril, des patriotes s’emparent de Čakovec où le pharmacien Teodor Košak proclame l’indépendance de la Croatie. Le même jour, des soldats se mutinent à Đakovac puis à Veliki Grđevac et à Bjelovar où les nationalistes (le Dr Julije Makanec, le député Franjo Hegeduš et le sergent Ivan Čvek) prennent le pouvoir (6). Des accrochages opposent soldats croates et serbes à Đakovo mais aussi à Vaganj où l’officier croate Milan Luetić est tué lors d’un affrontement. Le 10 avril même, le capitaine Želimir Milić et l’équipage d’un torpilleur se révoltent à Šibenik, tandis que la ville est prise en main par le Dr Ante Nikšić. À Crikvenica, le major Petar Milutin Kvaternik s’insurge contre le commandement serbe de la garnison (ce qui lui coûtera la vie), tandis qu’à Split, le capitaine Righi et le lieutenant-colonel Josip Bojić chassent les dernières autorités yougoslaves. En Bosnie et en Herzégovine, le soulèvement s’étend également. À Doboj, des patriotes se battent contre une vingtaine de blindés yougoslaves à Mostar, la population se soulève derrière Stjepan Barbarić et Ahmed Hadžić tandis qu’à Livno, le Frère Srećko Perić prend la tête de l’insurrection. Affirmer, comme on l’a longtemps fait, que tous ces mouvements avaient pour seule origine de sombres complots ourdis par l’étranger est pour le moins simpliste, voire carrément malhonnête. Comme l’écrira plus tard le Dr Georges Desbons :
    « Il était naturel qu’en 1941, les Croates refusent de se battre sous l’influence de la Yougoslavie, devenue une formation serbe à l’exclusif profit des Serbes (…) Il était logique, la force militaire yougoslave s’effondrant, que les Croates se saisissent de cette occasion unique de proclamer leur indépendance. La logique cadrait avec l’impératif national » (7).
    Beaucoup d’adversaires de l’émancipation nationale croate persistent envers et contre tout à tenir l’État Indépendant Croate pour une simple création artificielle de l’Axe et le 10 avril pour un vulgaire putsch dépourvu de racines populaires. Nous venons de voir que la proclamation de l’indépendance semble pourtant avoir recueilli l’assentiment d’une majorité de la population et bénéficié du soutien actif de très nombreux citoyens qui ne pouvaient tous appartenir aux services secrets allemands et italiens… Il n’est peut-être pas inutile de rappeler en outre que la création d’un État croate n’entrait pas vraiment dans les plans de l’Axe. Dans une concluante étude, publiée il y a un quart de siècle (8), le professeur K. Katalinić a bien montré que le IIIe Reich s’était toujours déclaré favorable au maintien de la Yougoslavie : tant l’envoyé spécial allemand Viktor von Heeren (décoré de l’Ordre de Saint-Sava en 1937) que le secrétaire général aux affaires étrangères Ernst von Weizsäcker ne cachaient pas leur volonté de préserver le Royaume Yougoslave. Au moment de la guerre (qui n’éclate qu’en raison des manigances britanniques à Belgrade et dont l’objectif principal est le contrôle de la Grèce), le Führer lui-même commence par envisager de placer la Croatie sous tutelle hongroise (6 avril 1941), puis il prévoit de confier la Dalmatie, la Bosnie et l’Herzégovine aux Italiens, avant de préciser (dans ses Instructions provisoires du 12 avril 1941) que l’Allemagne ne s’immiscera pas dans les affaires intérieures de la Croatie. Du côté italien, le régime fasciste ne cachait pas son appétence pour la Dalmatie et quant à la cause croate, elle avait définitivement cessé de plaire après la signature (1937), avec Milan Stojadinović, d’un avantageux traité. Dans ces conditions, affirmer que l’État Indépendant Croate fut une « création » de l’Axe est abusif : la révolution d’avril a éclaté parce que la patience du peuple croate était à bout et que l’opportunité de s’affranchir se présentait. Le mouvement était spontané et les occupants, placés devant le fait accompli, n’ont fait que le tolérer.
    Une monarchie très critiquée
