Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Gérard Pince : « Nous assistons à la disparition d'un monde »

Essayiste, économiste et démographe, Gérard Pince vient de publier « Qui a tué Mamadou ? », un roman qui a pour thème l'immigration.

Monde et Vie : Gérard Pince, est-il possible d'estimer l'importance de la population immigrée en France aujourd'hui ?
Gérard Pince : On trouve les chiffres exacts de [la présence étrangère dans les documents de l'Inisee, qui en a d'ailleurs récemment consacré un aux immigrés et à leurs descendants. Selon les chiffres que fournit ce document, les immigrés de 'la première génération se comptent actuellement à peu près 5,5 millions, et les descendants d'immigrés - qui sont nés en France et le plus souvent acquièrent la nationalité française par le droit du sol - sont 6,7 millions.
Au total, la présence d'origine étrangère (personnes nées à l'étranger ou de parents nés à l'étranger) représente environ 12 millions de personnes sur une population de 65 millions. Sur ces 12 millions, la population d'origine extra-européenne, c'est-à-dire extérieure à l'Union européenne, représenterait d'après les statistiques de l'Insee - qu'il faut « décortiquer », car il n'est pas aisé de s'y retrouver - 6,9 millions de personnes.

Ces chiffres de l'Insee sont-ils fiables ?
Je l'ignore, mais ce sont les seuls dont nous disposons et ce sont donc sur eux que je me suis appuyé pour évaluer le déficit engendré par ces populations dans les finances publiques nationales, de manière à éviter les controverses et les polémiques en me fondant sur des bases reconnues par tout le monde.

À combien ce déficit s'élève-t-il ?
70 milliards d'euros en 2009. C'est compréhensible, puisque les taux de chômage sont extrêmement importants et les recettes fiscales faibles. Ces populations consomment énormément des prestations sociales et contribuent assez peu en retour, par leur fiscalité, aux finances publiques.

Pour quelles raisons continue-t-on alors à faire appel à l'immigration ? Qui y trouve intérêt ?
À l'échelle internationale, la plupart des grands médias qui représentent le patronat - je pense par exemple à l'hebdomadaire anglais The Economist - répètent sans cesse que l'immigration est indispensable. Manifestement, cette propagande a un but économique, que l'on peut comprendre d'une certaine manière du point de vue de l'entreprise et qui consiste à essayer de ramener les salaires au niveau de ceux des pays émergents. Or, pour les ramener à ce niveau, il faut davantage d'offres de travail, donc davantage de migrants. Voilà pourquoi, alors que le chômage augmente, on nous explique paradoxalement qu'il faut faire venir toujours davantage d'immigrés.

S'il s'agit de réduire les salaires, une logique non moins cynique ne voudrait-elle pas que les entreprises délocalisent pour produire moins cher à l'étranger, plutôt que d'importer de la main d'oeuvre ?
Les deux attitudes sont complémentaires. Toutes les entreprises ne peuvent pas se délocaliser. Certaines, en particulier des entreprises industrielles, se délocalisent aisément, mais d'autres pas : une entreprise de distribution qui est en France et vend à des consommateurs français, par exemple, ne se délocalisera pas. De même, beaucoup d'entreprises de services qui sont exclusivement tournées vers le marché intérieur ne le font pas non plus, ne serait-ce que pour d'évidentes raisons géographiques. Les deux démarches, délocalisations et immigration, sont donc complémentaires et s'épaulent l'une l'autre.

Ces intérêts économiques ne rejoignent-ils pas des intérêts politiques ? L'immigration représente aujourd'hui un vivier électoral...
En effet, et il deviendra encore plus important si l'on donne le droit de vote aux élections locales aux étrangers. Cela concerne d'ailleurs aussi les élections nationales, puisque les élus locaux participent à l'élection des sénateurs... Or, lors des dernières élections présidentielles, les quartiers musulmans ont voté pour la gauche pratiquement à hauteur de 90 %. Donc, plus elle fera venir d'étrangers en leur donnant le droit de vote, plus elle sera assurée de conserver indéfiniment le pouvoir. Dans ces conditions, la démocratie et le suffrage universel n'ont plus aucun sens, puisqu'il suffit de remplacer la population pour changer complètement les résultats des élections. L'élection d'Obama en fournit un exemple encore plus récent : 70 % des latinos et 90 % des noirs ont voté pour lui. Ainsi, dans les sociétés multiethniques ou multiculturelles, les électeurs ne se déterminent pas à partir de choix politiques, mais à partir de choix ethniques. On en revient ainsi au tribalisme.

J'en viens à votre livre, Qui a tué Mamadou ?(1). Vous êtes parti d'un fait divers pour créer cette histoire de montage politico-policier, visant à transformer l'assassinat d'un trafiquant de drogue malien en crime raciste. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Il s'agit de mon troisième roman, après Le revenant de la forêt guyanaise, en 2010, et La proie du mal, en 2011(2). Compte tenu de l'actualité brûlante, j'ai voulu consacrer ce troisième roman au thème de l'immigration. Je me suis servi de l'ensemble des faits divers liés à l'immigration qui se sont récemment succédé - qu'il s'agisse de l'école, de l'hôpital, etc. - pour créer une intrigue qui montre ses conséquences sur la vie quotidienne des Français. Je raconte l'histoire d'une famille d'entrepreneurs, bourgeoise, qui, à la suite d'une série d'intrigues policières et politiques, se trouve entraînée dans une déchéance irrésistible. Cette déchéance préfigure celle de la France en général, c'est pourquoi j'ai intitulé les différentes parties de mon roman : la montée des périls, la drôle de guerre et la débâcle, afin de faire un rapprochement entre la situation que nous connaissons actuellement et la catastrophe survenue en 1940. Je montre que, finalement, nous assistons à la disparition d'un monde. Ce n'est certes pas un roman très optimiste, mais il est malheureusement lucide.
Propos recueillis par Jean-Pierre Nomen monde & vie 10 novembre 2012
1) Gérard Pince, Qui a tué Mamadou ? éd. Godefroy de Bouillon, 274 p, 29 €
2 ) Ces deux titres, publiés aux éditions de L'Harmattan, peuvent être commandés sur Amazon.

Les commentaires sont fermés.