Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Réflexions sur Vacher de Lapouge et la fin de l’histoire

On frémit en pensant aux hécatombes
humaines que l’avenir réserve. La lutte entre
les prétendants à la domination universelle
sera longue, et nécessairement sans merci.

1898

Quand on parle de racisme, on parle des philosophes ou des savants racistes ; et on oublie qu’au siècle de Hitler les victimes de ce racisme scientifique ont été les blancs ; les juifs bien sûr (vus comme une menace supérieure, aristocratique même), les slaves bientôt condamnés à l’esclavage par les nazis (eux-mêmes complexés par la présumée supériorité britannique), et les latins ou Français, taxés de brachycéphalie et de catholicisme congénital.

Il est le temps de le dire : beaucoup plus que les autres races, la race blanche a été la grande victime du délire raciste de l’université et de la pensée déjantée de l’après-christianisme. Les guerres allemandes contre la Russie et le monde slave ont surtout eu une logique raciste - et bien sûr d’espace vital. Avec le marxisme sa promesse d’extermination des classes supérieures, le racisme hérité du darwinisme aura été le fourrier des charniers et des champs de nos deux guerres mondiales. La science n’est jamais infaillible et elle est presque toujours l’illustration d’une idéologie. Y compris à notre époque trans-humaine...

A l’époque donc la race supérieure ou considérée telle n’est pas la germanique (jugée trop brachycéphale !) mais l’anglo-saxonne, mise à la mode par Jules Verne (Passe-partout valet de pied français de Philéas Fogg) ou Kipling. C’est elle qui est dolichocéphale et doit dominer le monde.

Mais j’en viens à Vacher que je viens de relire sur <archive.org>.

J’avais découvert Vacher de Lapouge il y a trente ans grâce aux livres et aux conférences (à Sciences-po) du professeur Zeev Sternhell ; ce dernier l’étudiait sans le diaboliser. Ce qui m’avait le plus intéressé, par-delà les réflexions craniologiques un peu démodées déjà, était la réflexion sur la fin de l’histoire que faisait Lapouge, et qui n’en finit pas de nous concerner.

***

Vacher voit un triomphe historique ou post-historique en France du brachycéphale :

« Cependant la médiocrité même du brachycéphale est une force. Ce neutre échappe à toutes les causes de destruction. Noiraud, courtaud, lourdaud, le brachycéphale règne aujourd’hui de l’Atlantique à la Mer Noire. Comme la mauvaise monnaie chasse l’autre, sa race a supplanté la race meilleure. Il est inerte, il est médiocre, mais se multiplie. Sa patience est au-dessus des épreuves ; il est sujet soumis, soldat passif, fonctionnaire obéissant. II ne porte pas ombrage, il ne se révolte point. »

Ce brachycéphale (défense d’éclater de rire, ou de se tordre comme dirait Allais) confirme le pessimisme d’un Tocqueville et il annonce assez bien le dernier homme nietzschéen, l’homme des 3 x 8, des embouteillages et de la télévision ; il est bien sûr un amateur de la fonction publique :

« Le fonctionnarisme est ce qui convient au brachycéphale. En France, dans ces cinquante dernières années, le nombre des fonctionnaires est passé de 188.000 à 416.000. Il en est ainsi dans les autres pays brachycéphales, et même en Suisse, où l’avènement politique des couches inférieures a fait disparaître les principes de bonne administration et de liberté. »

Plus gravement Vacher annonce comme beaucoup d’autres penseurs de l’époque (Lecky, Tocqueville, Thoreau...) le déclin de l’initiative privée et de la liberté d’entreprendre : le monde moderne aime trop interdire. Et comme Nietzsche Vacher prévoit un triomphe de l’inférieur sur le supérieur :

« Le progrès des servitudes sociales et de l’interdépendance, - obligation de faire ceci, de ne pas faire cela, chaque homme grevé de servitudes au bénéfice de tous, - peut faire que l’avenir soit aux plus serviles... Ce qu’il pourrait avoir envie de faire, et le voisin pas, la loi lui défendra de le faire, et l’homme actif sera dans ses actions très près de l’homme inerte.