    Les détracteurs de l’État Indépendant Croate font généralement mine d’ignorer ce que pouvait être l’exaspération des Croates en 1941. À les en croire, rien ne laissait présager que les Croates souhaitaient se séparer de la Yougoslavie, ce qui prouverait bien, selon eux, que le 10 avril ne fut qu’un grossier subterfuge des Allemands et l’État de Pavelić une imposture. Il y a là, bien sûr, une immense hypocrisie car les problèmes de la Yougoslavie étaient depuis longtemps connus de tous, ainsi d’ailleurs que les revendications des Croates. En France, par exemple, l’encre du Traité de Saint-Germain est à peine sèche que certains journalistes commencent à dénoncer, à l’instar de Charles Rivet du Temps, le panserbisme agressif des dirigeants du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes. À l’époque, toutefois, ce genre de critique ne rencontre que peu d’écho. Bien que le roi Alexandre s’affranchisse allègrement de son serment de servir la démocratie, les gouvernants occidentaux persistent à témoigner à son égard d’une grande mansuétude (9). La haute administration est très serbophile : en l920, raconte Paul Garde, l’ambassadeur Jacques de Fontenay s’inquiète de la prochaine sortie de prison de Stjepan Radić, et quant à son confrère Émile-Laurent Dard, il souhaite carrément « que la dictature subsiste » (10)… Petit à petit, cependant, sous l’influence des memoranda de l’émigration croate et des campagnes d’information du Parti Paysan, l’image du royaume se ternit sensiblement. En 1928 survient l’assassinat, en plein Parlement, de Stjepan Radić, Pavao Radić et Đuro Basariček, et cette fois, le masque tombe. L’attentat de la Skupština révèle au monde entier la violence de l’antagonisme opposant Serbes et Croates. « Le tragique décès de Stjepan Radić — commente The Economist (18 août 1928) — place dorénavant les Croates et les Serbes dans deux camps hostiles et irréconciliables ».
    Loin de ramener le régime à la raison, cette tragédie conduit, quelques mois plus tard, le souverain à instaurer officiellement la dictature, ce qui attise encore un peu plus les passions. Désormais, nombreux sont ceux qui s’alarment publiquement de la dérive franchement totalitaire du Royaume Yougoslave. Les principaux dirigeants politiques croates — Vladko Maček, Ante Trumbić, Juraj Krnjević, Ljudevit Kežman, August Košutić et Ante Pavelić — multiplient les démarches auprès des capitales européennes où leurs doléances trouvent maintenant des oreilles plus attentives. Profondément choquée par le carcan de fer que le roi Alexandre impose à son pays (11), la presse internationale ne cache plus ses réserves. Les blâmes émanent des plus grandes plumes et même de vieux amis comme R.W. Seton-Watson et Wickham Steed. « Si la Yougoslavie opte définitivement pour l’autocratie militaire et royale », écrit le premier, « elle se privera de l’aide des puissances occidentales car celles-ci estiment qu’il est contraire à l’intérêt général de maintenir en Europe de l’Est un gouvernement despotique ». « Les méthodes de torture auxquelles recourt la police yougoslave — proteste le second — rappellent les pires moments de la tyrannie turque » (12). Le 16 janvier 1931, c’est au tour de John Gunther, le correspondant en Europe du Chicago Daily News, de dénoncer le pillage économique auquel le régime yougoslave soumet la Croatie mais également les discriminations dont souffrent les Croates dans l’armée et la fonction publique, sans oublier les méthodes très cruelles de la police royale (13). 1931, c’est aussi l’année où le savant croate Milan Šufflay tombe sous les coups d’une équipe de nervis mandatés par le pouvoir. Trois ans à peine après l’assassinat de Radić, le scandale est énorme. Il suscite aussitôt la réaction indignée d’Albert Einstein et de Heinrich Mann qui en appellent à la Ligue Internationale des Droits de l’Homme. Leur lettre, qui met directement en cause les autorités yougoslaves, paraît le 6 mai 1931 à la une du New York Times.
    L’opprobre international
