La cause est entendue. Obama a été réélu par les minorités noires et latino, mais aussi par la fraction de la communauté blanche dite libérale, lisons quasi socialiste, merveilleusement incarnée naguère par feu Edwards Kennedy, milliardaire au grand cœur.
C’est celle qui ne rêve que d’étendre encore davantage l’emprise de l’État fédéral à des fins de justice sociale, entendons par-là une redistribution aussi large que possible en faveur des déshérités, celle qui a milité avec acharnement en faveur de la réforme du National Health Service votée voici plus de deux ans.
Aux États-Unis comme en France, l’électorat blanc a été victime de l’immigration. En fait, cela était prévisible voici dix ans, lorsque le Bureau of Census américain nous a appris que le dernier bébé né aux États-Unis cette année-là changeait la majorité de la population en faveur des minorités. Les blancs d’origine caucasienne devenaient minoritaires pour la première fois dans l’histoire de l’Amérique. Les conséquences électorales n’ont pas tardé à se manifester.
En gros, cette élection a vu le triomphe de l’Amérique sociale et compatissante contre l’Amérique industrieuse et industrielle, l’Amérique du travail, de la compétitivité et de la réussite individuelle contre l’Amérique compatissante soucieuse de la prise en charge par la collectivité de tous les « laissés pour compte de la croissance ». Et ils sont nombreux Outre Atlantique où la crise financière a creusé encore davantage le fossé toujours béant des inégalités de la société américaine.
Cette réélection apparaît d’autant plus injustifiée qu’Obama, en dépit de son évidente bonne volonté et de ses qualités personnelles, a échoué sur toute la ligne, notamment en termes d’emplois et de croissance. La création d’emplois nouveaux reste anémique et la croissance oscille, pour l’instant, autour d’une trajectoire quasi plate et cela en dehors d’un déficit budgétaire qui reste phénoménal et des énormes quantités de liquidités enfournée à tour de bras par Ben Bernanke, le président d’une Fed complaisante devenue une machine à imprimer des billets. En dehors de cela, la crise des crédits hypothécaires n’est toujours pas résolue et bien des ménages modestes continuent à être expulsés sans ménagement de leurs logements. Bien plus, la réforme du secteur bancaire et financier n’a été menée à bien qu’en partie et les fameux « hedge funds » recommencent à proliférer ici et là. Les leçons de la dernière crise n’ont manifestement pas été tirées. Une nouvelle « bulle » spéculative ne va pas tarder à se former.
Que faut-il attendre de cette réélection ? Il est permis de se demander si, avec la mise à l’écart de Mitt Romney, malgré ses défauts, l’Amérique n’a pas perdu sa dernière chance de se réformer et de remonter la pente. En d’autres termes, il est donc à craindre que les États-Unis, qui sont sur une pente hésitante depuis une dizaine d’années, vont à leur tour emprunter le chemin du déclin, comme la vieille Europe avant eux.
Car les « penseurs » Outre atlantique, et l’on pense ici naturellement au plus vociférant d’entre, le prix Nobel d’économie, mais surtout chroniqueur au New York Time, Paul Krugman, à la barbe fleurie, persistent à ne jurer que par l’évangile selon Keynes, à savoir, des déficits, encore des déficits et toujours des déficits (d’autant plus que comme il est prévisible, le nouveau Health Service qui entrera en œuvre en 2014 va se révéler un insondable gouffre à milliards de dollars (comme notre chère Sécu en Europe).
C’est que financer par le déficit est tellement commode. Aussi longtemps néanmoins que l’hydre de l’inflation ne réapparait pas (elle est contenue, pour l’instant) par le chômage et la compression du revenu moyen des ménages) et que les investisseurs étrangers, japonais mais surtout chinois, continuent faute de mieux à acheter des bons du trésor américains qui financent le déficit. Car les États-Unis, on le sait, disposent du redoutable privilège de battre monnaie internationale.
L’endettement des États-Unis va donc continuer à s’élever tranquillement vers le ciel avec cependant une double limite. La première serait si, pour une raison ou pour une autre, la Chine renâclait à financer l’Amérique, ce qui peut intervenir en cas de fâcherie sérieuse, (d’ordre diplomatique ou prudentielle) auquel cas les taux d’intérêt, qui sont restés à un niveau historiquement bas, et disons-le anormalement bas, commençaient à grimper, risquant du même coup d’étrangler dans l’œuf une reprise économique toujours hésitante. Il est vrai que si la technique du « fracking » tenait ses promesses, et que les USA redeviennent exportateur net de pétrole et de gaz naturel, ce serait évidemment un ballon d’oxygène en faveur de ce pays qui pourrait à nouveau bénéficier d’un sursis inespéré dans la remise en ordre de son économie et notamment la reconstruction de ses infrastructures terriblement négligées. Mais saura-t-il en profiter ? Pour l’instant, il n’en a guère pris le chemin et il est à craindre que les ressources additionnelles ne soient utilisées pour financer de nouvelles largesses sociales en faveur de la nouvelle majorité.
Un second obstacle qui se dresse sur la route du déficit à perpétuité tient à la majorité de la Chambre des Représentants où les Républicains, enragés de leur nouvelle défaite, ne semblent pas disposés au moindre compromis. Mais tout finira bien par un compromis boiteux, comme d’habitude.
C’est dans le domaine de la politique étrangère que le changement pourrait être le plus net.
Le président Obama voudra sans doute -il est né à Hawaii- concentrer son attention sur le Pacifique, face à la Chine, et se désintéresser un peu plus de cette insupportable Europe qui refuse obstinément de financer sa propre défense tout en s’enlisant voluptueusement, mois après mois, dans les méandres infinis de la crise de l’euro. Par ailleurs, le processus, en route, d’islamisation insidieuse de la vieille Europe n’a certainement pas échappé aux observateurs américains. Entre une Europe plus ou moins islamisée et une Europe encore vaguement chrétienne, il est clair que les USA n’hésiteront pas privilégier la première, pour sauvegarder avant tout leurs intérêts stratégiques de long terme. Comme ils l’ont magistralement fait au Moyen-Orient (avec, il est vrai, des résultats bien ambigus). Et tant pis pour cette vieille Europe qui s’est obstinément montrée incapable de se défendre toute seule.
Par contre, le volcan israélien risque de se réveiller tout d’un coup, et l’Amérique, pourtant lasse des combats en terres étrangères, pourrait bien se voir happée à contre cœur dans un nouveau champ de bataille au Moyen- Orient. D’autant plus que le brasier syrien flambe de plus belle et que le feu couve sous les cendres en Libye.
Dure leçon. Il ne suffit pas de gagner de justesse les élections américaines pour que la paix revienne miraculeusement dans le monde.
Dans ce contexte déprimé, une Amérique diminuée pourra-telle rester le grand arbitre international, le champion des libertés dans le monde ? Voire.