Si l’on continue à exiger, comme première qualité d’un sujet, qu’il soit parfaitement inerte et soumis à l’autorité, le brachycéphale finira par avoir le dernier mot. »

***

Par rapport aux autres races, présumées inférieures dans nos livres d’histoire, Vacher est bien plus relativiste. On va même voir qu’il n’est pas raciste selon nos critères même les plus exigeants ! Son fatalisme historique est absolu. Il annonce bien sûr l’invasion de l’Europe par l’Afrique (mais n’avait pas prévu celle de l’Amérique du Nord par l’Amérique centrale) :

« Il en sera de même quand les populations noires de l’Afrique, douées d’une si grande fécondité et que nous empêchons de s’égorger, rempliront le continent de leurs masses compactes et fardées de civilisation. »

Vacher reconnaît bien sûr le talent et le travail des représentants de la race jaune, et il prévoit même un réveil de la race jaune endormie par l’opium victorien :

« Le Japonais et le Chinois surtout possèdent de remarquables aptitudes économiques. Ils valent, au point de vue commercial, les Arméniens, les Juifs et les Anglais. Ils ont sur les Juifs un grand avantage : ils sont des agriculteurs sans pareils... »

On est déjà au siècle de la délocalisation et des massifs transferts de population.

Tout cela débouchera bien sûr sur une naturalisation universelle, car Vacher voit que l’on ne pourra ni ne voudra rien y faire :

« Cette entrée d’éléments jaunes dans les nations occidentales ne pourrait être indéfiniment retardée si les principes politiques actuels continuaient à dominer. Il ne serait pas longtemps possible de refuser la qualité de citoyens aux Chinois, dont les aptitudes sociales et politiques sont plutôt au-dessus de la moyenne de celles de nos électeurs français. »

Les juifs eux-mêmes sont considérés comme un rival mais pas un ennemi, comme une aristocratie à part, à l’aise dans une société capitaliste, développée et industrielle. Vacher dit même qu’ils pourront un jour dominer les Etats-Unis d’Europe.

« C’est pourquoi il est possible que dans un avenir prochain l’Occident devienne, à l’exception de l’Angleterre, une république fédérative gouvernée par une oligarchie juive. »

***

Il voit par contre venir les grandes guerres, le combat pour la domination qui opposera les grands empires russes et allemands, le monde anglo-saxon et la vieille Europe transformée en champ de bataille. A l’époque la Russie connaît un boom démographique (Vacher annonce 500 millions de russes pour 1950 !) auquel Staline et Hitler mettront bon ordre :

« Le moment est proche où la lutte pour la domination définitive du globe va s’engager...

La Russie et tous les Etats américains, de l’Australie et de l’Afrique australe... sont, pour les chances d’avenir, en meilleure posture que la France ou l’Allemagne, dont le territoire entièrement peuplé ne pourrait par lui-même nourrir une population plus forte. »

Il voit l’Europe limitée par son nombre, par sa taille, par son histoire, bref par beaucoup de facteurs ! C’est peut-être pour cela qu’il ne faut pas trop en vouloir aux Européens...

« Le rôle de l’Europe est fini, bien fini. Des nations qui comptaient autrefois, les unes, la Hollande, le Portugal, l’Espagne même ne comptent déjà plus. L’Autriche continue son existence chancelante, mais le jour semble proche où les provinces allemandes, la Bohême même, seront absorbées par l’Empire allemand. »

***

Sur la construction européenne, Vacher écrit enfin ces lignes surprenantes qui relèvent de Kojève et de Fukuyama :

« La coalition occidentale peut se faire sous l’hégémonie de l’Allemagne... Cette destruction de l’esprit national peut faciliter le groupement des nations, rendu difficile aujourd’hui par le nationalisme. »

Et il avait aussi prévu que l’Allemagne se présenterait comme un rempart occidental contre le bolchévisme, pardon contre l’empire des tzars.

Mais je vous laisse à vos réflexions, me contentant pour ma part de méditer cette fable superbe.

« Supposez sur un bateau qui fait naufrage un poisson et un homme, mettons un académicien. L’académicien se noie, le poisson rentre dans son élément. C’est de la sélection, ce n’est pas du progrès. »

C’est vraiment une bonne définition du monde moderne : c’est de la sélection, ce n’est pas du progrès.

Nicolas Bonnal http://www.france-courtoise.info

Les commentaires sont fermés.