    DesbonsDans les années 30, les gouvernements occidentaux, français et britannique en particulier, ont beau s’accrocher bec et ongles au vieux mythe de la Yougoslavie dynamique, forte et unie, celui-ci ne trompe plus grand monde. Au Royaume-Uni, 17 députés signent, en 1932, un manifeste dénonçant les discriminations qui frappent les populations non-serbes de Yougoslavie (14), tandis que le célèbre chroniqueur Herbert Vivian s’indigne, dans les pages de l’English Review, de la répression sauvage qui sévit dans ce pays (15). De cette violence, l’ancien parlementaire Ante Pavelić dresse pour sa part un tableau sans concession dans une petite brochure (16) qu’il édite en 4 langues (croate, allemand, français, espagnol) et diffuse dans toute l’Europe. Les abus et les exactions que couvre ou ordonne le pouvoir yougoslave lui aliène de plus en plus de monde. Aux États-Unis, le président du Comité International pour la Défense des Détenus Politiques, Roger Nash Baldwin, proteste solennellement auprès de l’ambassade yougoslave (24 nov. 1933) contre les tortures infligées aux prisonniers croates et macédoniens ; sa lettre est contresignée par les écrivains Theodore Dreiser, John Dos Passos, Upton Sinclair et Erskine Caldwell. En France, le député démocrate-chrétien Ernest Pezet, qui fut un chaud partisan de l’unité yougoslave, publie La Yougoslavie en péril (Paris, Bloud et Gay, 1933) où il dresse un bilan sévère du régime d’Alexandre : « La Yougoslavie — reconnaît-il, déçu — n’est qu’une appellation trompeuse destinée à masquer, aux yeux de l’étranger, une pan-Serbie impérieuse et dominatrice » (p. 256). Dans La dictature du roi Alexandre (Paris, Bossuet, 1933), l’ancien ministre (serbe) Svetozar Pribičević fait le même constat. De retour d’une mission d’information en Yougoslavie (juin 1933), les sénateurs Frédéric Eccard, Guy de Wendel et Marcel Koch se déclarent eux aussi très inquiets de l’évolution négative du royaume (17), un sentiment que partage entièrement Robert Schuman qui visite Zagreb en août 1934. Le député catholique et futur ‘Père de l’Europe’ est scandalisé par le sort particulièrement injuste réservé aux Croates. « Il est impossible — écrit-il à Louis Barthou — d’ignorer plus longtemps cette situation malsaine (…) il faut le retour à un régime constitutionnel de liberté et de fédéralisme, respectant l’individualité de toutes les nations composant cet État » (18). Un peu avant le voyage de R. Schuman, le journaliste Henri Pozzi a lui aussi publié un portrait sans fard de la Yougoslavie. Dans ce pamphlet qui s’intitule La guerre revient (Paris, Paul Berger, 1933), il énumère les crimes de la dictature yougoslave et rapporte au passage ce propos prémonitoire d’Ante Trumbić : « … en aucun cas, même en cas de guerre étrangère, l’opposition croate ne consentira à donner son appui politique, son appui moral, au gouvernement actuel de la Yougoslavie, à lui accorder son blanc-seing » (p.40)…
    En 1934, le conflit intra-yougoslave atteint un sommet avec l’exécution, le 9 octobre, à Marseille, du roi Alexandre Ier. Perpétré par un Macédonien et organisé par des Croates, cet attentat a un retentissement mondial mais à l’intérieur du royaume, il ne change pas grand- chose. Comme en attestent les affaires de Sibinj et Brod (19), la répression ne faiblit pas et la presse internationale, un instant émue par le régicide, renoue vite avec la critique virulente du régime. « La pire terreur règne en Yougoslavie », affirme ainsi le quotidien parisien L’Œuvre (16 juin 1935), avant d’ajouter que « ces persécutions des populations non-serbes, catholiques pour la plupart, méritent non seulement d’être dénoncées, mais nécessitent l’intervention des peuples civilisés » (20). En 1936, les méthodes moyenâgeuses de la police yougoslave et l’insalubrité légendaire de ses cachots suscitent l’indignation du romancier et futur Prix Nobel français André Gide. Publié (le 7 février) dans les pages de Vendredi, l’ « hebdomadaire du Front Populaire », son article précède de quelques semaines à peine la mort à Srijemska Mitrovica du nationaliste Stjepan Javor ! Les années qui suivent et qui précèdent immédiatement la Deuxième Guerre mondiale demeurent elles aussi marquées d’une vive tension : ici, les gendarmes abattent sans raison 7 jeunes gens (le 9 mai 1937 à Senj) et là, on manipule le résultat des élections ou l’on suspend arbitrairement un journal d’opposition. Le contentieux croato-serbe paraît vraiment insurmontable et le 15 janvier 1939, les députés croates menacent même d’appeler le peuple à prendre les armes au cas où l’on persisterait à lui dénier son droit à l’autodétermination.
    Une révolution démocratique
    On aura compris, à la lecture de ce bref rappel, qu’il est tout à fait malhonnête, comme nous l’avons dit plus haut, d’affirmer que la sédition croate de 1941 ne fut que le fruit d’une machination hitléro-fasciste. En fait, après 23 ans d’absolutisme, l’exaspération du peuple croate était à son comble et tout le monde le savait. Le soulèvement des Croates était inéluctable et l’attaque allemande n’en fut que le détonateur. Le gardien de « la prison des peuples » étant en difficulté, l’occasion était propice et les patriotes l’ont opportunément saisie. Dans son prologue, la Déclaration d’Indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776 énonce que les hommes sont dotés de certains droits inaliénables dont la vie, la liberté et la recherche du bonheur. « Les gouvernements — ajoute le texte — sont établis par les hommes pour garantir ces droits et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu’une forme de gouvernement devient destructive de ces buts, le peuple a le droit de la changer ou de l’abolir ». En France, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 24 juin 1793 précise dans son article XXXV que « quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple, et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs ». En 1941, les Croates n’ont fait qu’appliquer ces vieux principes et en ce sens, la révolution d’avril fut tout ce qu’il y a de plus démocratique.
     Christophe DolbeauTabou n°18,, 2011.
    ◊ Notes :
    (1) Curieusement, dans son rapport à Berlin, le Dr Veesenmayer situe l’intervention du colonel Kvaternik à 17h 45 – cf. J. Tomasevich, War and Revolution in Yugoslavia, 1941-1945, Stanford, Stanford University Press, 2001, p.54.
    (2) Surnom donné aux membres du Parti du Droit Croate, héritiers de la pensée de Josip Frank (1844-1911).
    (3) Voir I. Omrčanin, The Pro Allied Putsch in Croatia in 1944 and the Massacre of Croatians by Tito Communists in 1945, Philadelphie, Dorrance and Co, 1975, pp.103-107.
    (4) Au sein du Parti Paysan, les députés Janko Tortić et Marko Lamešić ont mis en place une structure clandestine baptisée Organizacija za oslobođenje i borbu (OZOIB).
    (5) Cf. I. J. de Mihalovich-Korvin, Istina o Nezavisnoj Državi Hrvatskoj, Buenos Aires, Croacia y los Croatas, 1991, p.12-13.
    (6) Voir Z. Dizdar, « Bjelovarski ustanak od 7. do 10. Travnja 1941 », Časopis za suvremenu povijest, n°3 (2007), 581-609.
    (7) G. Desbons, « Rapport France-Croatie », Balkania, vol. I, n°1 (janvier 1967), p.24.
    (8) K. Katalinić, « Proclamación de la independencia croata a la luz de los documentos internacionales », Studia Croatica, vol. 2, n°105 (avril-juin 1987), 102-130.
    (9) Voir F. Grumel-Jacquignon, La Yougoslavie dans la stratégie française de l’entre-deux-guerres, aux origines du mythe serbe en France, Berne, Peter Lang, 1999.
    (10) Cf. P. Garde, « La France et les Balkans au XXe siècle », Contrepoints du 16.11.2000.
    (11) Voir Christian Axboe Nielsen, « Policing Yugoslavism : Surveillance, Denunciations, and Ideology during King Alexandar’s Dictatorship, 1929-1934 », East European Politics and Societies, vol. 23, N°1 (February 2009).
    (12) Cf. S. Hefer, Croatian Struggle for Freedom and Statehood, Buenos Aires, Croatian Liberation Movement, 1979, p. 77.
    (13) Ibid, pp. 78-80.
    (14) Cf. M. Gjidara, « Cadres juridiques et règles applicables aux problèmes européens de minorités », Annuaire Français de Droit International, 1991, vol. 37, p. 356.
    (15) Cf. S. Hefer, op. cité, p. 60-61.
    (16) Voir Ekonomska obnova podunavskih zemalja. Razoružanje Beograd i Hrvatska, Vienne, Grič, 1932 (rééd. : Domovina, Madrid 1999).
    (17) Cf. Gergely Fejérdy, « Les visites de Robert Schuman dans le bassin du Danube », in : Robert Schuman et les pères de l’Europe (dir. S. Schirmann), Bruxelles, Peter Lang, 2008, p. 77.
    (18) Ibid, p. 80. Voir également M. Grmek, M. Gjidara, N. Šimac, Le nettoyage ethnique, Fayard, 1993, pp. 146-149.
    (19) Le 19 février 1935, la gendarmerie yougoslave tue 8 paysans croates à Sibinj et le lendemain, 20 février 1935, six autres à Brod.
    (20) Cf. M. Gjidara, op. cité, p. 356.

  • La route des Varègues aux Grecs : à l’origine du tropisme russe pour les mers chaudes

    Ex: http://www.alliancegeostrategique.org

    En l’an 862, et sur les berges de l’Ilmen, Rurik vient de gagner un territoire qu’il pressentait sans limites, et dont Holmgard, l’inexpugnable forteresse le toisant derrière le rideau brumeux, serait le premier jalon. C’est ainsi que débute vraiment la longue route vers le sud, dite des varègues aux grecs, d’une longueur totale de près de 1700 kilomètres des rives de la Baltique jusqu’à l’embouchure du Dniepr.

    C’est à partir de Novgorod, implantation varègue à proximité d’un village slave que l’axe nord-sud va prendre progressivement tout son sens. Car ce choix relevait de tout sauf du hasard puisque la forteresse permettait un déploiement, un contrôle et un ravitaillement se situant au tout début de cette fameuse route (trajet en violet sur la carte). Un axe commercial nord-sud à la fois fluvial et terrestre particulièrement lucratif pour ce peuple de marchands qu’étaient ces scandinaves venus de l’actuelle Suède et dont les qualités guerrières étaient appréciées à leur juste valeur jusqu’à la cour de l’Empereur Byzantin : ce dernier fut souvent fort ravi de disposer de sa garde varangienne, une unité de choc et d’élite qu’eurent à craindre les adversaires de l’Empire romain d’Orient pendant près de deux cents ans jusqu’à leur dissolution par les nouveaux maîtres croisés de Constantinople en 1204. Pour en revenir à cet axe, ce cheminement et la sécurisation de cette voie fut aussi à l’origine de la prise de Kiev par Oleg, fils de Rurik en 882.

    À ce titre, cette progression vers le sud ne se fit pas sans difficultés. Cette expansion territoriale ne pouvait que tôt ou tard heurter les intérêts de peuples disposant de structures déjà bien établies tels l’Empire byzantin ou encore l’Empire khazar, bordant la Mer Noire et bénéficiant d’un rayonnement civilisationnel très étendu. Enfin et tout naturellement, des complications logistiques inhérentes à la topologie du terrain puisqu’un coup d’oeil attentif au tracé fait clairement surgir l’absence de voie d’eau directe entre le Nord et le Sud. La réponse est simple : lorsqu’il n’était plus possible de remonter le cours d’eau, les hardis guerriers-commerçants transportèrent leurs navires jusqu’à un autre afin de poursuivre leur chemin.

    De la sorte, ils arrivèrent à proximité de la zone d’influence byzantine, et plus particulièrement des avant-postes de Kherson et Theodosia, villes grecques de Crimée. Pour mieux en découdre… Singularité de ces affrontements avec les héritiers de l’Empire romain qui mèneront les rus’ jusqu’aux portes de Constantinople : les combats se solderont très souvent par des traités… commerciaux [1]. Le premier affrontement entre les deux puissances semblerait avoir eu lieu extrêmement tôt : en 860. Laquelle « rencontre » semble avoir été un raid rondement mené avec butins et prisonniers pendant que la majeure partie des forces de la capitale guerroyait en Asie mineure.

    Pour leur part, les khazars, peuple semi-nomade turcophone de religion juive, s’opposèrent avec moins de succès à la poussée des rus’. Les richesses de leurs cités ne manquaient pas d’attiser l’intérêt des souverains du nord. Jusqu’à Sviatoslav qui harassa cet Empire qui s’étendait de la Mer Noire à la Mer Caspienne jusqu’à prendre Sarkel en 965 puis Ittil en 968, clôturant de fait l’existence indépendante d’un gigantesque territoire.

    La victoire et l’emprise sur la Mer Noire n’étaient pourtant pas acquises : la fortune de la guerre en décidèrent autrement. Les conflits envers les pétchénègues et les byzantins les siècles suivants aboutirent à ce que le territoire ne fut jamais sérieusement considéré comme terre Rus’ permanente même si les revendications perduraient.

    Une situation fragile qui perdura jusqu’à l’arrivée de la Horde tataro-mongole qui disloqua la Rus’ de Kiev (assauts de 1223 puis de 1237) et l’assujettit à son joug pendant près de trois cents années. Tout ce qui avait été âprement disputé pendant des siècles appartenait désormais au grand Khan. Et même si la Moscovie prit le relais de la Rus’ de Kiev à partir du XVème siècle, elle vit se dresser devant ses ambitions de reconquête les puissants descendants de cette invasion regroupés autour du Khanat de Crimée sans réussir à reprendre pied sur les bords de cette mer intérieure. Furent décisives l’ouverture vers le monde extérieur (et les technologies utiles) et la pugnacité de plusieurs souverains russes pour revenir enfin sur ces berges.

    Pour ce faire, tant Pierre le Grand qu’Anne Ière et pour finir Catherine II emploieront au XVIIIème siècle l’ensemble des moyens humains, financiers et militaires à leur disposition pour reprendre pied sur les bords de la Mer Noire, avec des fortunes diverses mais toujours selon la même abnégation. Ils n’ont fait en cela que reprendre une marche inexorable des russes vers le sud commencée des siècles auparavant.

    Et cet attrait peut encore se comprendre dans les années 2010 même s’il est désormais plus militaire que commercial. Ainsi le point d’appui naval de Tartous en Syrie (en cours de modernisation) ne manqua pas de peser sur la décision ferme du Kremlin d’empêcher toute intervention occidentale dans le pays en proie à la guerre civile. Cet exemple appuie davantage le fait que de disposer d’une flotte opérationnelle en Méditerranée demeure un objectif stratégique pour les autorités. Et si la Russie entend aussi peser sur les décisions qui se jouent dans la zone Pacifique, la Mer Noire comme tremplin vers la Méditerranée reste à la fois un symbole fort de l’imaginaire russe mais aussi une nécessité pour prendre part aux décisions géopolitiques en Europe et au Proche Orient. Quant à la Crimée, tout observateur se penchant sur une carte acquiescera au fait que celle-ci est le promontoire idéal des ambitions russes dans la région.

    Yannick Harrel[1] Le dit de la campagne d’Igor, long poème épique exhumé à la fin du XVIIIème siècle relate notamment l’une de ces campagnes par le souverain de Kiev, Igor (1ère moitié du Xème siècle). Par la suite, et comprenant tout l’intérêt de bénéficier de telles lames, les Empereurs byzantins s’efforceront à s’entourer de mercenaires varègues jusqu’au tout début du XIIIème siècle : ces derniers devenant de plus en plus essentiels quant aux affaires étatiques non seulement en tant que troupe d’élite parfois même décisive sur le champ de bataille (bataille de Beroia en 1122) mais aussi comme garde personnelle. L’un des épisodes de la saga d’un Harald III Hardrada, mercenaire et roi de Norvège étant particulièrement éclairant quant à cet aspect de la vie byzantine.

    Yannick Harrel

    Pour approfondir le sujet :

    Arrignon Jean-Pierre, La Russie médiévale, Éditions Belles Lettres, 2003

    Vodoff Vladimir (sous la dir.), Histoire des slaves orientaux – des origines à 1689, Éditions CNRS, 2001

    http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2014/04/20/la-route-des-varegues-aux-grecs.html

  • Le dieu unique de l'islam ne connaît pas l'amour

    Dans Chesterton face à l'islam, Philippe Maxence présente la vision chestertonienne de l’islam, bien utile à l'heure où l'islam se fait de plus en plus menaçant. En s'appuyant sur des extraits des ouvrages et articles du romancier et journaliste britannique, l'auteur décrit la nature profonde de cette religion. Chesterton fait notamment un rapprochement entre l'islam et l'hérésie unitarienne, qui consiste à nier la Trinité pour considérer que Dieu n'est qu'une seule personne. Cela rejoint l'affirmation de la foi musulmane Extrait :

    C"Ignorer cette fixation sur l'unicité de Dieu, Un, non seulement dans sa substance mais dans sa personne, c'est risquer de ne rien comprendre à l'islam et jusqu'à sa volonté conquérante également inscrite profondément en lui. Car la conquête est permise et si l'on peut dire, elle est naturelle pour les disciples d'un Dieu qui étant seul ne peut pas aimer et ne connaît dès lors que la loi de la soumission. Pour les chrétiens de bonne volonté, ignorer cette insistance sur l'unicité de la part des disciples de Mahomet, c'est risquer également de se fourvoyer dans un dialogue islamo-chrétien qui risque de se révéler un véritable marché de dupes. Le Dieu des chrétiens et des musulmans n'est pas le même ou, plus exactement, la manière dont chrétiens et musulmans présentent Dieu n'est pas la même et, de ce fait, les répercussions théologiques de cette différence sont abyssales et nombreuses."

    Michel Janva